Le rôle de la recherche dans les sociétés capitalistes depuis la seconde guerre mondiale : réflexion sur la maîtrise des savoirs
04 / 2001
La recherche scientifique mondiale, menée par les Etats Unis, l’Europe, le Japon et le sud-est asiatique (qui regroupent ensemble plus de 90 % des dépenses en Recherche Développement), suit une unique logique linéaire : elle est dominée par la recherche fondamentale, qui sont censées permettre de nouvelles applications industrielles, sources d’emplois, de richesses et d’équilibre social, ce qui participera grandement au bien être commun de l’humanité.
Or, lorsqu’on esquisse un bilan global, cette logique linéaire ne peut être que remise en cause car les causes d’insatisfactions ne manquent pas :
- La capacité de la recherche à élever le niveau de vie et à créer des emplois est incertaine : l’agriculture en est un bon exemple puisque sa modernisation entraîne la déprise agricole, l’urbanisation croissante et des relations difficiles entre villes et campagne ;
- L’augmentation du niveau de vie ne se vérifie que pour une petite frange privilégiée de l’humanité et laisse sur la touche une grande majorité de la population mondiale : selon la banque mondiale 1,4 milliard d’êtres humains n’ont pas encore accès à l’eau potable (or 70 % des maladies humaines sont liées à l’eau), et plus encore sont sous-alimentés ;
- Le modèle dominant issu de cette " politique " scientifique élimine les modes traditionnels de vie, de productions et de soins, entraînant une standardisation qui nuit à la diversité, source potentielle de progrès nouveaux.
- Il entraîne enfin des crises sociales et environnementales sans précédent révélées récemment par les affaires du sang contaminé, la crise de la vache folle, les accidents nucléaires civils, ou le trou dans la couche d’ozone...
Beaucoup sont conscients de ce bilan très mitigé que la recherche scientifique a engendré et les critiques sont parfois virulentes. Mais la résistance au changement est forte, car ce modèle linéaire s’appuie sur quatre formes de protection :
- la science est (ou paraît) exacte, sûre et froide, se confond avec la nature et se détache du politique ou du social ; son enseignement contribue à lui conférer un statut au-dessus du reste des activités humaines.
- Un pacte de confiance réciproque s’est établi peu à peu entre économistes et scientifiques, renforçant le poids politique des deux parties.
- La science parvient à faire admettre que le progrès permettra toujours de réparer les dégâts antérieurs qu’il a occasionnés.
- Des comités d’éthiques sont créés pour éviter tout abus dangereux pour l’humanité (même si ces comités sont trop souvent constitués de scientifiques, à la fois juges et parties).
Pourtant, le monde ne peut donc plus accepter la fuite en avant et poursuivre l’irréversibilité. Il devra choisir l’utopie du changement (ou plutôt la révolution culturelle) et non la mort qui siège au bout de la continuité. Il devra s’orienter vers un système industriel guidé par une logique de prudence quantitative.
Ceci ne peut se produire que par un nouveau rapport entre sciences et démocratie. Ce sont les instances démocratiques qui devront faire les choix scientifiques et technologiques en connaissant les limites physiques de la biosphère et en étudiant leurs impacts sociaux et humains.
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Idées, expériences et propositions sur les sciences et la démocratie
L’ouvrage de Jacques Mirenowicz est dense. L’auteur part de l’histoire et de l’évolution du rôle scientifique depuis la seconde guerre mondiale (Keynes, les accords de Bretton Woods, le projet Manhattan ou projet de construction de la bombe nucléaire, l’échec cinglant de l’éradication du paludisme, les dangers des OGM pour la petite paysannerie et l’agriculture biologique, etc...) pour déboucher sur les obstacles à une démocratie des choix scientifiques et technologiques. Il nous conforte dans l’idée que notre route actuelle est mauvaise et que " la science " ne peut plus rester sur son piédestal, comme indépendante de l’avenir de l’humanité.
L’ouvrage se termine par les propositions de Villarceaux à l’occasion d’une rencontre parallèle à la réunion de l’UNESCO en été 1999 sur la science pour le XXI° siècle. Il est proposé d’élaborer un contrat social intégrant les scientifiques, de renforcer l’enseignement sur les relations humaines, de remettre l’activité scientifique à sa juste place dans les formations universitaires, de remettre en cause le dogme de la croissance illimitée, et surtout de renforcer les maillons démocratiques dans les choix scientifiques pour permettre à la société civile de participer aux décisions stratégiques.
Livre
MIRENOWICZ, Jacques, Sciences et démocratie, le couple impossible ?, Charles Léopold Mayer in. Dossier pour un débat, 2000 (France), 108, 84
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr