Dans une communauté indigène de Bolivie, les habitants luttent pour leurs droits et leur patrimoine en revenant à une forme traditionnelle de gouvernement
12 / 2001
Quilaquila est un petit village bolivien de 1 500 habitants situé à 2 500 mètres d’altitude dans les Andes. Son sol abrite des ressources naturelles : pierre calcaire, minéraux non métalliques, qui provoquent la convoitise des grandes entreprises, et plus particulièrement d’entreprises de ciment comme Fancesa, par exemple. Ces dernières ont décidé de s’approprier petit à petit et de manière illégale les alentours, dérobant des terres à la communauté. En 1995, la construction d’une route dans le village a été décidée, ce qui signifie, à terme, une surexploitation du site. Face aux dommages causés à leur communauté, les habitants ont décidé de réagir. En 1996, ils ont ressuscité une collectivité tradionnelle : "les autorités originaires" (indigènes). Ce système de gouvernement local fonctionne de pair avec les autorités élues des quatre zones (ou "ayllus") qui composent Quilaquila. Ces autorités élisent quatre autorités pour la communauté. Trois ou quatre fois par an sont organisées des juntes démocratiques, au cours desquelles sont prises les décisions les plus importantes après qu’elles ont été approuvées (le vote est très rare). Une fois cette façon traditionnelle de décider restaurée, il ne manquait plus aux populations qu’à récupérer les terres que les grands propriétaires s’étaient appropriées. Ce fut la première décision adoptée par les autorités. Epifanio Pacheco, assistant des autorités originaires déclare : "Ce fut difficile mais nous avons reconquis la quasi totalité des terres perdues."
Jusqu’en 1999, la communauté recueillait l’unanimité à chaque décision. Cette unanimité a toutefois disparu avec le développement de l’exode rural vers Sucre. La frange de la population partie travailler en ville s’est peu à peu opposée aux autorités originaires, soutenue en cela par les entreprises, qui exercent un chantage à l’emploi, selon Epifanio. Et Quilaquila n’est pas un cas isolé. Dans un pays où 80 pourcent des terres appartiennent à 200 familles et les 20 pour cent restant à 5 millions de personnes, une cinquantaine de villages se sont résolus, en 1997, à se retrouver lors du Conseil national d’ayllus et des marques Qullasuyu (CONAMAQ), pour faire pression sur les autorités publiques. Jusqu’à aujourd’hui, le dialogue était peu productif et la situation empirait. A Quilaquila, en 2000, dix paysans sans terres ont été assassinés par la milice. Face aux protestations, les grands propriétaires se défendent en faisant appel au droit à la propriété. Leur union avec le pouvoir judiciaire et administratif leur permet d’agir en toute impunité. Epifanio a même été accusé de terrorisme et traîné en justice pour son occupation des terres. "Nous sommes menacés oralement et physiquement, dit-il. J’ai déjà échappé de justesse à quatre agressions. La dernière, survenue le 10 novembre, était une embuscade. Pour résister à tout cela, on sort en groupe". C’est le prix à payer pour défendre des valeurs aussi fortes que la culture, l’identité, le territoire, la justice. Epifanio et ceux qui le soutiennent multiplient les marches pacifiques et poursuivent des actions d’occupation. Sans grand succès. Les autorités municipales de Sucre se trouvent dans une position de subordination face à ceux qui détiennent le pouvoir économique. A l’inverse de l’expérience citoyenne de Quilaquila, où les autorités originaires favorisent la propriété et le travail collectif, leur politique ne permet pas de développement durable. Aujourd’hui, Quilaquila n’a plus les moyens de choisir son avenir. Sans ressources financières et peu relayée par les médias, en majorité contrôlés par les entreprises, la communauté a peu d’espoir de l’emporter. Elle intente pourtant un procès aux entreprises pour avoir violé la loi minière en exploitant les concessions de l’Etat sans respecter ses obligations. La communauté de Quilaquila continue à lutter, et jusqu’à maintenant personne n’a réussi à la faire taire...
lutte pour la terre, revendication paysanne, communauté paysanne, entreprise, mobilisation populaire, valorisation de la culture d’origine, gestion des ressources naturelles, culture et pouvoir
, Bolivie
La lutte pour la défense de leurs terres menée par les peuples indigènes parcourt tout le continent latino-américain et trouve, dans les troupes zapatistes, ses représentants les plus médiatiques. Des peuples moins connus, mais ayant la même force, refusent eux aussi de se voir enlever ce qui constitue la base de leur culture et de leur vie. A Quilaquila, la collectivité a décidé de choisir son destin.
Entrevue réalisée avec Epifanio Pacheco lors de l’Assemblée Mondiale des Citoyens à Lille (France) en décembre 2001. Autoridades Originarias de Quilaquila (Bolivia), epacheco@correoweb. com
Cette fiche a été rédigée dans le cadre de l’Assemblée mondiale des citoyens, Lille, décembre 2001.
Entretien avec PACHECO, Epifanio
Entretien
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