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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Survivre, échanger, naviguer, trois étapes pour penser le développement

Françoise MALBOSC

09 / 2000

Bien que relativement petit (4 000 habitants pour 1 700 logements sociaux dans une ville d’environ 16 000 habitants), le quartier de l’Arsenal, à Saint-Fons dans le Rhône, a fait l’objet d’une intervention diversifiée alliant réhabilitation des logements, aménagement urbain, restructuration d’un centre commercial de proximité, implantation d’une coursive d’entreprises. François-Xavier Verschave, responsable du service économique de la ville à mi-temps, est également président de l’association Survie. Économiste, il propose une vision du développement appuyée sur la pensée de Fernand Braudel (1).

Braudel décrit l’institution de l’économie comme la construction d’un édifice à trois étages. Elle naît au rez-de-chaussée, de l’économie de subsistance. Au premier étage, ou étage central, s’est progressivement développée l’économie de marché local : dans cet échange à vue humaine, qui s’établit d’abord entre la cité et la campagne, se sont justement cultivées les règles de l’économie de marché. Au second étage, étage supérieur, c’est le règne de la macro-économie et de ses poids lourds. Cet étage tire profit de son éloignement (géographique et technologique), de son poids pour s’extraire des règles du marché. Pourtant, ce dernier étage a construit les bases de sa prospérité sur celle des étages sous-jacents, aux logiques différentes, avant de les faire disparaître de sa théorie économique et de sa représentation sociale.

Cette occultation du rôle fondateur des étages inférieurs fait que l’on méprise leurs richesses et leurs potentiels propres - comme leurs fonctions de contrepoids ou de contre pouvoirs - , ou les articulations entre les niveaux (le micro et le macro). En résumé, la société se voit et s’exprime à l’étage intermédiaire. Elle se fonde, au-dessous, sur l’espace privé, informel, domestique. Au-dessus, l’éloignement (qui définit la macro économie et la macro politique) incite à l’affranchissement des règles de la démocratie et de l’échange locaux. Les acteurs y trouvent les privautés et les confusions du rez-de-chaussée.

Dans un quartier comme l’Arsenal, il y a des contraintes urbanistiques fortes, de ce fait les gens n’ont pas d’alternative stratégique. Le problème de ces quartiers monofonctionnels, c’est qu’on ne peut y faire autre chose que d’y dormir. Il faudrait d’ailleurs demander aux urbanistes pourquoi en trente ans un quartier devient un ghetto, alors qu’en même temps, au Pérou par exemple, les bidonvilles deviennent la ville !

Donc, il faut forcer l’urbanisme, contourner le handicap des quartiers ; par exemple, installer des jardins en pieds d’immeubles, pour remettre de l’activité non monétaire, remettre des commerces de proximité, tout cela fonde le rez-de-chaussée et le premier étage du schéma. Il faut aussi créer des alternatives extérieures au quartier : des jardins hors du quartier, ou des moyens pour favoriser la mobilité (prêts de mobylettes pour favoriser la circulation des personnes en insertion, programme de stages professionnels à l’étranger). Survivre, échanger, naviguer, trois étapes à construire et à parcourir successivement.

Le défi de l’insertion est de permettre à des gens de franchir ces étapes d’apprentissage, avec des phases initiatiques, ce que le système éducatif ne sait plus guère offrir. Pour cela, il faut avoir conscience que les trois niveaux ont des sociologies d’acteurs différentes, que certains ne sont pas sortis du rez-de-chaussée. Braudel nous fournit comme une cartographie permettant de situer les enjeux pour les personnes, les collectifs, les institutions.

Dans l’agglomération lyonnaise, que l’on peut considérer comme une mégapole, certaines activités sont dans l’économie monde. Ainsi à Saint-Fons, le poids de la chimie est très prégnant et l’étage intermédiaire est peu développé. Or, c’est celui qui respecte les règles du jeu, d’où la bataille pour maintenir un petit centre commercial à l’Arsenal ou pour favoriser l’installation de PME. D’où l’importance aussi, de faire respecter les règles d’urbanisme commercial.

Un autre phénomène joue. On est à la fin d’un cycle, celui des "grands bataillons" de main d’ oeuvre, fruits de l’industrialisation du XIXè siècle. Cette phase a été propice à la construction de l’esprit collectif mais défavorable à l’esprit d’initiative. Aujourd’hui, même dans les grands groupes, l’évolution de l’économie privilégie les petites unités de productions. Cela suppose de réinventer les modes d’apprentissage et d’intégration sociale.

Mots-clés

aménagement urbain, développement local, insertion sociale, quartier urbain, secteur informel


, France, Rhône-Alpes, Saint-Fons, Arsenal

Commentaire

Les PME, les petites zones d’entreprises, sont un milieu plus formatif, et de toute façon indispensable à l’économie monde ! C’est ce que les élus ont déjà compris. Ce schéma braudélien peut les aider à étayer leur raisonnement, il indique aussi des pistes aux professionnels, qu’il s’agisse de développer l’insertion économique ou de favoriser les initiatives.

Notes

Contact : François-Xavier VERSCHAVE, Directeur du service économie et emploi, Hôtel de ville, Place Roger Salengro, 69190 Saint-Fons, France - Tél. 04 72 09 20 19 - Fax. 04 72 09 20 34

(1) Libres leçons de Braudel, Passerelles pour une société non excluante, François-Xavier Verschave, Syros, 1994

Entretien avec VERSCHAVE, François-Xavier

Source

Articles et dossiers ; Entretien

MALBOSC, Françoise, CR¨DSU, Développement économique local et politique de la ville. Convergences et mutations, CR¨DSU in. Les cahiers du DSU, 2000/09 (France), n° 28

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