Georges THILL, Jean-Paul LEONIS
01 / 2002
Dans une gestion démocratique et durable de la diversité biologique, les communautés locales sont des acteurs-clés. Malheureusement, elles sont mal préparées à jouer un rôle influent dans les politiques de conservation de la diversité biologique. Pourtant, elles sont si nécessaires à faire réussir des programmes de conservation in situ, mais pour cela, il faut qu’elles s’appuient sur une recherche scientifique qui est toujours jugée peu efficace dans le soutien de leur participation à un développement durable.
L’intervention de Robert Ali Brac de la Perrière au Congrès de Rhodes a fait apparaître la nécessité de faire porter l’effort aujourd’hui sur l’élaboration de systèmes d’information capables à la fois de fournir aux communautés locales des outils de compréhension sur les enjeux globaux de la diversité et de permettre l’échange des expériences locales.
Il faut savoir que les communautés locales sont au coeur des politiques de développement durable. En particulier les groupes sociaux organisés et enracinés sur un terroir ont développé, à partir de leurs pratiques, et à travers le prisme de leurs systèmes de représentation, une diversité biologique et culturelle qui constitue un véritable patrimoine mondial. Dans des processus mondiaux, où jouent de nombreux acteurs et groupes d’intérêt, on discute amplement de la perte de la diversité biologique (dégradation d’éco-systèmes, extinction d’espèces, érosion génétique). L’isolement des communautés humaines par des barrières physiques (mers, déserts, montagnes, etc.) et/ou culturelles (langue, interdits, etc.) a contribué à façonner des identités distinctes dans les ressources des terroirs. Mais les fortes transformations dues à la mondialisation n’empêchent pas aux communautés rurales de continuer à jouer un rôle très actif dans de nombreuses régions du globe, et spécialement dans les régions dites marginales. Par exemple, certains systèmes oasiens, que Brac de la Perrière et Nicole Bounaga ont étudiés dans une palmeraie à Béni-Abbès, dans le Sud-Ouest algérien, donnent un exemple de l’entretien dynamique de l’agro-bio-diversité dans les milieux isolés. L’analyse de la diversité des cultivars de dattiers dans une oasis traditionnelle met en évidence l’entretien d’une quarantaine de cultivars qui correspondent à des caractéristiques et à des usages différents. Le faible flux d’échanges entre oasis espacés de 30 à 60 km est démontré par la forte proportion de cultivars endémiques: environ un tiers. Certains cultivars endémiques sont forts développés dans les zones infectées par la fusariose du dattier, ce que peut expliquer une sélection orientée pour la résistance à la maladie.
Comme acteurs centraux pour la gestion des agro-éco-systèmes et comme acteurs premiers concernés par la concrétisation des politiques d’aménagement, les communautés locales ont malheureusement été tenues à l’écart des processus d’élaboration et de décision des programmes relatifs à la gestion de la diversité. Il devient urgent de les appeler à la table des négociations. Mais pour cela il faut qu’elles soient effectivement informées de l’état des débats sur les enjeux globaux et préparées à faire valoir leurs droits par rapport à d’autres groupes d’intérêt (administration, industrie, etc.).
La représentation politique des communautés rurales et autochtones dans les assises internationales est en général défendue par des ONG appelées aussi associations de solidarité internationale (ASI). Actuellement, sur le terrain, des ONG locales sont chargées de l’information et de la médiation. Elles élaborent des partenariats avec les associations internationales et locales pour établir un système d’information capable à la fois de fournir des outils de compréhension sur les enjeux globaux de la bio-diversité et aussi de transmettre les expériences des acteurs de base isolés. Ainsi, si les agendas de la recherche scientifique sur la bio-diversité se sont d’abord occupés des approches purement biologiques, ils commencent à développer depuis peu des aspects sociaux économiques, éthiques et politiques qui constituent les réels enjeux de la biodiversité. Si la généralisation de l’informatique et des systèmes de communication électronique permet de développer de nouveaux outils (sites internet, CD-Rom, etc.), ces systèmes ont plus de mal à voir pleinement figurer les expériences et analyses des sociétés locales.
Appel est donc fait à des volontaires, ou à des réseaux tels que PRELUDE, pour faire figurer ces expériences et analyses dans la diffusion de l’information et pour l’apprentissage des acteurs locaux.
développement durable, développement local, biodiversité, protection de la diversité biologique, protection de l’environnement, gestion des ressources naturelles
, Algérie, Beni Abbès
La gestion participative et la prise en considération de l’expérience de communautés locales n’est guère, malgré les efforts entrepris, la préoccupation des grands programmes de développement de la sauvegarde des éco-systèmes où l’on s’en tient essentiellement à des questions de bénéfices tirés des ressources génétiques considérés comme l’un des enjeux les plus importants dans les négociations internationales de la Convention de la diversité biologique (CDB), de la FAO et de l’OMC. Il est toujours très difficile de considérer comme scientifique ce qui n’est pas traité dans des laboratoires au préalable. Pour les scientifiques sensibles à un développement durable, ils ont difficile à dépasser leur propre discipline pour continuer à être estimés comme des scientifiques sérieux par leurs pairs, d’autant que la notion de développement durable est une notion très large et très floue. D’où l’intérêt de constituer des systèmes d’information permettant de réconcilier organisations locales et corps scientifique.
Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…
Robert Ali Brac de la Perrière, PRELUDE, Soutenir la participation des communautés locales dans un système d'information sur la gestion de la diversité biologique, Georges Thill, 2000 (Belgique), numéro spécial hors série, p.247-250
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