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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

La situation sanitaire des femmes rurales (Thiès, Sénégal)

Planning familial, accouchement et excision

Fatou BOCOUM, Séverine BENOIT

06 / 2001

Fatou BOCOUM, conseillère à la FONGS (Fédération des ONG paysannes Sénégalaises) :

« Sur le planning familial, il y a beaucoup d’évolutions mais il reste encore beaucoup de difficultés. Par exemple, moi, on m’avait affectée dans un village et un jour les villageois m’ont convoquée pour me dire que si j’abordais la question du planning familial, je risquais d’être réaffectée, de ne plus travailler là. C’était en 1984. Alors, j’ai demandé pourquoi et eux m’ont répondu qu’ils étaient musulmans. Ils ne veulent pas de gens qui ne croient pas et qui veulent en quelque sorte limiter la religion. Ils disent qu’il faut laisser les musulmans naître, grandir et augmenter. J’ai dit « d’accord » mais j’ai utilisé une stratégie qui m’a permis de parler du planning familial en conseillant simplement aux femmes de prendre des mesures pour l’espacement des naissances. Il y avait un programme nutritionnel dans ce village, et j’étais coordinatrice de ce projet. C’était un projet financé par les Américains. Il fallait peser les enfants, leur préparer des repas équilibrés et donner des conseils aux mères. J’ai constaté quelquefois que des femmes, quand elles viennent, souvent leur enfant a six mois/1 an et que la femme est déjà enceinte. Le plus souvent, l’enfant est mal nourri parce qu’il ne peut plus prendre le lait, parce que quand la femme est enceinte, il n’est pas conseillé de prendre ce lait-là et elle ne lui prépare pas d’autres aliments complémentaires parce qu’elle n’a pas les moyens.

Moi, j’ai profité de ces situations pour conseiller les gens, pour leur dire que je ne veux pas parler de planning familial ou de limiter les naissances, mais qu’elles prennent des dispositions pour éviter d’attendre un nouvel enfant pendant deux ans au moins. Et je prenais le temps pour leur expliquer vraiment les risques qu’elles étaient en train de courir elles-mêmes et pour l’enfant aussi. A des femmes j’ai expliqué la méthode naturelle assez difficile à comprendre pour certaines : j’ai demandé aussi aux femmes de ne pas sevrer l’enfant. Il y a des femmes qui, quand elles ne sèvrent pas l’enfant, ne tombent pas enceintes. D’autres sont venues ici au planning familial pour prendre la pilule en cachette des maris. Cela a donné un bon résultat. Aujourd’hui, un de ces villages parle du sida : ils font les démonstrations en pleine place publique, devant tout le monde, le chef du village y compris, et une association de lutte contre le sida s’est installée. Donc, le planning familial ici a bien marché. Les femmes disent qu’elles doivent faire le planning familial pour leur permettre d’aller travailler, d’avoir de l’argent. C’est elles-mêmes qui se sont révoltées. Certaines ont espacé les naissances et d’autres ont adopté le système d’arrêter : quand elles ont deux, trois ou quatre enfants, elles disent qu’elles arrêtent.

Jusqu’à présent, des hommes acceptent et d’autres non mais les femmes, quand elles veulent quelque chose, elles savent comment s’y prendre ! C’est quelque chose qu’elles ont voulu défendre et elles l’ont défendu à leur manière. Le fait d’espacer les naissances va leur permettre d’être plus disponibles, d’aller vendre leurs productions, d’assister à des réunions et de participer à la vie associative.

Quant aux conditions d’accouchement, elles ont vraiment évolué. Nous avons beaucoup travaillé à former les femmes parce que les visites prénatales posaient beaucoup de problèmes. Avant, quand elles étaient enceintes, elles n’ allaient pas aux visites prénatales. Elles ne savaient pas si l’enfant évoluait bien. Elles attendaient seulement le jour de l’accouchement pour aller à la maternité. Dans ces cas-là, les difficultés ne sont pas prévisibles, les médecins ne peuvent rien faire. D’autant plus qu’elles n’accouchent pas dans une maternité mais aux postes de santé, avec les matrones traditionnelles, qui en général n’ont pas beaucoup de formation. Alors le plus souvent, soit la maman décède, soit c’est l’enfant. Donc, à l’époque cela posait beaucoup de problèmes et je crois que malgré les dispositions, il y a des régions où cette attitude domine encore comme dans la région de Tambacounda où ils n’ont pas beaucoup de centres de santé. Le problème demeure encore même s’il y a une nette amélioration. La politique de l’Etat n’a pas facilité la promotion des infrastructures ; ces infrastructures sont mal équipées et on manque de personnel.

L’excision ? Elle est réalisée clandestinement, malgré tout ce qu’on dit. Les féministes l’ont attaquée et médicalement les infirmières et les personnels sanitaires ont démontré que c’était une pratique néfaste pour la santé de la femme. Malgré cela, l’excision persiste dans quelques régions où 4 ou 5 ethnies la pratiquent encore. Des ethnies ont annoncé publiquement à la télévision qu’elles ne la pratiqueront plus, et les exciseuses ont été impliquées dans les activités économiques pour leur permettre de gagner leur vie sans compter sur les recettes de l’excision. Ces gens-là se sont engagés à ne plus pratiquer l’excision mais il y a toujours des personnes qui la pratiquent. Beaucoup d’ONG font des émissions à la radio pour sensibiliser les populations. Je crois que cela diminue maintenant, mais ça n’a pas encore disparu. »

Mots-clés

femme, développement rural, santé, famille, service de santé, enfant, culture traditionnelle, contraception, mutilation sexuelle


, Sénégal, Thies

Commentaire

Un survol des problèmes de santé des femmes rurales au Sénégal et des activités de formation et de prévention dans le domaine de l’espacement des naissances, de la surveillance prénatale, de l’accouchement et de l’excision.

Notes

Madame Fatou BOCOUM est une permanente expérimentée de la FONGS chargée d’épauler les activités des femmes au sein des associations.

Entretien avec BOCOUM, Fatou réalisé à Thiès en février 2001.

Source

Entretien

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