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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Un réseau national de lutte anti-OGM contraint le gouvernement japonais à légiférer

La sauvegarde des variétés traditionnelles de soja

Vivien DEROCHE

12 / 2001

En 1997, le Japon décida d’autoriser l’importation et la production d’organismes génétiquement modifiés (OGM) sur son territoire. La production japonaise ne couvrant que 3 pour cent des besoins en nourriture du pays, le soja, le riz et le maïs (base de l’alimentation nationale) proviennent principalement de Chine ou de Corée. Jusqu’ici, pas de problème, si ce n’est que les conséquences d’une consommation quotidienne d’OGM sont aujourd’hui inconnues et que le consommateur doit pouvoir avoir le choix de sa nourriture.

Contre les OGM, pour les semences locales

C’est du moins ce que pense Kamibayashi Hiroko, une journaliste indépendante spécialisée en environnement, santé alimentaire et agriculture. En 1998, elle partait en campagne contre l’Etat japonais, emmenant à sa suite quelques amis agriculteurs biologiques. Le noyau dur devint vite un réseau d’associations japonaises agissant aussi bien sur la sécurité alimentaire que sur la défense des droits des citoyens. Une charte fut écrite contre les OGM, et particulièrement contre l’importation massive de graines et de semences génétiquement modifiées, intitulée « Our Seed Declaration » (« Notre déclaration sur les semences »). Elle réclame du gouvernement la création d’un label pour les produits sans OGM et pour les variétés locales et traditionnelles, ce pour les différencier des graines imposées par les multinationales de l’agro-alimentaire. Dans un deuxième temps, cette charte permet d’identifier les agriculteurs engagés dans le maintien des variétés indigènes afin d’agrandir le réseau. La lutte anti-OGM ainsi lancée, la journaliste se consacra alors essentiellement au soja, qui occupe une place prépondérante dans les plats traditionnels japonais (miso, tofu et sauce soja). Des cultures de soja collectives ont bientôt permis de financer la campagne « no-OGM ». Puis, cinquante sites de production et de transformation de soja ont vu le jour, financés par des particuliers soucieux de pouvoir manger sereinement. Cette contribution financière s’accompagne même, pour les volontaires, d’une participation au travail de la ferme. Aujourd’hui, le mouvement se retrouve une fois par an en réunion ouverte au public (la dernière a eu lieu en février 2002 à Tokyo). C’est l’occasion de faire le point sur l’évolution des différents sites et d’exposer les produits dérivés du soja, que le public peut goûter. Des conférences sont organisées, des articles publiés et des contrats négociés avec certains magasins qui s’engagent à vendre des produits sans OGM.

Succès de la mobilisation

Parallèlement à la mise en œuvre du mouvement, Kamibayashi Hiroko a participé à la création d’un organisme de recherche sur les OGM. Les résultats obtenus servent à alimenter la campagne. Par exemple, quand le centre d’études dévoila que 40 pour cent du maïs vendu au Japon étaient génétiquement modifiés, l’annonce fit scandale. L’effet fut d’autant plus important que les produits mis en cause concernaient directement le quotidien des Japonais. Dans le même temps, des citoyens se mobilisèrent dans plus de la moitié des villes du Japon pour la même cause. Et ce mouvement citoyen parvint à obtenir un affichage systématique de la présence d’OGM pour trente produits différents, dont le soja et le maïs. L’objectif, à terme, du mouvement « no-OGM », est la suppression totale des OGM dans le monde. Mais sa priorité reste d’imposer cette interdiction dans son pays, ce qui passe par la sensibilisation de l’ensemble des citoyens japonais.

Mots-clés

Organisme génétiquement modifié (OGM), sécurité alimentaire, pression de l’opinion publique, semence


, Japon

dossier

Idées, expériences et propositions sur les sciences et la démocratie

Commentaire

Ce témoignage montre que la lutte anti-OGM et contre le brevetage du vivant est internationale. Madame Hiroko en est consciente et y participe activement. Le mouvement « no-OGM » a déjà obtenu des résultats conséquents, notamment une législation pour trente produits labellisés, mais cela ne reste qu’un début. Selon moi, la démarche peut être transposable dans d’autres régions du monde, même s’il faut se rappeler que le Japon a bénéficié de l’atteinte à la tradition (culinaire ici) comme levier de sensibilisation, ce qui ne peut se faire partout. J’en prends pour exemple le Français José Bové, qui est obligé d’user d’autres moyens de persuasion : par exemple, l’arrachage de plants transgéniques ou le démontage d’un fast-food. Il reste que le réseau de lutte au niveau international se maintient à un niveau embryonnaire, malgré la dimension de l’enjeu. J’espère me donner tort en relisant la fiche dans les temps à venir…

Notes

Contact : HIROKO, Kamibayashi - 5-7-2-1403 HirooShibuya-ku, Tokyo, 150-0012 Japon - Tél/Fax : +81 3 3442-3575 - kambs@mvj.biglobe.ne.jp

Cette fiche est parue dans La Lettre de Dph (rubrique coup de coeur), mars 2002, n°39.

Source

Entretien avec Kamibayashi HIROKO

Institut Supérieur de l'Action Sociale - Domaine de Prières, 56190 Billiers, France - France

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