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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Qualités d’un partenariat durable entre ONG du Nord et organisations paysannes (Sénégal)

El Hadj NDONG, Benoît LECOMTE

1998

El Hadj Ndong, directeur du cabinet comptable de l’APCO (cabinet d’accompagnement pour les associations dans la gestion et l’organisation) explique ceci :

« Ce qui est nécessaire pour un bon partenariat, c’est que le partenaire n’impose pas sa manière de faire, qu’il ne vienne pas avec des outils préétablis, qu’il soit à l’écoute de son homologue, essaie de connaître ses problèmes, ses difficultés et essaie de s’intégrer dans le milieu où doit être menée l’activité. Un certain nombre de facteurs doivent être considérés et connus par le partenaire extérieur, pour que les 2 partenaires puissent parler le même langage et arriver ensemble à développer des actions et à réaliser leurs objectifs. Mon conseil est d’appuyer la gestion et de ne pas imposer un cadre de gestion pensé de là-bas, mais de voir avec la structure ce qu’il convient de faire de manière appropriée mais pas imposée de l’extérieur.

Ce qui permet aux structures de base un bon partenariat, c’est le respect des engagements qui sont pris. Toute collaboration est tenue par un certain nombre de principes, définis parfois grâce à de longues négociations. Les capacités qui ont été inculquées aux responsables à la base ont permis de négocier d’égal à égal avec le partenaire. Une fois que la négociation est faite, les éléments du contrat doivent être respectés. C’est alors qu’ensemble on évalue ce qui est fait et on accepte les critiques. L’évaluation doit faire ressortir les failles et les mettre à nu. Le responsable d’association qui accepte de mettre à nu ses difficultés possède des qualités qui lui permettront d’arriver à de bonnes relations avec son partenaire du Nord.

C’est également un problème de gestion, il faut qu’elle soit assez transparente, rigoureuse et que les actions prévues dans le cadre du financement soient respectées et exécutées. Je constate que les partenaires sont aujourd’hui beaucoup plus sensibles à la bonne gestion. Ils nous disent que l’argent se raréfie, qu’ils ont des difficultés, qu’au Nord il y a des problèmes, voire même des ONG qui se regroupent pour être plus fortes et que certaines disparaissent. Des techniques de communication, tout un tas de moyens sont développés pour mieux collecter les fonds mais par rapport aux années d’avant, le volume d’aide a baissé. Les partenaires du Nord se soucient de tout ce qui concerne la gestion des finances.

Doser le volume d’aide pour ne pas créer de mal, c’est-à-dire donner un volume financier qui ne dépasse pas les possibilités d’absorption de l’association bénéficiaire et qui tienne compte des capacités de gestion des responsables de cette dernière.

Pour qu’une mauvaise expérience ne soit pas renouvelée, il faut éviter que d’autres partenaires viennent appuyer cette association médiocre, tout simplement parce que les capacités qui devraient exister ne le sont pas ; finalement cette nouvelle aide demandée afin de permettre aux responsables paysans de développer l’association et leurs relations avec d’autres partenaires, ne développe que leur manque de crédibilité. L’aide apportée à une structure où les règles démocratiques sont faibles a des conséquences assez négatives parce que seuls les leaders arrivent à faire de bonnes réalisations … mais pour leur compte. Ces derniers ont parfois tellement d’activités à mener qu’ils se désintéressent des préoccupations des organisations de base, ce qui crée beaucoup de disparités entre la base à son niveau de départ et les 2 ou 3 leaders occupés à promouvoir des activités rentables pour eux. Une structure non assise sur une base démocratique contribue à une utilisation de l’aide souvent néfaste pour la majeure partie des gens. Ici au Sénégal, on est souvent prêt à nommer, à désigner, à élire ! Le leadership existe toujours. Cependant je constate que les gens sont en train de faire des efforts pour vaincre cela parce que ce sont de mauvaises habitudes. Et aujourd’hui il y a des cas de structures où des responsables ont été déchargés par les membres de leurs fonctions parce qu’il y a eu des fautes.

Les bailleurs peuvent être influents pour ces situations. Si un leader a un comportement qui n’est pas bénéfique pour l’ensemble de la structure, les bailleurs peuvent manouvrer pour appuyer différemment la structure.

De plus en plus les bailleurs aiment collaborer avec des structures où il y a une certaine démocratie. C’est l’évolution même du partenariat : les structures de base et les bailleurs se connaissent mutuellement et se rencontrent souvent, des réflexions sont développées et cela permet de faire ensemble des choix, sur les personnes aussi pas pour imposer mais pour influencer cela. Dans les associations membres de la FONGS (Fédération des ONG Sénégalaises) que je connais, la plupart des leaders ont certaines capacités qui font que le partenaire ne leur impose rien mais eux savent qu’ils doivent veiller et négocier. Cela se fait dans les couloirs, par des discussions en tête-à-tête parce que le bailleur est aussi préoccupé par la bonne gestion des fonds qu’il met à la disposition des structures, et lui aussi a un but et des objectifs à atteindre. »

Mots-clés

organisation paysanne, bailleur de fonds, ONG du Nord, projet de développement, gestion d’entreprise, partenariat


, Sénégal, Thies

Commentaire

Partenaires ! D’un côté, des associations paysannes qui font pas à pas l’apprentissage des tâches de prévision-organisation, de gestion et de négociation et dont les leaders peuvent être tentés par l’enrichissement personnel. De l’autre, de multiples donateurs avec leurs diverses batteries de conditions et de formulaires, leurs objectifs propres, leurs tabous. Respecter les engagements pris est certes utile pour que le partenariat dure, mais lequel de nous sait à quoi il s’engage quand il choisit de coopérer en profondeur avec autrui ? Bref, être partenaire, ne serait-ce pas d’abord accepter de s’aventurer l’un avec l’autre, l’un comme l’autre ?

Notes

Entretien avec El Hadj NDONG, réalisé en décembre 1997.

Source

Entretien

LECOMTE, Benoît

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