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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Une culture de quartier pour une culture urbaine et des politiques de cité viables et vivables

Georges THILL, Jean-Paul LEONIS

10 / 2001

Membre du Groupe d’étude Habitat/Territoire de l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles, Jacqueline Miller insiste sur le fait que le paradigme de la ville durable constitue à la fois un projet social centré sur l’habitat, un défi économique (développer, construire ou reconstruire la ville sans gaspiller des ressources) et une nécessité culturelle (prendre appui sur des racines et les traces du passé pour projeter l’avenir). Celle/celui qui oublie une des facettes en chemin n’arrivera jamais au but. Car la ville n’est pas un décor qu’il suffit de retaper, mais un projet global, à la fois du matériel et mental: c’est une manière d’occuper un espace donné (les logements, les services, les activités) dans un contexte social particulier: les voisins, la rue, les quartiers, etc.

Le quartier forme - et on l’oublie souvent, notamment en fonction de la fonctionnalité des villes - à la fois la maille constitutive et la matrice de la ville. Dans toutes les époques troublées on peut observer que c’est dans le quartier, dans la culture du quartier, que s’est réfugiée et maintenue la tradition de la convivialité urbaine et que c’est à partir des quartiers, au sortir des années noires, que cette tradition a pu repartir et essaimer à travers la ville. D’où la première responsabilité d’un gestionnaire urbain consiste à réfléchir à la meilleure organisation d’une structure spatiale qui, d’une part, puisse assurer à l’ensemble de ses concitoyens la qualité et le confort non seulement du logement, mais aussi de l’acte d’habiter dans toutes ses composantes (résider, vivre et, si possible, travailler en un même lieu), et, d’autre part, favorise simultanément (terme à souligner) le besoin d’autonomie des familles et le développement des réseaux de solidarité de voisinnage.

L’insistance de centrer l’action publique urbaine sur le quartier, comme maille constitutive de la ville, vient d’une histoire qui commence avec la "Déclaration de Caracas" (Caracas, Vénézuela, 1991) où, à l’initiative de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme et sous l’égide du gouvernement vénézuélien, un petit groupe d’experts, d’élus locaux et de responsables urbains, s’était réuni pour tenter d’élaborer des réponses aux problèmes des quartiers en difficulté. Cette histoire se poursuit, deux ans plus tard, à Salvador de Bahia, à l’invitation du gouvernement brésilien. Le groupe de Caracas, renouvelé et élargi, constitué de participants venant de 17 pays et de quatre continents, travaille à approfondir et à nourrir d’expérience le document de Salvador. Une déclaration en six principes y fut énoncée qui fut présentée au Sommet mondial Habitat II à Istanboul, en 1996, et qui continue à circuler, de groupes en groupes, en Amérique latine, en Afrique, mais aussi en Europe. En effet, il faut prendre au sérieux le fait suivant: "Nous constatons, dans tous nos pays, riches ou pauvres, l’existence de zones urbaines dégradées: quartiers spontanés, vieux quartiers au centre des villes, quartiers d’habitat social déprécié... Longtemps, certains ont pu croire que c’était là une situation temporaire, que le développement économique suffirait à résorber. Il n’en est rien. Des quartiers concentrent l’exclusion sociale parce que nos formes actuelles de développement engendrent ou laissent subsister une exclusion permanente. Ces quartiers, ces poches de pauvreté, existeront pendant longtemps. Il faut donc concevoir une politique ambitieuse, à long terme, de promotion humaine de leurs habitants et de transformation de leurs conditions de vie, dans le respect de leurs droits, de leur dignité et de leurs capacités. Une telle politique de réhabilitation doit s’inscrire dans une politique d’ensemble, comprenant un développement du monde rural et des petites villes pour ralentir la concentration dans les grandes métropoles, et une politique urbaine assurant la venue dans de bonnes conditions de populations nouvelles. Elle doit aussi, par la manière dont elle est financée et conduite, participer à la construction d’un monde plus équitable et plus responsable [...]. Chaque quartier, chaque ville, chaque pays est unique. Pour sa réhabilitation, il y a des principes communs à appliquer. Mais il n’y a pas, il ne dois pas y avoir de solution uniforme".

Enoncé général des principes de la Déclaration de Salvador:

1. Apprendre à reconnaître, renforcer, stimuler les dynamiques de quartier, notamment en ne confondant pas connaissance des problèmes et reconnaissance des habitants, en soulignant que reconnaître les habitants, c’est reconnaître leur histoire et leur culture, la valeur du quartier et de sa forme spatiale, son inscription dans le long terme. La dynamique des habitants s’exprime souvent de façon informelle ou hors des cadres juridiques habituels. Il faut savoir aussi qu’habiter dans un même quartier n’est pas nécessairement en partager le même destin.

2. Reconnaître aux habitants le droit à habiter. En particulier cela signifie que, dans certains cas, le renforcement du statut des quartiers, pour des quartiers spontanés ou illégaux, constitue la revendication principale parce que la légalisation de la propriété des terres est indispensable pour disposer d’un raccordement aux services urbains (eau, électricité, boîte aux lettres, etc.) ou est considéré comme le seul rempart fiable contre l’expulsion.

3. Faire émerger la parole des habitants, promouvoir d’autre modes de relations entre décideurs et citoyens. Ceci nécessité souvent l’appui de facilitateurs: organisations professionnelles et universités. L’échange d’expérience entre habitants eux-mêmes est sans doute la condition la plus nécessaire et la pus urgente pour l’émergence de cette parole.

4. Adapter l’action publique.

5. Articuler les rythmes administratifs et politiques avec les rythmes sociaux.

6. Mettre en place des dispositifs de financement cohérents avec les objectifs poursuivis.

Mots-clés

développement durable, droit au logement, association d’habitants, quartier urbain, ville, gestion urbaine, écologie urbaine, organisation de quartier


, Amérique Latine, Afrique, Europe, Salvador, Bahia, Caracas

Commentaire

Il est sans doute essentiel de considérer le quartier comme la maille constitutive et la matrice de la ville, dans la perspective d’une convivialité urbaine et dépasser le clivage ville/campagne. Mais il ne faut pas oublier que des stratégies d’action peuvent aussi passer par des réseaux associatifs de comités d’habitants responsables qui s’intéressent plus globalement à l’ensemble de la ville. Tout en valorisant chaque secteur ils représentent aussi la ville à toutes les fonctions urbaines qu’ils occupent et cherchent à humaniser.

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

Jacqueline Miller, PRELUDE, Culture urbaine, culture des quartiers, Georges Thill, 2001 (Belgique), 41-43, p.501-517

Prélude International (Programme de Recherche et de Liaison Universitaires pour le Développement) - Facultés universitaires, 61 rue de Bruxelles, 5000 Namur, BELGIQUE - Tél. 32 81 72 41 13 - Fax 32 81 72 41 18 - Belgique

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