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A Strasbourg, une permanence d’accueil des sans-papiers écoute et accompagne ces exclus dans leurs démarches

Au côté des sans-papiers, une permanence inscrit son action dans le champ politique tout en refusant de faire l’économie d’un travail de terrain. Cette initiative de parrainage citoyen a suscité, depuis 1998, la mise en place d’un collectif de juristes et d’un collectif de médecins, a mobilisé un réseau associatif et impliqué les habitants dans la recherche de solutions et le soutien à leurs voisins

Jérôme BAR

12 / 2001

Tous les lundis matin, dans le centre de Strasbourg (France), à deux pas de la mairie, des Algériens, des Arméniens ou des Kurdes viennent consulter la permanence d’accueil des sans-papiers. Ils sont là pour témoigner de leur situation, recevoir des conseils et des informations pratiques (recommandations du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), liste des hébergements d’urgence, adresses utiles) ou bénéficier d’une écoute et d’un soutien moral. La permanence a ouvert ses portes le 25 novembre 1998 à l’initiative de Véronique Dutriez, institutrice à la retraite, mère de trois enfants et "chef d’entreprise familiale" selon ses termes. Depuis 1997, Véronique et sa famille parrainaient une famille de Kurdes, accompagnant ces sans-papiers dans leurs démarches administratives et leurs difficultés quotidiennes. Véronique est également adhérente de l’association de lutte contre les fascismes Ras-le-front. D’où lui est venue l’idée de créer, parallèlement aux acteurs associatifs qu’elle connaissait, une permanence de citoyens engagés dans le soutien aux sans-papiers ? "Pour faire avec les gens et non en leur nom ! " répond Véronique, choquée par le décalage entre le discours politique et la cruelle réalité de ces hommes et de ces femmes qui vivent parmi nous, parfois depuis des années, sans reconnaissance et sans droits. La revendication doit, selon elle, s’appuyer sur une connaissance du terrain, des mécanismes d’exclusion et des stratégies de sortie de la précarité. C’est par un parrainage citoyen que Véronique, avec six autres bénévoles, entend soutenir concrètement les sans-papiers et interpeller la responsabilité individuelle de ses concitoyens en les aidant à se réapproprier la sphère politique.

Depuis 1998, la permanence a constitué plus de 200 dossiers de familles sans papiers. Ces familles sont reçues dans un lieu convivial, sans rendez-vous, de façon confidentielle ou collective (originalité qui permet aux accueillants de croiser leurs regards et de partager des situations souvent douloureuses). En-dehors de l’accueil, de l’accompagnement (parrainage citoyen) et du témoignage, et sur la base de la bonne volonté et des compétences des habitants, la permanence dispose d’une série d’outils :

  • Un collectif réunissant des avocats et des militants d’associations de défense des droits des étrangers travaille sur les dossiers, propose des solutions et intervient (souvent gracieusement) à titre de conseil ou d’accompagnement. Des séances de travail sont organisées sur le droit des étrangers dans les différents pays européens ou sur l’asile territorial.

  • Un collectif de médecins libéraux accueille et parraine médicalement des sans-papiers (exclus du système d’accès aux soins). Le mari de Véronique, médecin, a constitué ce collectif.

  • Un réseau d’associations du secteur social (où passent les sans-papiers) bénéficie du point d’ancrage que représente l’association et renforce la connaissance réciproque et la coopération des différents acteurs.

La municipalité de Strasbourg soutenait cette initiative jusqu’aux dernières élections municipales par une subvention annuelle de 20 000 francs. Cette somme était versée sur un compte du Centre d’entraide oecuménique (CIMADE) au profit de la permanence, qui a refusé le statut associatif pour mettre en avant l’engagement citoyen, la réactivité et la liberté d’action (chacun agit en son nom sans passer par la validation d’un conseil d’administration). Cette mission de catalyseur de l’engagement citoyen se manifeste aussi par l’organisation d’événements ou de repas solidaires réunissant les habitants, avec ou sans papiers. Des invitations libellées comme suit sont distribuées dans les boîtes aux lettres du quartier : "Gayane, Lusine et Yervand sont heureux de vous faire part de la reconnaissance officielle de leur statut de réfugiés. Ils tiennent à vous associer à leur joie et vous invitent à venir partager le verre de la fraternité et de l’espérance."

Mots-clés

lutte contre l’exclusion, immigré, accompagnement social, participation des habitants, initiative citoyenne


, France, Strasbourg

Commentaire

La médiatisation de la question des sans-papiers ne se fait que lors de heurts avec la police ou de grèves de la faim. Pourtant, ces femmes et ces hommes vivent ou survivent, souvent dans l’indifférence ou la méfiance, en-dehors de ces moments clé ! La permanence est parvenue à susciter une implication continue des habitants, parfois à changer leur regard sur l’immigration, à mobiliser les compétences de professionnels et, ce qui paraît incroyable, à obtenir un soutien des représentants de la loi pour ceux qui sont trop souvent considérés comme des hors-la-loi et des exclus du débat public !

Notes

Entretien avec Véronique Dutriez, réalisé au cours de l’Assemblée Mondiale des Citoyens organisée par l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, à Lille, du 2 au 10 décembre 2001. Contact : Permanence d’accueil des sans-papiers, Maison des associations, 1a place des orphelins, 67000 Strasbourg, France - Tel : 03.88.25.18.39 (lundis de 9H à 13H) - Fax : 03 88 52 16 43 - federmann.dutriez@wanadoo.fr

Entretien avec DUTRIEZ, Véronique

Source

Entretien

L’AMI (Ateliers Mutualisés pour un Usage Social de l’Information) - 61 rue Victor Hugo, 93500 Pantin, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 44 09 52 - Fax : 33 (0)1 48 43 74 44 - France - www.lami.org - lami (@) lami.org

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