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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Internationalisation des luttes syndicales

Usine de Brylane : exemple de nouvelles formes d’action syndicale coordonnées au niveau mondial

Maude SIRE

11 / 2002

Lorsque les représentants du syndicat américain Unite se sont intéressés aux conditions de travail dans l’usine de Brylane à Indianapolis, ils étaient loin d’imaginer que ce combat allait déboucher sur une campagne innovante d’envergure internationale.

Unite est le plus grand syndicat du textile et des blanchisseries, représentant près de 250 000 travailleurs aux Etats-Unis et au Canada. Alerté par la situation dans l’usine de Brylane, Unite a découvert un taux d’accident du travail 18 fois supérieur à la moyenne nationale, des conditions de travail ne respectant pas les normes, et aucune représentation syndicale. Unite a alors lancé, en octobre 2001, une campagne de signature de carte d’adhésion au syndicat. Malgré le grand nombre d’adhérents, la direction a refusé d’autoriser la création d’un syndicat et a au contraire engagé des conseillers juridiques pour mener une campagne anti-syndicats dans l’usine (vidéo anti-syndicats, formation des superviseurs pour lutter contre les actions syndicales, intimidation des travailleurs hispaniques et menaces de renvoi). Face au refus systématique de dialogue de la direction de l’usine, Unite a engagé une action d’envergure au niveau du groupe auquel Brylane appartient: la multinationale française PPR (Pinault Printemps La Redoute). Concernant Brylane la situation est d’autant plus stupéfiante que dans les autres usines du groupe aux Etats-Unis, les salariés ont pu créer librement leur syndicat.

Pour combattre la campagne d’intimidation de Brylane envers ses employés, les leaders de Unite avec d’autres activistes ont lancé un vaste mouvement regroupant non seulement des militants syndicaux mais aussi des associations (cleanclothes, behindthelabel) des représentants des communautés ethniques, des personnalités religieuses et des élus. Cette stratégie d’alliances durables avec des représentants de la société civile était une première pour Unite et s’est révélé d’une redoutable efficacité.

Dans le cas de Brylane, Unite a axé ses actions sur les enseignes du groupe PPR en particulier les marques de luxe telle Gucci ou Yves Saint Laurent. Des actions ont été menées en collaboration avec les associations locales et les syndicats pour informer les clients Gucci sur la politique sociale du groupe PPR aux Etats-Unis et le refus de créer un syndicat à Brylane. Plus de 51 000 fax de protestation furent envoyés à la direction du groupe par des membres de l’alliance. L’objectif étant de faire pression sur PPR en agissant au niveau de l’image de marque du groupe.

Au niveau international l’action de Unite pour Brylane s’est déplacée dans le monde entier sur les autres marques et usines de PPR. En Europe, les syndicats des magasins et usines du groupe PPR ont été contactés et associés à la campagne. Des manifestations ont été organisées en France (FNAC), en Allemagne, en Belgique avec des représentants des entreprises locales et des délégués de Brylane. Les représentations en Europe des membres du réseau de la société civile ont aussi été mobilisées pour se joindre au mouvement.

En partant d’une action traditionnelle autour de l’usine de Brylane, l’action de Unite s’est étendue à une protestation mondiale contre la politique sociale du groupe PPR (usines en Roumanie, Inde, Indonésie, Philippines, Thailande, Pakistan). Les recherches menées par Unite ont révélé que malgré la charte éthique du groupe PPR, les conditions de travail imposées dans certaines usines du groupe à travers le monde étaient contraires aux normes internationales (salaires en dessous du minimum légal, travail des enfants, pas de cotisations aux systèmes de protection sociale, horaires de travail excessifs, refus d’organisations syndicales). La stratégie d’attaque sur PPR se fait sur plusieurs fronts : manifestions mondiales, envoi de fax et email, harcèlement des administrateurs, informations aux médias, sensibilisation des employés du groupe. Unite s’est aussi tourné vers les investisseurs et actionnaires de PPR. Un rapport détaillé leur a été communiqué précisant les diverses atteintes aux droits des travailleurs dans le groupe accompagné d’une relance téléphonique systématique. Au niveau des actions de rue, Unite utilise le « Pickaboo ». A l’entrée des magasins du groupe des étudiants, des bénévoles associatifs ou des syndicalistes maintiennent une présence discrète mais constante pour faire pression et indiquer que l’attention reste concentrée sur PPR. En particulier, Unite a menacé de mener des actions significatives pendant la période de soldes et autour de Noël.

