Malick SOW, Aminé MIANTOLOUM, Benoît LECOMTE
02 / 1998
1/ Selon Malick Sow, Secrétaire Général de la FAPAL (Fédération des Associations Paysannes de Louga, Sénégal) :
"Une aide peut devenir négative si elle se fait sous forme de prêts. Parce que le prêt est quelque chose de compliqué et que notre premier instrument de travail c’est la terre et la pluie. Si ce que nous produisons provient essentiellement de la terre et que la pluie n’est pas au rendez-vous, cela peut handicaper pas mal d’actions et nous empêcher de rembourser. Pour éviter cela, nous utilisons une garantie fournie par notre partenaire.
C’est une garantie que SOS-FAIM, à travers une banque de Bruxelles, met à la disposition de la FAPAL qui emprunte de l’argent auprès d’une banque de la place, par exemple la BICIS de Louga, pour mener des activités. Si par malheur la FAPAL n’arrivait pas à honorer cette dette, c’est la banque Bruxelles-Lambert qui allait rembourser la BICIS. Et c’est SOS-FAIM qui allait payer la banque Bruxelles-Lambert. Et c’est nous qui devions rembourser la garantie à SOS-FAIM. Mais heureusement, nous n’avons pas connu cette situation. Nous avons remboursé à 100 pour cent. La garantie peut continuer comme elle peut aussi être enlevée.
Nous n’avons pas eu à utiliser l’argent de la ligne de garantie pour ces activités, dont la durée ne devait pas excéder 14 mois. Durant ce temps, nous avons, au niveau de la banque, emprunté de l’argent pour mener nos activités. Le montant de ces lignes de crédit s’élevait à 17 millions CFA. Ceux-ci nous ont permis de travailler. On a remboursé et, si le besoin se fait encore sentir, on retourne à la banque reprendre encore de l’argent (avec des agios et des intérêts).
En effet, le prêt coûte cher. Si je prends l’exemple de la Caisse Nationale de Crédit Agricole, il arrive que les taxes (taux bancaires, agios, etc.) imposées aux villageois soient excessivement élevées, de telle sorte que le producteur n’est pas en mesure de rembourser.
L’autre expérience d’une aide qui peut devenir négative que je connais (un peu) est celle des fonds souples de l’ONG SIX S (Se Servir de la Saison Sèche en Savane et au Sahel) que nous n’avons pas connu en tant que FAPAL. Mais si les grandes associations que nous observons aujourd’hui se débattent dans des griffes inextricables, ce sont ces fonds souples de SIX S qui les ont menées à cela. Ils avaient une habitude, une culture et une utilisation de ces fonds souples qui n’étaient pas du tout bien gérés. Ils ont cru que ces fonds allaient continuer et quand ils se sont arrêtés, cela a créé pas mal de problèmes.
En conclusion, les prêts sont donc à éviter autant que possible, même s’ils sont indispensables. Mais l’aide gratuite sans mesure d’accompagnement de suivi, de contrôle externe et interne, ce n’est pas bon non plus".
2/ Selon Madame Aminé Miantoloum, Formatrice à l’ASSAILD (Association d’Appui aux Initiatives Locales de Développement, Moundou, Tchad) :
"Ce que je n’aime pas dans l’aide, aussi bien au niveau national qu’au niveau des groupements, c’est que ceux qui ont contracté des crédits ne progressent pas, compte tenu de la crise économique que nous connaissons. Souvent, il y a mévente; or généralement les gens comptent sur leurs productions agricoles pour rembourser les crédits, et n’y réussissent pas. Certains font parfois reporter, mais reporter ne veut pas dire annuler. Les gens travaillent alors beaucoup plus pour rembourser à tout prix le crédit que pour faire avancer les choses ! Selon moi, l’aide est bonne mais elle est aussi mauvaise. Dans la mesure où elle asservit l’homme. Celui qui sait bien l’utiliser s’épanouit, celui qui ne sait pas bien l’utiliser, cela pèse sur les autres car il reste toujours des dettes. Ceux qui sont morts, eux, peut-être sont allégés. Mais ceux qui sont vivants, tant qu’ils sont vivants, il faut qu’ils travaillent pour rembourser".
organisation paysanne, solidarité, développement local, dépendance économique, crédit, gestion d’entreprise
, Sénégal, Tchad, Louga, Moundou
Les formes selon lesquelles l’aide extérieure financière arrive dans le village sont des questions qui soulèvent beaucoup de problèmes chez les paysans. Au Tchad comme au Sénégal, le crédit fait peur aux ruraux expérimentés. Les aléas climatiques sont trop nombreux. Certes des systèmes de garantie peuvent contribuer à diminuer le risque, il n’en reste pas moins que, sous cette forme, "l’aide est bonne mais elle est aussi mauvaise". Et les subventions trop facilement obtenues font peur aussi car elles poussent à la mauvaise gestion.
Voir fiches GRAD n° : 75 à 85 et 88 (extraites du même interview); 135; 143; voir fiche DPH n° 7.256 (correspondant GRAD : 82).
Entretien avec SOW, Malick (Thiès, Sénégal, décembre 1997)
Entretien
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