L’Ecole des droits de l’homme de Saint-Pétersbourg permet au citoyen russe de se faire entendre par l’administration
12 / 2001
La Russie se relève peu à peu du régime totalitaire imposé par l’URSS et dont l’esprit perdure quelque peu sous la présidence de Vladimir Poutine. Même si les textes de lois s’humanisent, la population ne le sait généralement pas et le gouvernement ne fait rien pour l’en informer. Ainsi, depuis 1993, les notions de droits et de libertés sont apparues à l’article premier de la Constitution russe. Toutefois, dans la pratique, la Déclaration des droits de l’homme est toujours ignorée en Russie. Dans la société civile russe, personne ne prend en charge l’aide judiciaire et aucun service social ne s’occupe du respect des droits de chacun. C’est d’autant plus problématique que les mentalités n’ont pas évolué depuis l’ère soviétique : personne ne croit vraiment en la loi et personne n’ose faire respecter ses droits. La peur de parler, d’exprimer ses opinions et de s’adresser aux hautes sphères politiques est toujours d’actualité.
C’est dans ce contexte que les femmes de l’association Mères de soldats de Saint-Pétersbourg ont fondé une Ecole des droits de l’homme. Celle-ci rassemble, deux fois par semaine, les gens désireux de connaître et de faire valoir leurs droits. Au cours de ces réunions, chacun expose son problème, dont on débat avant de trouver une loi permettant de le régler de façon simple. Le principal objectif de ces réunions est de redonner confiance aux gens. En effet, grâce à ces rencontres, ils ne se sentent plus seuls et prennent conscience de leurs droits. L’Ecole est pour eux une nouvelle voie pour s’ouvrir à la dignité citoyenne. L’administration russe a la fâcheuse habitude de ne pas informer les Russes de leurs droits. Ainsi, lors de la conscription des jeunes pour le service militaire, les convocations ne mentionnent jamais les dérogations possibles et beaucoup de jeunes se trouvent enrôlés alors qu’ils pourraient échapper au service. Ce type de situation est celui que rencontre le plus souvent l’Ecole des droits de l’homme, ce qui explique qu’elle se soit faite une spécialité de les résoudre. Le service militaire russe est connu pour se dérouler dans des conditions de vie extrêmement dures, et les exemples de morts "accidentelles" ou de "suicides" sont innombrables. De plus, Madame Polyakova ajoute que l’armée russe est connue pour transformer les appelés en véritables "tueurs d’Etat". Or, la loi de conscription générale a été annulée. Il existe donc désormais de nombreuses dérogations possibles, telles que le fait d’être soutien de famille, par exemple. Par le biais d’une méthode extrêmement simple : de simples requêtes écrites, l’Ecole des droits de l’homme est parvenue à faire respecter le droit de déroger de nombreux appelés. Il existe en effet dans la Constitution russe une obligation pour chaque fonctionnaire de répondre aux demandes qui lui sont adressées. Dès qu’il reçoit un courrier, le fonctionnaire peut être considéré comme responsable, par exemple, de la non-présentation de l’appelé au service. L’Ecole apprend donc à chacun à rédiger des requêtes administratives en citant à chaque fois avec une extrême précision la loi ou le principe constitutionnel sur lesquels s’appuie la demande.
Grâce à ces petites victoires sur l’administration, chacun reprend confiance et, peu à peu, devient pleinement citoyen de son pays. De plus, l’Ecole des droits de l’homme fonctionne sur un système d’échange d’expériences, dans lequel chacun explique aux nouveaux venus la démarche à suivre. C’est ce type de méthode, après tout simple et logique, que l’Ecole s’efforce de promouvoir. Cette pratique s’est d’ailleurs étendue à la suite des échanges mis en oeuvre avec d’autres villes, mais aussi parce que son action commence à être relayée par la presse.
éducation à la citoyenneté, sensibilisation au droit, droits humains, transition politique, citoyenneté, revendication de droits
, Russie
Même si les résultats obtenus par l’Ecole sont très positifs, il est clair que l’on sent ses deux responsables extrêmement réticentes à mener des actions de plus grande envergure, notamment devant un tribunal. L’association est très souvent victime d’attaques voilées du gouvernement et préfère rester discrète pour ne pas risquer d’être interdite.</COMMENTAIRES>
Elena Vilenskaya, Ella Polyakova, 9 Rahyezhaya street, St Petersbourg 191002, Russia - Tel : 7(812)112 4199 - Fax : 7(812)166 4837(h) - info@soldiersmothers.spb.org - kazis@mail.axon.ru - elmaria@mail.axon.ru
Cette fiche a été rédigée dans le cadre de l’Assemblée mondiale des citoyens, Lille, décembre 2001.
Entretien avec VILENSKAYA, Elena ; POLYAKOVA, Ella
Entretien ; Présentation d’organisme
Chantier Jeunes Nord Pas de Calais, Alliance pour un Monde Responsable, Pluriel et Solidaire - 80 rue Jean sans peur, 59800 Lille