Au sein du Comité d’entreprise européen de PPR, qui regroupe les délégués du personnel des entreprises de l’Union européenne de PPR, les délégués ont tenté de répondre aux sollicitations de Brylane. Les actions de Unite sont relayées via le Comité d’entreprise européen, et ont abouti à des actions coordonnées par exemple à la FNAC. Toutefois, le comité d’entreprise européen par sa composition (certains délégués sont nommés par leur entreprise) ne peut être un véritable centre de coordination pour les syndicats. D’autre part, les moyens de pression sont limités et il leur est difficile d’adopter une position commune.

Cette action est innovante sur plusieurs plans. L’action partie d’une usine américaine a fini par la mise en cause d’une multinaltionale française. Le syndicat Unite a constitué un réseau avec des représentants de la société civile concernés par la situation des travailleurs de Brylane. Cette alliance s’est maintenue et a été renforcée pour les actions internationales. La campagne Brylane est devenue le porte drapeau de revendications sur la politique sociale de PPR dans le monde entier. Les actions de revendications sont désormais coordonnées par un collectif qui agit sur plusieurs fronts géographiques et thématiques. Cette mode d’action est une première pour Unite, jusqu’à présent ONG, élus, pouvoirs religieux, agissaient ponctuellement ensembles, désormais Unite va essayer de reproduire cette forme d’alliance dans d’autres luttes. Ce réseau est informel, ce n’est pas la déclinaison d’un syndicat au travers de ses filiales à travers le monde.

La détermination et l’éclairage international donné aux problèmes de Brylane ont forcé la direction de PPR a entamé une discussion avec les syndicats. La situation n’est pas encore réglée à Brylane mais le dialogue est ouvert.

L’exemple de Brylane est aussi significatif sur les méthodes employées par Unite. Le syndicat adopte une stratégie multiple en organisant non seulement des manifestations, et des grèves mais aussi en informant l’ensemble des acteurs politiques et financiers concernés mettant une pression constante sur le management de l’entreprise.

Mots-clés

conditions de travail, organisation syndicale, coopération internationale, mondialisation, campagne d’information, multinationale, réseau de citoyens, mobilisation populaire


, Etats-Unis, France, Indianapolis

Commentaire

L’expérience de Brylane a été présentée lors du Forum social européen de Florence en novembre 2002. Un représentant de Unite et la secrétaire générale du Comité d’entreprise européen de PPR ont témoigné. Les méthodes d’action de Unite et l’exemple de coordination avec les acteurs de la société civile peuvent servir d’exemple pour d’autres syndicats engagés dans des luttes similaires dans une économie ou les entreprises appartiennent de plus en plus souvent à des groupes internationaux. Face à la mondialisation de l’économie, des échanges et de la production, les actions syndicales doivent aussi évoluer et agir au niveau international en créant une solidarité entre les travailleurs d’un même groupe. C’est aussi cela une « Autre mondialisation ».

Notes

Cet entretien a été réalisé lors du Forum Social Européen, rassemblement anti-mondialiste qui s’est tenu à Florence, en Italie, du 6 au 10 novembre 2002. Ce forum avait réuni plusieurs délégations d’acteurs sociaux (associations, syndicats, partis et mouvements politiques) de différents pays d’Europe.

Contact : Noël Bealsey, Unite!, International Vice President, Manager Midwest Regional Joint Board, 333 S. Ashland Avenue, 2nd Floor, Chicago, Illinois 60607, Etats-Unis - Tel 312 738 6212 - Fax: 312 738 6211 - nbeasley@unitemidwest.org - www.uniteunion.org - www.behindthelable.org

Source

Entretien

Entretien avec Noël Bealsey

Association France Oural - 14, rue des Tapisseries, 75017 Paris, FRANCE - Tél : +33 (0)1 46 22 55 18 / +33 (0)9 51 33 55 18 - Fax : +33 (0)9 56 33 55 18 - France - www.france-oural.org - franural (@) free.fr

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