La réduction d’effectifs dans l’entreprise répond à une situation de guerre économique mondiale. L’entreprise a incorporé la menace externe, pour la rendre endogène, un peu comme s’il fallait s’agresser soi-même pour tenter de survivre.
Car la réduction des effectifs au sein des entreprises n’est jamais une partie de plaisir.
La décision "d’allégement" est prise en 2 temps : tout d’abord par les plus hauts niveaux de l’entreprise qui en donnent l’impulsion, à partir de l’analyse de données économiques et comptables, liée à une prospective à court terme ; puis dans un second temps par les sphères de gestion constituées d’acteurs décentralisés à qui l’on demande d’assurer la mise en oeuvre des décisions prises plus haut.
Le niveau supérieur, très dépendant de l’analyse financière et des cours de l’entreprise à la bourse, utilise froidement la réduction d’effectifs comme un simple outil de gestion dont le retour sur le (dés)investissement est rapide car souvent mesuré à 1 an (200 KF de réduction de charges par an et par personne pour autant de charges supplémentaires de licenciement et de restructuration). De plus, la flexibilité de l’emploi grâce aux contrats à durée déterminée et aux entreprises intérimaires permet de réajuster les ressources humaines si nécessaire, en particulier lorsque la réduction d’effectifs s’est avérée par la suite trop importante vis à vis de la conjoncture présente...
Ce niveau supérieur peut utiliser les carottes et les bâtons pour que les sphères des gestionnaires décentralisés assurent la décision d’allégement. D’un coté, les stock-options se multiplient (ce système permet aux dirigeants et à certains salariés de mettre une option sur des actions de l’entreprise à un coût déterminé à l’avance, et lorsque le cours monte de lever l’option, donc d’acheter l’action au cours prédéterminé et de la revendre simultanément au cours actuel pour bénéficier de la plus-value). De l’autre, il est toujours possible d’obliger un dirigeant récalcitrant à démissionner...
Par ailleurs, le niveau supérieur peut toujours décider d’enclencher une profonde restructuration, voire de décider de filialisations afin de déconcentrer la réduction d’effectifs, et se situer en deçà de toutes les règles imposées par l’état et la société - la réduction d’effectifs de moins de 10 salariés par an ne fait pas l’objet de plans sociaux, d’où l’intérêt parfois " d’éclater " l’entreprise en plusieurs filiales avant " dégraissage ".
Bien sûr, restent les salariés directement concernés par la réduction d’effectifs. Ils sont pris entre la logique entrepreneuriale et leur situation personnelle vis à vis de l’emploi. Mais finalement, si les dimensions sociales sont prises en compte en aval des processus de décisions, tout sera fait pour assurer le minimum vital de paix sociale, une grève coûtant beaucoup plus cher à l’entreprise et donc aux actionnaires qu’une moindre réduction d’effectifs. De plus, toute négociation individuelle est possible pour que le départ se fasse en douceur...
gestion d’entreprise, emploi, chômage, exclusion par l’économique, négociation, administration publique, capitalisme
, France, Etats-Unis
Rachel Beaujolin est consultante dans un cabinet et chercheur en économie. L’important travail qu’elle a réalisé pour étudier les causes et les modalités de la réduction d’effectifs dans les entreprises a fait appel à des qualités scientifiques, mais aussi humaines et relationnelles, tant le sujet est délicat à aborder dans le monde l’entreprise. Discours ambivalents, réserves des dirigeants comme des salariés à mettre à plat leurs connaissances et leurs sentiments, peur des conséquences hiérarchiques, etc..., tout cela rendait difficile l’approfondissement du sujet traité, surtout si l’on ne voulait pas passer pour un espion à la solde de " je ne sais qui ".
Le travail de recherche est approfondi et l’analyse est certainement pertinente. La lecture de l’ouvrage nous permet de comprendre beaucoup de choses concernant la gestion des ressources humaines, - et surtout celle que l’entreprise n’est certainement pas aux services des hommes, mais plutôt l’inverse.
Mais cet ouvrage est plus destiné à des professionnels du sujet qu’à des particuliers non formés à l’administration des entreprises. Même si le style reste simple et le vocabulaire utilisé compréhensible par tous, c’est l’ampleur de l’ouvrage qui peut freiner sa lecture. On a parfois l’impression de redites, et on peut souffrir d’analyses trop précises et parfois redondantes. Les exemples illustratifs sont trop rares (est-ce l’effet de la confidentialité demandée) pour éclairer et alléger le texte.
Livre
BEAUJOLIN, Rachel, Les vertiges de l'emploi , Grasset, 01/1999 (FRANCE), 335 p.
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