Le cas de la recherche agronomique internationale
07 / 2001
Le désengagement de l’Etat au cours des dernières décennies a également touché le secteur de la recherche agronomique. Dans les pays industrialisés, la hausse des dépenses publiques pour la recherche s’est nettement ralentie à la fin des années 1980. Toutefois, les investissements privés ont augmenté considérablement dans les pays de l’OCDE : 5,1 pour cent par an, soit trois fois plus rapidement que les dépenses publiques. C’est surtout vers le domaine des biotechnologies végétales et dans la production de semences améliorées que le secteur privé a joué un grand rôle. Précisons que si les taux de croissance des investissements publics ont diminué, il n’y a pas eu pour autant de chute nette de dépenses ; et cela est valable pour la plupart des pays du monde. Cependant, dans les pays en voie de développement, les investissements privés n’ont pas comblé le déficit et la part de la recherche privée demeure très faible par rapport aux pays industrialisés. En effet, le secteur privé pose ses conditions : un marché large, solvable et croissant, des infrastructures scientifiques fortes, des garanties d’appropriation des bénéfices tirés de la recherche - développement et des politiques publiques incitatives.
Une telle évolution amène à se poser les questions suivantes : comment financer la recherche ? qui doit payer ? quel financement en fonction du type de bien considéré ? comment attirer les capitaux privés ? C’est pour répondre à ces exigences que de nouvelles formes de partenariat entre le public et le privé se mettent en place. Les "royalties" sont une source de financement : elles servent à financer des recherches aux caractéristiques de bien privé pour lesquels les bénéficiaires ont été clairement identifiés. Une autre solution consiste à encourager les instituts publics de recherche à signer des contrats de recherche avec des partenaires privés. Par exemple, l’Institut de Recherche agronomique du Kenya (Kari) mène un certain nombre de recherche en collaboration avec des industriels du secteur privé, par exemple la Kenya Breweries Limited sur l’orge et l’East African Industries sur les plantes oléagineuses. Des joint-venture entre entreprises publiques et entreprises privées voient également le jour. En fait, les fonds publics de recherche ne doivent pas financer des activités que le secteur privé serait capable ou voudrait financer, ce qui réduirait inutilement la disponibilité de fonds publics à financer de véritables activités au caractère de bien public. La connaissance, qui est le produit de la recherche doit être considérée comme un bien public pur : sa consommation par une personne ne réduit pas la quantité disponible de ce bien pour les autres. Un "partage des tâches" entre le public et le privé est donc nécessaire au niveau de la recherche et les produits de cette activité qui peuvent contribuer à protéger l’environnement ou à diminuer la pauvreté et la faim sont l’exemple de biens publics qui doivent être maintenus dans le domaine public.
Le partenariat public privé évoqué plus haut présente des risques, comme par exemple celui de voir les investissements publics générer des bénéfices privés. Aux Etats-Unis, le Bayh Dole Act, adopté en 1980, a permis aux universités et autres institutions de recherche publique de déposer des brevets sur des inventions financées par des fonds publics et de les commercialiser. Des dispositions similaires voient le jour en Europe, au Japon et en Australie. Il en résulte que les découvertes dans le domaine des biotechnologies sont toujours générées grâce à des fonds publics mais ne sont plus traitées comme des bien publics globaux. En France, depuis l’été 1999 avec le vote sur la loi sur l’innovation et la recherche, la mise en place des incubateurs d’entreprises doit, par les faits, favoriser l’émergence et le développement de nouvelles entreprises à partir de l’implication directe des universités et autres institutions nationales de recherche.
Face aux dangers que présente la recherche sous contrat, il faut veiller à ce que les résultats de la recherche soient répartis équitablement entre le secteur public et le secteur privé pour que les bénéfices ne soient pas accaparés par les seuls intérêts économiques. Le rôle du secteur public est d’imposer la logique sociale et politique pour contrecarrer la logique marchande afin de préserver le bien commun à long terme.
financement de la recherche, politique de la recherche, recherche et développement, échange de savoirs, agronomie
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Fiche rédigée par Delphine Astier (5 rue Boisset, 38000 Grenoble - Tél : (33) (0)4 76 43 39 72 / 06 76 84 96 02 - delphine.astier@ifrance.com) dans le cadre de la préparation de l’atelier Etat et développement de l’Alliance pour un monde responsable, solidaire et pluriel. Pour plus d’informations, on peut consulter le site : www.alliance21.org/fr/themes/pol-dev.htm.
D’après différents articles parus dans Le Courrier de la Planète , n°62, Recherche agronomique internationale, "Un bien public à préserver".
Articles et dossiers
Solagral in. Courrier de la Planète, 62
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