Réinventer la politique et changer d’échelle
03 / 2001
Pour la première fois depuis le début de l’humanité, l’homme est confronté à une ultime frontière, la frontière planétaire. Les principaux problèmes sont maintenant à l’échelle de notre belle "orange bleue", que l’on parle de démographie, d’écologie, d’économie (de moins en moins régulée par le politique) ou, bien sûr, de stratégie globale. Si nous ne voulons pas "perdre la boule", ou détruire la planète, les problèmes devront être résolus simultanément au niveau macro-planétaire et au niveau micro-local ou individuel ; la diminution de l’émission de gaz carbonique requise par l’effet de serre en est un bon exemple.
Parallèlement à ce changement d’aire inévitable, l’humanité change aussi d’ère, quittant l’ère industrielle basée sur le couple matière première / technologie, pour pénétrer dans l’ère de l’information (et du vivant) dont l’intelligence est la première ressource, et les technologies de communication les vecteurs. Il y a donc dématérialisation de la production de richesse, ce qui bouleverse le socle social - comment réinventer nos rapports au travail ? - et territorial, l’Etat-Nation étant sous la double pression de la mondialisation économique et du développement des territoires locaux.
De plus, les connaissances acquises dans le domaine du vivant, utilisées pour maîtriser notre propre reproduction et pour "manipuler" notre environnement bouleversent le socle culturel (notamment éthique et religieux) des sociétés humaines. La perte de nos repères entraîne une recherche désespérée de racines et de sens qui risque de prendre la forme régressive des grandes passions identitaires.
Sommes-nous condamnés au repli identitaire qui débouche sur la destruction du fait démocratique, la soumission des femmes, le refus du développement et à terme sur des guerres meurtrières, guerre du sens ou de religion ? Sommes-nous condamnés à la fuite en avant qui caractérise le développement occidental, et entraîne l’apartheid économique et démographique, l’atteinte de la biosphère et la destruction du lien social ?
La réponse est en nous-mêmes. Si, géographiquement, la nouvelle frontière est planétaire, rendant impossible la construction d’un lien social contre de nouveaux barbares extérieurs, elle est aussi anthropologiquement en nous-mêmes. L’Homme doit se redécouvrir lui-même, chercher à modifier le rapport qu’il a avec ses semblables, mais aussi celui qu’il a avec lui-même à travers la question du sens de sa vie. L’Homme, comme tout être "naturel" a des besoins ; mais contrairement aux animaux, il a aussi conscience de sa propre mort, ce qui produit de l’angoisse et du désir.
Les besoins de l’homme sont des besoins de subsistance, de protection, de reproduction, mais aussi d’information. Les désirs de l’homme, vont être organisés autour des 4 grandes passions humaines : la richesse, le pouvoir, l’amour et le sens.
Le carré simple des besoins va se transformer en un cube ou chacun des besoins se trouve prolongé et bouleversé par la logique du désir : la subsistance par la richesse, la protection par la puissance, la reproduction par l’amour et l’information par le sens et la connaissance.
Mais le désir est illimité, et développé jusqu’à ses extrêmes conséquences crée la violence et la destruction du lien social.
Avec les changements d’aire et d’ère que nous vivons, les démocraties ne peuvent plus exorciser ces maux sur des adversaires extérieurs. Elles doivent accepter le mal qui est au coeur d’elles-mêmes, et le traiter en incluant la complexité de la nature humaine. Il faut retrouver la politique par l’invention de nouvelles formes d’organisation, de méthodes et d’outils démocratiques. Mais il faut aussi enrichir le politique d’un puissant volet philosophique. Les grandes questions politiques et sociales sont de plus en plus des questions philosophiques qui appellent moins le développement d’un savoir-faire, dans laquelle excelle l’Occident, que celui d’un savoir-vivre où il est souvent très en retard par rapport à l’Orient. Nous avons besoin d’espaces publics pour débattre des grandes questions du sens dans les règles du pluralisme et de la tolérance afin de combler le vide spirituel de nos sociétés développées et faire face aux menaces des fanatismes et intégrismes.
démocratie, démocratie participative, citoyenneté, philosophie, identité collective, politique, Etat nation
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Ce petit document est un condensé d’humanisme et de philosophie. Un ouvrage facile à lire malgré sa densité, particulièrement instructif pour préparer la condition humaine du troisième millénaire.
Livre
VIVERET, Patrick, Démocratie, passions et frontières, Charles Léopold Mayer in. Dossiers pour un débat. 45, 1995/06 (France), 40 p.
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