Pour une politique globale d’appui à l’initiative économique : des professionnels africains proposent
03 / 2001
Parler de la petite entreprise en Afrique est difficile, tant ce terme regroupe une diversité et une hétérogénéité de situations. Ce terme inclut les activités génératrices de revenus (ou AGR), les micro-entreprises, les petites entreprises et les entreprises moyennes. Les premières sont des activités généralement féminines et à très faible potentiel d’évolution, leur l’objectif est l’acquisition d’un revenu de subsistance ou d’un complément de revenu. Les micro-entreprises, d’un statut souvent peu clair et d’un potentiel d’évolution faible mettent en oeuvre des technologies simples dans un local souvent permanent et présentent une logique de reproduction plutôt que de croissance. Les petites entreprises (sensus-stricto) sont souvent constituées d’un patron à bonne logique entrepreneuriale, aidé par des membres de sa famille et / ou de salariés ; il peut y avoir déjà accumulation de capital et un potentiel de croissance. Enfin, les moyennes entreprises présentent de bonnes capacités techniques et une vision à moyen et à long terme ; leur existence légale est le cas général.
En dehors de cette typologie, les petites entreprises regroupent aussi une multitude de cas de figure en fonction du pays, de la localisation, du type d’activité...
Dans leur ouvrage, qui s’appuie sur trois rencontres de professionnels du Sud, les auteurs ont parfaitement su enrichir et valoriser cette diversité de cas pour faire remonter les problématiques actuelles et proposer d’importants axes de réflexion et d’orientation des futures politiques d’aides à ces structures.
Pour cela, ils posent le décor dans la première partie : historique de l’aide à la petite entreprise depuis l’indépendance, présentation des contraintes au développement, hétérogénéité du secteur, etc... , et déjà quelques certitudes apparaissent :
- Les petites entreprises (au sens strict) sont souvent le type d’entreprises le plus délaissé des politiques d’appui pour cause de soutien financier difficile et risqué ;
- Les contraintes de l’entreprise ne sont pas uniquement économiques et financières mais aussi liées à l’environnement familial, social, et institutionnel ;
- Les dispositifs d’appui non financiers s’éloignent souvent de leur mission première pour cause de recherche d’équilibre financier, facteur limitant du développement ou de la pérennisation des structures...
La seconde partie de l’ouvrage laisse une grande place aux rapports entre entreprises et familles. Le lien entreprise / famille et entreprise / environnement social est généralement très fort, surtout pour les entreprises les plus modestes. Souvent, crédits et ressources des entreprises servent à financer des événements familiaux exceptionnels (naissance, décès, accident), ou permettent de traduire une solidarité (ou plutôt une entraide, ce qui suppose la réciprocité) avec d’autres membres de la société. Cette entraide, qui participe au "capital social" de l’entrepreneur - je remplis les caisses de mes proches quand je le peux pour avoir le droit de tirage si besoin - ne doit pas être supprimée car ce serait se couper du système de sécurité sociale. Elle doit par contre être améliorée afin de la rendre plus efficace et moins coûteuse pour l’entreprise. Articuler l’économique et le social est donc l’un des principaux défis de l’entrepreneur africains, tant l’économie africaine est "enchâssée" dans le social.
La troisième partie apporte des préconisations aux différents acteurs de l’aide aux petites entreprises :
- L’Etat doit devenir un facilitateur de la petite entreprise privée en adoptant une fiscalité souple et évolutive, en facilitant leur enregistrement, en leur permettant l’accès aux marchés publics, en soutenant les dispositifs d’appui extérieur tout en légiférant et en réglementant...
- Les bailleurs de fonds doivent mieux se coordonner pour faciliter la pérénnité de leurs actions, et ne pas hésiter à évaluer leurs dispositifs pour s’assurer de leur pertinence et les réorienter si besoin.
- Le lien avec les grosses entreprises devrait pouvoir se renforcer, tout comme l’implication des bénévoles.
La dernière partie, peut être la plus dense et la plus complexe - et donc d’une lisibilité plus faible - se concentre sur la profession d’appui aux entrepreneurs. Comment offrir un accompagnement de qualité adapté aux différents publics, comment se professionnaliser ? Comment faut t’il systématiquement articuler crédit et appui non financier ? Comment s’assurer de la satisfaction des entrepreneurs ? quelle structure juridique choisir ?
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, Afrique, Niger, Mali, Burkina Faso, Sénégal, Kenya
L’ouvrage de Catherine Chaze et de Félicité Traoré est un ouvrage dense, riches en réflexions et en suggestions pertinentes. Ce n’est surtout pas le transfert d’un savoir du Nord vers les pays du Sud, mais bien au contraire la valorisation d ’expériences du Sud par des acteurs du Sud. Les différents propos, enrichis par de nombreux exemples illustratifs vécus, sont exposés avec simplicité. Pour le bonheur du lecteur, les différents chapitres se succèdent avec logique.
Ce livre est à conseiller à tous les "coopérants", à tous ceux du Nord comme du Sud dont la mission est d’appuyer la petite entreprise en Afrique, qu’ils soient banquiers ou conseillers techniques, débutants ou en fin de carrière. Tous trouveront dans cet ouvrage informations, matières à réflexions et conseils....
Livre
CHAZE, Catherine ; TRAORE, Félicité, Fondation Charles Léopold Mayer, Les défis de la petite entreprise en Afrique, Charles Léopold Mayer in. Dossier pour un débat. 94, 2000 (France), 120 p.
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr