05 / 2001
Khady SENE, paysanne et responsable de la promotion féminine à Jig-Jam :
"Dans la société Sérère, le rôle de la femme, traditionnellement, est d’être dans le foyer, de s’occuper des enfants, de s’occuper de son mari et de s’occuper du foyer, seulement. Mais maintenant il y a des changements par rapport à cette culture-là. Parce que des femmes s’intègrent dans les groupements et sont très actives dans les associations et les groupements de base. En même temps, dans les collectivités locales, les femmes ont des responsabilités. Mais la participation totale des femmes pose problème à cause de l’analphabétisme.
Des femmes peuvent s’occuper du foyer, des enfants et du mari et peuvent assumer en même temps des postes au niveau des organisations. Quelques maris n’ont pas compris le rôle de la femme dans le développement. "Il faut t’occuper de moi, il faut t’occuper des enfants" dit le mari, et la femme doit s’occuper de cela et doit aussi participer aux activités de la localité. S’il y a analphabétisme et manque d’expérience dans le développement, la femme ne pourra pas "gérer son mari" pour arriver à maîtriser son programme de développement. Elle ne peut pas faire les deux à la fois.
J’ai vu le cas d’une femme qui faisait quelques activités au niveau du poste de santé mais une fois son mari a commencé à dire que la femme ne le respectait plus, qu’elle voulait prendre l’autorité de la famille, et ceci et cela. Jusqu’à ce que la femme reste à la maison, sans continuer son travail au niveau du centre de santé. Il y a aussi des femmes à qui on donne des responsabiliés au niveau du village, comme par exemple une présidence de groupement mais quand la femme est convoquée en réunion à Fissel ou bien est envoyée en séminaire, le mari dit que sa femme ne peut pas bouger parce qu’il est seul. Et la femme est obligée de dire qu’elle n’est pas disponible pour y aller. Donc il y a des cas comme cela.
Mais ce n’est pas toutes les femmes. Il y a beaucoup de femmes qui peuvent se concerter avec leur mari, gérer leur mari, pour remplir les conditions du développement et en même temps remplir celles de la maison.
Quand il y a des problèmes avec les maris, nous essayons d’abord une ou deux fois de parler avec ces derniers. On a réussi à aller chercher une dame qui avait des problèmes avec son mari, et qui l’a quitté, elle est allée chez son papa. Et on a été une fois, à trois, pour se concerter, pour voir comment solutionner le problème et la dame est revenue dans son foyer. On s’est beaucoup concertés avec son mari mais malheureusement il a dit : "Non, je ne peux plus accepter de la laisser partir". Donc quelquefois avant de dépasser cette étape-là, on doit se concerter avec la dame, puis avec le mari, pour essayer de maintenir la femme dans le processus de développement.
C’est un problème de sensibilisation du mari et de la femme. Parce que quelquefois les femmes veulent se concerter d’une manière qui n’est pas trop satisfaisante par rapport à leur mari ou par rapport aux autres. Par exemple, si elle est dans le développement, qu’elle est animatrice ou autre, elle croit qu’elle est plus intelligente que son mari, qu’elle est supérieure. Et cela aussi pose des problèmes. Dans ce cas le mari ne peut plus supporter et on essaie de se concerter avec la femme, de la sensibiliser pour qu’elle sache que c’est là sa place et qu’ici c’est la place du mari. Parce qu’ici, c’est le mari qui doit être devant, même si tu es plus capable que lui, financièrement et intellectuellement, c’est toujours lui qui doit être supérieur. Peut-être que cela peut changer mais il y a des mentalités qui sont difficiles à changer."
genre, inégalité sociale, femme, famille, conflit, organisation paysanne
, Sénégal, Fissel
Notre interlocutrice, une paysanne, membre d’une association ancienne et dynamique, montre qu’en pays Sérère au Sénégal, le mari est le premier acteur à convaincre. Quant aux épouses souvent analphabètes, elles doivent apprendre à "gérer leur mari" si elles veulent "remplir les conditions du développement et en même temps remplir celles de leur foyer".
Jig-Jam est une association innovante et la place des femmes y est importante. On dispose aussi sur son action des interviews (et des fiches DPH 7.201; 7.202; 7.440; 7.481; 7.499; 7.501.) de son secrétaire M. Sara DIOUF et des fiches GRAD 488 et 490 extraites du même interview.
Entretien avec SENE, Khady, réalisé à Fissel en février 2001.
Entretien
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