Le système de troc et la foire franche
05 / 2002
La crise en Argentine, aiguë depuis quelques mois, a démarré il y a une cinquantaine d’années. Pourtant, l’abondance de ressources naturelles, qui caractérise ce pays, a contribué à amortir les crises qui apparaissaient et la population, en général, avait accès aux aliments. De la même façon, la population en milieu rural vivait d’une agriculture d’autoconsommation et de la vente de quelques excédents de production, ce qui donnait aux familles paysannes la possibilité d’avoir des revenus supplémentaires pour acheter des biens et des services. Dans cette période, donc, la société civile était liée à la campagne et à l’agriculture et il y avait des échanges importants entre la campagne et la ville.
Les problèmes deviennent plus graves avec la "Révolution verte" des années 60. L’introduction de nouvelles technologies à la campagne et l’emploi d’une grande quantité d’intrants chimiques synthétiques, en plus de l’installation de grandes entreprises dans le pays, ont provoqué l’expulsion de main d’oeuvre de la campagne et donc la concentration de population dans les villes. A présent, la crise se traduit en chômage, bas salaires, augmentation des prix, augmentation de la population sans la possibilité de satisfaire ses besoins fondamentaux, impossibilité d’accès aux aliments à cause de l’augmentation des prix et manque de moyens économiques pour les acheter, et un processus de marginalisation et d’exclusion.
Dans ce contexte, assez accablant, deux alternatives de développement local surgissent, qui sont en train de résoudre certains problèmes des Argentins d’aujourd’hui : le système de troc et la foire franche. Angel Arce participe à ces deux initiatives. Agriculteur familial de la Communauté de San Cayetano, dans la province de Corrientes, il est membre de la Confédération Nationale des Organisations de Producteurs Familiaux de l’Argentine (MNOPF), qui regroupe 20 organisations de premier et de second degré. Cette Confédération se charge de présenter des propositions à l’administration argentine pour défendre les intérêts des agriculteurs familiaux. La MNOPF fait aussi partie de la Coordination de Producteurs Familiaux du Mercosur (COPROFAM).
Le système de troc surgit dans les années 90 comme une initiative de la population elle-même, dans les quartiers et les communautés de base ; à présent, la participation s’étend à trois millions de personnes, de toutes les régions de l’Argentine. Le troc signifie l’échange de produits et services, sans intervention d’argent.
Cette initiative est basée sur le fait que la population a besoin de s’alimenter mais, à cause de la crise, elle n’a pas d’argent pour acheter les aliments. Les paysans ont des aliments à vendre, mais personne ne peut leur en acheter. Ils ont de plus besoin de produits et services tels que des outils, les services sanitaires, éducatifs... Le problème n’est donc pas un manque de ressources mais la difficulté pour y accéder. Ce système, complètement indépendant de l’administration, est organisé en "Clubs de troc". Il s’agit d’un système fermé, où seulement peuvent participer les associés qui paient une cotisation symbolique pour le fonctionnement et l’organisation. Une autre caractéristique est l’utilisation, dans les opérations d’achat, d’une "monnaie sociale" (en papier) ou crédit, qui peut seulement être utilisée avec ceux qui appartiennent au réseau de troc.
Le Club de troc de la région de Corrientes auquel appartient Angel a lieu chaque semaine.
De la même façon, l’initiative de la foire franche est une activité innovante qui contribue au développement local des communautés argentines. Il s’agit d’une voie de commercialisation qui, dans ce cas, est ouverte à toute la société civile, et où circule l’argent. Les groupes de producteurs familiaux, artisans et micro-entrepreneurs, se réunissent, ces derniers étant chargés d’une certaine transformation de la matière première pour donner de la valeur ajoutée au produit. Les produits agricoles qui y sont commercialisés sont frais et naturels, car cultivés sans produits chimiques ni OGM.
Cette commercialisation informelle, qui n’est pas encadrée par les lois du pays, suit toutefois des lois de fonctionnement établies par les participants des foires eux-mêmes. On n’y paie pas de taxes. Ces foires regroupent des institutions telles que des ONGs, des organisations paysannes, l’église, les communes... qui donnent des appuis et qui créent des alliances entre elles.
Parmi les activités qui ont lieu dans la foire franche il y a la formation, avec des démonstrations sur l’élaboration des sucreries traditionnelles, l’élaboration de liqueurs avec des plantes de la région, l’utilisation intégrale des produits de fermes...
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, Argentine
Angel signale que, de cette façon, la société en général se rapproche à nouveau des producteurs et valorise leur travail, et en même temps les acheteurs se sentent utiles parce qu’ils contribuent à la protection de l’environnement en achetant ces produits naturels. Il ajoute que, au-delà de l’orientation commerciale, il y a toute une "mystique" autour de la foire, un échange d’expériences et des forums autour de thèmes aussi divers que la médecine naturelle, la gastronomie, les traditions...
Pour que la foire franche soit "de droit" et non seulement "de fait", comme jusqu’à maintenant, les organisateurs poussent à la création de lois et de normes qui reconnaissent formellement son activité et qui permettent sa protection juridique.
Ces deux alternatives se développent très vite partout en Argentine, aussi bien en milieu rural qu’urbain. Et même si elles ont été le résultat d’une situation limite telle que la crise en Argentine, il sera difficile qu’elles disparaissent, à cause de leurs apports au développement local des différentes communautés.
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Entretien avec ARCE, Angel (angelarce43@hotmail.com)
Entretien
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