Quelle pourrait être l’utilité de l’élaboration de fiches d’expérience dans un parcours de formation par la recherche-action ?
11 / 2002
Le Collège coopératif de Paris est un organisme de formation supérieure pour adultes et un lieu de recherche. Ses formations diplomantes permettent la validation des acquis tant professionnels qu’expérientiels, portant surtout sur le développement social, les sciences de l’éducation, le développement territorial et la coopération internationale. Le DHEPS (Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques Sociales), de niveau maîtrise, et le DUPITH (Diplôme Universitaire des Professionnels de l’Insertion des Travailleurs handicapés), de niveau licence, sont les principaux diplômes qui y sont préparés.
Le DUPITH, a la différence du DHEPS, se réalise sur un parcours de deux ans et non de trois ans. La première année du DUPITH, comme celle du DHEPS, aboutit à une production monographique, description d’un objet observé de manière raisonnée, ce qui permet le constat d’une situation-problème, élément déclencheur de la démarche de recherche-action. La deuxième année est consacrée au mémoire de recherche. L’acteur social, soucieux de changer une situation insatisfaisante, va se transformer en chercheur. Sans abandonner son action dans le milieu, il va acquérir des outils d’objectivation lui permettant, par le recours à la scientificité, de gagner en distanciation. Le va-et-vient permanent entre " l’implication de l’acteur " et la " distanciation du chercheur " facilite la mise en oeuvre d’une action transformatrice. La recherche-action comme analyse praxéologique, c’est-à-dire la " science de la pratique " (Lobrot), n’évacue pas le sujet pour tendre à l’objectivation totale mais n’affirme pas non plus la centralité du sujet comme le fait l’approche phénoménologique.
La méthode DPH a pris place dans cette quête de moyens pour " tenir ensemble " les deux pôles, celui du sujet, acteur-chercheur, et celui de son objet de recherche, cette part du réel social isolé par le questionnement même du chercheur actif et agissant. Le passage de la monographie à la question de recherche traduit le moment critique où la tension entre les deux pôles, celui du sujet et celui de l’objet, doit aboutir au projet.
Dans ce cadre, un travail en binômes a été réalisé en 2001-2002, avec un groupe de 13 adultes en deuxième année de formation DUPITH. Pour ce groupe, plusieurs moments sont à retenir.
* En juin 2001, le groupe construit une grille qui prend en compte la dialectique du sujet et de l’objet. En s’inscrivant dans la dynamique de vie et le vécu, des constantes sont identifiées qui suscitent à la fois du questionnement et une manière d’appréhender l’objet. L’autobiographie raisonnée, réalisée l’année précédente, a permis d’identifier et analyser les acquis formels tout autant que les acquis expérientiels : elle facilite l’articulation entre le parcours de vie (structuré et raisonné) et un questionnement sur les pratiques de l’acteur social impliqué.
Les résultats de la recherche conduisent à la fois à une continuité et à une rupture dans le projet de vie par "une autre orientation responsable engagée". C’est alors que " rupture sociale " et " rupture épistémologique " sont indissociables, la recherche-action faisant alors " sens " tant au niveau existentiel pour le sujet qu’au niveau du possible changement pour l’acteur social.
* Lors d’une deuxième séance en septembre 2001, la grille conçue et construite par le groupe est utilisée dans l’interactivité des interviews. Des fiches-expériences sont rédigées sous la forme de textes d’une à deux pages. Plus que le contenu même de ces fiches (la plupart restant au stade du " premier jet "), ce sont les commentaires de leurs auteurs qui ont une valeur pédagogique. Ces commentaires permettent ainsi d’enrichir l’accompagnement de recherche tel que pratiqué au Collège coopératif.
recherche action, enseignement supérieur, valorisation de l’expérience
, France
* Quelle a donc été l’utilité de la fiche d’expérience d’après les témoignages des participants ?
L’apport de la grille confirme son intérêt au moment charnière du passage de la monographie à la question de recherche : "ça arrive au bon moment, ça permet d’identifier les obstacles" ; "ça permet de voir où on est arrivé, si on n’est pas capable d’écrire quelque chose de succinct, clair, ... c’est grave". La construction de l’objet de recherche est bien ancrée sur la phase précédente, elle-même en prise avec le parcours de l’acteur chercheur.
La fiche-expérience joue au moins les trois rôles suivants :
1/ elle a permis "de dégager les constantes du vécu" ; elle "est indissociable de l’autobiographie raisonnée".
2/ Elle permet d’anticiper sur la phase suivante : "ça oblige à anticiper et clarifier là où je veux en venir" ; "rédiger en suivant le schéma de la grille revient à faire la quatrième de couverture du mémoire".
3/ Elle permet d’ordonner la pensée : "c’est une plus-value par le côté fil rouge" ; "la grille a permis de reprendre tout ce qui a été écrit, de le structurer, de faire le ménage".
On peut ainsi constater trois rôles déterminants de la fiche-expérience dans l’articulation entre les phases 1 et 2 de la démarche du groupe DUPITH.
On comprend alors pourquoi la fiche-expérience trouve place au moment stratégique du passage et de la transition ; arrimée au passé, elle a une capacité d’anticipation sur l’avenir, c’est pourquoi elle concourt à la clarification et la structuration de la pensée.
Fiche rédigée à partir de l’expérience de l’auteur dans le cadre d’un atelier DUPITH deuxième année.
Texte original
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