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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Les relations et les problèmes entre les ONG du Nord et les Organisations Paysannes (Sédhiou, Sénégal)

Tamba YANCOUBA, Benoît LECOMTE

05 / 1998

Tamba Yancouba, Directeur exécutif de FORAGE:

"La philosophie de FORAGE par rapport à l’aide extérieure est que l’aide extérieure peut être un plus mais qu’il faut l’orienter. La première aide apportée à FORAGE est venue de Belgique. Un consultant belge est venu pour voir la différence entre le document de projet de notre demande et le terrain. Il a dit que c’était trop confus et il est reparti. Ceci a provoqué la transformation de l’association en une fédération de GIE (Groupements d’Intérêts Economiques). Il y a eu modification pour pouvoir être présenté au partenaire français : Frères des Hommes. Comme cette ONG avait de nombreux problèmes politiques, elle a organisé un séminaire en 1992, en Côte d’Ivoire. Je suis l’auteur du document de projet. Il y a eu convocation de tous les Frères des Hommes européens pour discuter du document. Frères des hommes Luxembourg a été intéressé par le document. Il y a eu négociation avec Frères des hommes Luxembourg et Frères des hommes Belgique. L’aide extérieure devait être une garantie internationale bancaire. Cela a permis l’achat de camions. Il n’y a pas de fond de roulement ; les produits sont pris chez les paysans à crédit, ce qui pose un problème de pérennité. Le profit tiré des ventes permet le cofinancement des actions comme le carburant. Mais il n’y a pas de fond de roulement ce qui pose un problème de pérennité. L’achat de camions a été la première action de FORAGE. A ce moment là, il y avait 17 000 membres. Chaque famille a donner des produits à crédit puis il y a eu restitution. Le problème c’est l’écoulement des produits.

FORAGE a obtenu l’aide d’une autre ONG pour cofinancer le volet pêche. C’est à crédit. C’est à dire qu’il n’y a jamais de subvention mais des crédits. Moitié subvention, moitié crédit, ce serait pourtant l’idéal. Les subventions, c’est mieux pour le fonctionnement institutionnel. Mais pour les opérations rentables, la commercialisation, la production, c’est mieux avec des crédits. Après le crédit, il y a création de réserves pour être financièrement autonomes après. C’est la philosophie de FORAGE. Ces partenaires nous ont appuyés institutionnellement au niveau des indemnités pour trois personnes.... après, par évaluation.

Avec les Belges, le partenariat est terminé car ça a été une déception mutuelle. Avec le Luxembourg, dans le document projet, il était écrit : "on va faire ça et ça..." Par exemple la commercialisation. Ils n’ont pas suivi le document de projet comme prévu. Il y a eu des apports d’argent au début, puis ils ont refusé de continuer. On a eu la sensation d’être trompés. L’évaluateur externe a fait un rapport d’évaluation mais pas de copie pour FORAGE. C’est en attente actuellement. La commercialisation, c’est la vie de FORAGE. Il est hors de question de suspendre le projet. Il faut trouver d’autres partenaires. Nous n’avons pas de bailleur actuellement, mais l’association marche. Les camions servent de garantie au Crédit Mutuel, permettant d’y obtenir des crédits.

L’aide extérieur est contente quand il voit quelqu’un tomber : "Il est tombé, il souffre, il faut l’aider." L’aide extérieure cherche des gens qui souffrent. Elle ne cherche pas la cause principale. Pour les organismes d’appui au niveau du Nord, il y a la facilité de ramasser les fonds au niveau de leur pays. Alors ils se précipitent pour trouver des partenaires au sud pour dépenser ce qu’ils ont comme fonds. Ils ne trient pas. Ils ne cherchent pas à savoir si ça peut marcher. Il suffit de leur envoyer une belle lettre, un bon projet et on démarre. Alors qu’il y a des plaies à l’intérieur qui ne sont pas guéries. Beaucoup de choses sont infectées. Les bailleurs mettent des médicaments sur la plaie et s’en vont, alors que ce n’est pas intégralement guéri. Le médicament c’est l’argent, et sans formation, sans rien, c’est la chute des OP.

Il est nécessaire de travailler à la base, surtout par la communication et la démultiplication des formations c’est à dire que les gens formés fassent quelque chose à leur retour. C’est un moyen de bien gérer l’aide extérieure.

Les paysans manquent de confiance au niveau des banques car ils n’arrivent pas à créer une solidarité interne, ni une entreprise pérenne. L’aide extérieure, elle, a de l’argent. Pour une association paysanne, l’aide c’est la facilité d’avoir l’argent. L’aide est là. A ses partenaires africains, elle demande d’envoyer beaucoup de projets pour utiliser l’aide. Le Nord se précipite pour avoir des partenaires au sud. Parfois, il y a financement d’opérations qui n’ont même pas démarré. Il est facile de créer une association et d’avoir de l’aide car les partenaires du Nord se disent : "Tiens une nouvelle association, il faut l’aider". Ils ne cherchent pas à comprendre. Les bailleurs de fonds font des projets pour 3 ans... si ça ne marche pas (échec du partenaire local) le bailleur repart. Au lieu de trouver pourquoi ça ne marche pas. Une opération de base peut avoir 5 ou 10 partenaires. Entre les associations, chacune cherche de l’argent, c’est la concurrence ou c’est un développement concerté au niveau de la base."

Mots-clés

organisation paysanne, ONG du Nord, crédit, commerce, développement local, corruption, dépendance économique


, Sénégal, Sédhiou

Commentaire

Monter un dispositif de commercialisation pour les paysans d’une même zone sans disposer de capitaux est le lot habituel des associations en Afrique de l’Ouest. De rares ONG du Nord ont l’audace de les épauler par des crédits ou des garanties. Mais cette alliance n’est généralement pas durable et l’OP se retrouve vite seule à faire fonctionner, vaille que vaille, cette "entreprise sans entreprise véritable." Mais cela n’es-il pas préférable, souligne l’interviewé, au laxisme de tant d’autres ONG ?

Notes

Entretien avec YANCOUBA, Tamba, réalisé en décembre 1997

Source

Entretien

LECOMTE, Benoît ; BENOIT, Séverine

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