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Commerce équitable et codes de conduite des entreprises

Des logiques différentes mais complémentaires

Johanne WILK TATIN

08 / 2002

"Développement durable" ou "responsabilité sociale", voilà les mots d’ordre, depuis les années 70, de certaines entreprises qui ont des velléités d’introduction d’une dimension éthique dans leur système de gestion. Dans le cadre d’un forum électronique sur le commerce équitable mis au point par le Pôle Socio Economie de Solidarité de l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, Eugénie Malandin, étudiante, pose le problème d’une acceptation bien souvent trop hâtive de ce type de vocabulaire. Cela sème le doute sur les codes de conduite des entreprises et sur les critères de labellisation du commerce équitable qui vise aussi le développement durable. Les organisations qui suivent ces codes de conduite ont bien souvent des intérêts différents de ceux du commerce équitable. "Je ne pense pas que la définition du développement durable soit la même pour un cabinet d’audit et une ONG" fait elle remarquer judicieusement. Il convient donc de bien différencier ces deux pratiques :

lorsque les entreprises acceptent de suivre des codes de conduite (sorte de contrats moraux), elles le font de manière volontaire en s’engageant à respecter les normes sociales adoptées par l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Le problème est qu’il n’existe pas d’organismes externes de contrôle pouvant vérifier avec objectivité le respect de ces normes.

pour sa part, le commerce équitable est dans l’obligation de respecter des critères préétablis pour ses produits. Les labels qui identifient le produit comme équitable sont exclusivement délivrés par des agences de certification spécialisées et indépendantes. Ce sont des ONGs ou des fondations qui ne vendent pas de produits mais contrôlent les conditions dans lesquelles s’effectuent la relation commerciale entre producteurs et consommateurs. Le label bénéficie à des producteurs indépendants mais aussi à des salariés (des plantations par exemple). Dans le premier cas, il garantit un revenu stable et juste tout en se référant, dans le second cas, aux normes du Bureau International du Travail. Les droits sociaux font partie des critères de certification du commerce équitable.

Ajoutons que c’est d’un partenariat avec les producteurs des pays en développement que naissent les produits du commerce équitable, alors que les codes de conduite sont souvent rédigés sans l’avis des salariés, principaux concernés. Carola Reintjes (qui fait partie du Réseau pour une Economie Alternative et Solidaire d’Espagne, REAS) exprime la spécificité du commerce équitable dans son message sur le forum électronique : "le commerce équitable n’acquiert pas des produits, il acquiert des relations à long terme avec des petits producteurs". Les conditions d’exportation (licence d’exportation, qualité du produit) sont, dans un premier temps, difficilement satisfaites par les petits producteurs car ils manquent de ressources financières et techniques. Le rôle des promoteurs du commerce équitable sera alors d’accompagner les producteurs pour qu’ils atteignent ces standards grâce à des améliorations concernant la qualité des produits. Les critères de progrès permettent ensuite aux organisations de producteurs d’améliorer l’impact social et environnemental de la production.

Afin d’éviter les méprises entre les entreprises qui incluent une certaine éthique dans leur gestion et les organisations dont l’activité est centrée exclusivement sur le commerce équitable, l’idéal serait la création d’un label propre au commerce équitable et d’un autre accrédité pour tous les codes de conduite.

Le mouvement du commerce équitable a entamé cette réflexion à plusieurs échelles (en France, au niveau européen avec l’Organisation Internationale de Labellisation du Commerce Equitable, (FLO). Il pourrait proposer deux types de labels : un premier s’appliquerait aux produits tandis que le second serait attribué aux organisations. Avec le premier label, les organisations ou entreprises le souhaitant pourraient intégrer la dimension équitable dans une partie de leurs activités. Peut être cela permettrait il aussi un élargissement dans la gamme des produits équitables avec l’intégration de produits plus complexes (cas des chaussures de sport). Le label organisation permettrait quant à lui de différencier clairement les organisations de commerce équitable à but non lucratif qui bénéficieraient du label des entreprises ayant une de leurs activités consacrée à plus d’équité sur les points vus ci dessus. Cela n’est cependant pas envisagé dans l’immédiat.

En ce qui concerne les codes de conduite, une réflexion reste à mener quant à la vérification de leur application.

Mots-clés

certification, code de conduite des entreprises, commerce équitable, label éthique, entreprise, éthique, responsabilité sociale des entreprises


, France

Commentaire

Le "marché de l’éthique" offre des potentialités énormes avec l’évolution récente des mentalités et la prise de conscience des consommateurs de la responsabilité qu’implique l’acte d’achat dans un monde où les conditions de travail sont mises à mal par un impératif de productivité aliénant. Ainsi, les consommateurs se tournent petit à petit vers les produits du commerce équitable car ils portent de plus en plus d’attention à d’autres critères (environnementaux, économiques, productifs et sociaux) qu’à la seule qualité des produits.

Les entreprises l’on bien compris et dans les cours de marketing, on trouve à présent des stratégies incluant l’éthique afin d’augmenter les ventes. Faire de l’éthique pour augmenter ses parts de marché grâce à une meilleure image, est ce acceptable ? Si cela permet d’instaurer des conditions plus justes de travail à long terme, pourquoi pas. Cependant, le risque d’une déception chez les consommateurs est probable devant de possibles duperies. Le commerce équitable pourrait alors souffrir d’un manque de confiance de la part des consommateurs qui ne différencieraient pas le concept de "responsabilité sociale" de celui de commerce équitable.

Cependant, ce n’est pas en opposant ces deux pratiques que les choses se clarifieront. Il est préférable de les envisager comme des forces complémentaires qui sont indispensables pour améliorer les conditions de travail de millions de personnes dans les pays en développement.

Notes

Pour plus d’information sur le chantier sur le commerce équitable : http://fairtrade.socioeco.org

Pour plus d’information sur l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, consulter : http://fairtrade.socioeco.org

Source

Forum électronique

Chantier commerce équitable de l'Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, 2001

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