Georges THILL, Jean-Paul LEONIS
06 / 2002
L’action menée grâce au dynamisme des élus et à la structure du Parc régional de Corse constitue, pour Gérard Richez, un cas exemplaire de la façon dont un élément du patrimoine culturel peut être habilement valorisé lorsqu’il y a symbiose entre élus et populations locales. Les sites archéologiques de Cucuruzzu et historique de Capula se trouvent dans la micro-région de l’Alta Rocca, un des cantons les moins peuplés de l’intérieur de la Corse du Sud (14 993 hab., soit une densité de 6 hab./km2). Constitué de hauts plateaux valonnés, au milieu de lourds bombements graniques, plus ou moins empâtés par la décomposition en arène, et couverts d’une épaisse forêt où les chênes verts dominent, ce canton est particulièrement riche en témoignages du passé et fait du coup partie de l’arrière-pays de deux importantes zones touristiques insulaires: les région de Porto Vecchio et de Propriano.
Il est remarquable de voir que lors de l’aménagement du territoire un circuit de visite touristique allait pouvoir associer les deux sites avec une mise en place d’un bâtiment particulier d’accueil réalisé en même temps que le chemin de visite en 1988 en pierres de taille appareillées de façon traditionnelle et valorisant la qualité du paysage. En 1996, le bâtiment a été complété par un local de toilette, lui aussi en beau granit. Dans ce lieu isolé, l’eau provient d’un forage et d’une pompe solaire discrète.
Toute une information originale et de qualité est mise à la disposition du public pour vivre, comme l’a écrit un visiteur, "un voyage initiatique, un voyage magnifique, une plongée polyphonique dans la Corse antique. Unique".
Tout un contrôle habile du foncier a pu permettre un aménagement dans un contexte corse rendu difficile par l’indivision. La volonté des gestionnaires du site s’est traduite notamment par l’achat par l’Etat (Ministère de la culture), d’une parcelle de 13 hectares, par l’achat par la Mairie de Lévie d’une parcelle de plus de 6 hectares sur Capula, et de l’aire de stationnement d’une superficie de 47 ares, et enfin pour la location, pour 50 ans, par le Parc naturel régional d’une parcelle de 13 hectares de bois entre les deux sites afin d’éviter pendant cette période toute coupe de bois.
Une enquête de fréquentation auprès du public a été faite en 1991, commandée par G. Richez, et portait sur deux objectifs principaux : le premier concernait le visiteur lui-même, ses caractéristiques, ses désirs et attentes, ses motifs de satisfaction et ses critiques, l’intention étant de mieux saisir les aspects positifs des aménagements réalisés et aussi de voir ce qu’il manquait encore pour mieux réaliser l’accueil ; le deuxième objectif consistait à identifier et à mesurer les liens qui s’établissaient entre les visiteurs de ces sites et le village de Lévie, à l’égard des sites (à remarquer le renversement de ce est perçu "à l’écart" et donc de ce qui est central). Lévie s’est dotée d’un bel Office du tourisme, dispose d’un très intéressant musée archéologique et peut ainsi compléter utilement la visite des deux sites, mais ne dispose pas encore d’infrastructure d’accueil que mériterait cette localité.
De cette enquête ressort, parmis d’autres éléments, que ces sites archéologique et historique constituent un attrait naturel et culturel majeur de l’arrière-pays corse pour les touristes séjournant sur la côte. Il est très important de noter que l’accent a été mis dans les réponses sur les efforts d’aménagement, la qualité de l’information et de la gestion, ainsi que la gentillesse de l’accueil, comme critères d’appréciation et d’attraction des sites. L’étude de cas a révélé qu’on a affaire à des formes de tourisme durable, intégré à des dynamiques de développement local. Ce qui compte ici c’est surtout la qualité du maintien du site, c’est la sensibilisation des populations locales et du public à cette qualité, sans oublier les retombées économiques au plan local retirées de cette activité. Autre élément non négligeable, cet aménagement a d’ores et déjà contribué, notamment dans le cadre du Contrat de pays, à stimuler des réflexions globales et intégrées sur l’avenir de l’espace rural intérieur de la Corse, ses potentialités et ses contraintes en relation avec les évolutions littorales. Ces réflexions sont traduites dans des directions très diverses, parmis lesquelles: relance de la production oléicole; mise en place du Pays d’accueil touristique de l’Alta Rocca en 1996; lancement en 1998 d’une "Opération programmée d’amélioration de l’habitat"; création en 1999, dans le cadre de la politique des emplois jeunes, d’une "Brigade du patrimoine" (5 jeunes), destinée à la remise en état des lieux proches des villages et présentant un intérêt environnemental et patrimonial afin des les insérer dans de petits circuits touristiques.
tourisme et environnement, tourisme rural, patrimoine culturel, protection des ressources naturelles, protection des forêts, développement autonome, collectivité locale, participation des habitants, politique de l’emploi
, France, Corse, Levie, Cucuruzzu, Capula, Alta Rocca
Toute innovation émane toujours d’un niveau local et doit faire appel à la mémoire, la culture, l’histoire, pour garantir sa réussite, qui ne peut pas être simplement technique mais doit également être sociale. Le tourisme, avec sa double caractéristique de développement économique et de stérilisation des économies locales, mais aussi d’échanges culturels et d’imposition d’un modèle économique, se voit ici subverti par un tourisme culturel au service d’un développement local en pleine expansion et, qui plus est, dans une zone insulaire extrêmement fragile et fragilisée. Ce cas corse redore l’image du tourisme en conférant au patrimoine naturel et culturel toute sa richesse au service d’une gouvernance environnementale.
Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…
Gérard Richez, PRELUDE, Tourisme culturel et développement local dans le parc naturel régional de la Corse, ICM, INP, PRELUDE, 2001 (Tunisie), p.375-383
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