Le pôle pluridisciplinaire d’addictologie de Stains : une approche des comportements addictifs

Depuis l’année 2000, la ville de Stains s’est dotée d’un pôle pluridisciplinaire d’addictologie situé dans le centre municipal de santé Colette Coulon. Il réunit des professionnels de divers horizons : sociologue, médecin généraliste, alcoologue, infirmière, psychologue. L’alliance de ces disciplines au sein d’un pôle répond à un objectif : traiter les comportements addictifs grâce à des savoir-faire complémentaires. En effet, les conduites à risques peuvent être liées à des facteurs sociaux ou psychologiques ; c’est pourquoi la pluridisciplinarité est nécessaire pour un accompagnement au plus près des besoins du patient. Le pôle travaille sur la dépendance aux médicaments, au tabac, à l’alcool, aux drogues licites et illicites.

Un suivi individuel est élaboré avec le patient sous forme d’un protocole de soin personnalisé avec le ou les soignants de son choix.

Une approche sociologique des comportements addictifs

L’originalité du pôle repose sur une approche sociologique des comportements addictifs. Le pôle est coordonné par Kassem Khaldi, intervenant communautaire de formation sociologique. Cette approche consiste non pas à penser le produit (alcool, drogue, tabac) comme la cause des difficultés du patient, mais à considérer le patient comme étant lui-même à l’origine de ses difficultés. Cette démarche contraste avec une attitude assez fréquente qui excuse la prise excessive de produit par les difficultés, familiales ou sociales, rencontrées par la personne. Le pôle n’est pas sur cette position. Il considère que ce ne sont pas les difficultés qui sont la source du comportement addictif, mais le patient lui-même car il peut trouver des ressources pour surmonter autrement ses problèmes que par la prise de produit. Le soignant aura ainsi pour mission de l’aider à en prendre conscience. Le produit n’est pas pour autant criminalisé, puisque " c’est la personne qui va vers le produit et non le produit qui s’impose à elle ".

Ce point de vue sociologique se rapproche de la sociologie weberienne qui pose l’individu comme acteur de la société. L’accent est mis sur les capacités des individus à agir sur leur milieu. Pour que l’individu soit en mesure de devenir cet acteur, le rôle du sociologue du pôle sera de travailler avec la personne sur ses représentations sociales à travers une socio-analyse, qui peut s’apparenter à une psychothérapie, pour lui faire prendre conscience qu’il existe des alternatives à son comportement addictif. La prévention des risques passe ici par la connaissance : une meilleure compréhension de son environnement permet d’être critique et de se protéger.

Le protocole de soin

Cette approche sociologique se répercute dans le protocole de soin proposé au patient suivi par le pôle, dès son accueil jusqu’à sa sortie. Ce protocole personnalisé met l’accent sur le relationnel : l’accompagnement se construit de manière conjointe entre le soignant et le soigné. Le patient décide avec quel professionnel (alcoologue, psychologue ou sociologue) il souhaite être soigné. Il s’agit donc d’un suivi qui s’adapte à chaque cas et qui demande l’implication du patient : les savoir-faire des soignants sont mis à la disposition du patient pour qu’il se les approprie et soit acteur de sa guérison. L’objectif est de rendre envisageable la guérison en montrant au patient qu’il dispose de moyens pour changer son comportement même si son environnement social ou familial ne change pas. La réussite de la démarche nécessite qu’une relation de confiance s’installe entre le patient et le soignant. Une trentaine de personnes ont suivi ce protocole depuis l’ouverture du pôle.

Un ensemble d’actions

Le pôle, en plus de son activité soignante, mène d’autres actions autour de la prévention des conduites à risque et anime des instances de réflexion sur ce thème.

- Le lieu d’écoute et d’échange 4D, créé en 1995 à Stains, dépend du pôle. Cette structure soutient familles et professionnels confrontés aux problèmes de la dépendance (voir fiche d’expérience " Stains : 4D et maison des parents "). Les personnes suivies par 4D peuvent êtres orientées vers le pôle pour s’engager dans un protocole de soin adapté.

- Le pôle anime le centre de cure ambulatoire en alcoologie qui a, entre autres, mis en place un groupe de réflexion interpartenariale sur la prévention des conduites à risques. Une quinzaine de professionnels issus du champ médico-psycho-social, d’associations, de l’Aide sociale à l’enfance, du service social départemental, de la protection maternelle infantile, d’un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) réfléchissent à l’amélioration de l’accompagnement des personnes. Chaque mois, le groupe se penche sur un cas particulier pour repérer les dysfonctionnements. Chacun est invité à interroger ses pratiques pour trouver des solutions.

- Un animateur de réduction des risques dépend du pôle. Au contact de la population stanoise, il essaie de dédramatiser le climat lié à la présence d’usagers de drogues dans les quartiers. Il s’occupe notamment des deux distributeur de Stéribox installés à Stains.

- Le pôle coordonne l’Atelier des pratiques préventives en milieu scolaire. Des intervenants formés à la santé communautaire (travailleurs sociaux, médecins, infirmières) font un travail d’échange et de réflexion autour de la santé de l’élève. Une infirmière recense les représentations des élèves de plusieurs classes sur la santé, lesquelles seront étudiées pour servir de base aux discussions avec les élèves et aux actions de prévention.

- Le pôle organise le "défi stanois" qui sensibilise, tous les deux ans durant une semaine, la population sur la consommation excessive d’alcool. La première édition a eu lieu en 1995. Durant cette semaine, un test de trois jours sans alcool était proposé aux habitants. En 2001, l’esprit du défi stanois a changé. Les trois jours sans alcool ont été abandonnés, car ils entraient en contradiction avec la philosophie du pôle : apprendre à se contrôler plutôt que de supprimer le produit qui n’est pas la cause du comportement addictif. Le slogan du dernier " défi stanois " était donc " Le défi, c’est Savoir boire ". Des actions de sensibilisation aux dangers de l’alcool ont été maintenues : débats avec la population, distributions d’éthylotests, rencontres dans les bars pour discuter de la consommation d’alcool avec les clients.