Le point de vue d’un responsable d’association paysanne sur deux outils des bailleurs de fonds
02 / 1998
Sara Diouf, Secrétaire Général de l’association paysanne Jig-Jam :
"Nous avons connu deux sortes de partenaires : premièrement, ceux qui viennent à un moment donné pour essayer d’appuyer des actions ponctuelles, un projet bien déterminé. Ils ont de l’argent pour faire juste cela puis ils disparaissent. Et deuxièmement ceux qui appuient financièrement mais qui, par la suite, accompagnent la mise en oeuvre des projets puis des actions de nos programmes.
Les projets pour lesquels nous avons eu des partenaires qui sont venus, ont financé et par la suite sont partis, laissent un pourcentage d’échec assez considérable. Peut-être parce que ces partenaires ont privilégié l’aspect financier, mais ont négligé l’aspect technique et stratégique de ces projets.
Ces partenaires peuvent croire à un projet donné, financer ce projet alors que dans la réalité ce n’est pas cela qui intéresse les gens, des gens qui, à un moment donné, ont eu des difficultés à formuler réellement leurs propres besoins.
Puis, nous avons connu la deuxième catégorie de partenaires qui viennent, appuient financièrement et assurent un suivi plus logique. L’appui commence lors de la formulation des besoins et continue jusqu’au moment où nous pouvons avoir besoin de l’argent. Ces partenaires reviennent pour essayer d’accompagner le processus. C’est surtout avec ces partenaires que nous avons connu des résultats qui, aujourd’hui, sont vraiment appréciés. Ce sont ces résultats qui ont fait que l’association Jig-Jam est connue, même au niveau régional.
Bien sûr, chacune des deux approches a des points forts et des points faibles. D’un côté, le financement de projets sectoriels précis, ne cherchant même pas une cohérence, permet aux partenaires de financer "la base" d’une manière très rapide. Ce financement va effectivement directement aux paysans.
Le deuxième type de partenariat a des limites car souvent on veut brasser beaucoup d’activités à la fois. La négociation n’est pas rapide. Quelques fois, on initie un programme, les actions retenues sont recensées parmi la population comme étant vraiment ses besoins, mais la négociation dure des mois, voire un ou deux ans (et pour le cas d’un contrat avec une Banque de Développement, 4 ans !) et le contexte pendant ce temps-là change. Si enfin on signe le contrat, on a ensuite des difficultés pour réaliser le programme puisque le contexte s’est complètement modifié. Le temps constitue une limite dans la volonté d’asseoir un programme avec les populations.
Je pense qu’il est quelquefois bon d’avoir des projets, mais je pense également qu’il est encore plus important d’avoir des actions cohérentes. A un moment donné, avec une expérience donnée, on est obligé de passer à cette phase qui consiste à avoir un programme cohérent, bien ficelé. On doit être capable d’identifier, d’une manière globale, ce qu’on veut réellement faire. Cela permet d’avoir une orientation plus générale.
Il est aussi important, parfois, d’arriver à trouver quelque part un appui en plus du programme. Car au moment d’élaborer un programme, il se trouve toujours des choses qui ne sont pas visibles. Au moment de la réalisation du programme, il se trouve également des choses qui apparaissent et nécessitent d’être prises en compte. C’est pourquoi les deux approches sont complémentaires. Mais on ne doit pas alors négocier un projet pour obtenir un projet (de plus); on doit le faire pour renforcer une cohérence avec des actions déjà commencées. La cohérence à travers un programme, pour le moment, je pense que c’est l’idéal dans la mesure où "là où nous allons, nous n’y sommes pas encore arrivés". Et notre but, à Jig-Jam, est que les villageois arrivent à faire eux-mêmes leurs propres programmes (appelés ici les "plans villageois"), à se concerter pour identifier et mettre en priorité leurs besoins, les ficeler et avoir des capacités de négociation ; je pense que si on parvient à ce stade-là, notre mission sera accomplie à 70 pour cent. Cela nécessitera certainement ensuite des accompagnements, mais ces paysans-là seront alors bien lancés."
organisation paysanne, projet de développement, ONG du Nord, développement local, négociation
, Sénégal, Fissel
Ce texte est une comparaison de l’outil-projet et de l’outil-programme, avec à l’arrière-plan, la constatation que ces deux types d’instruments sont aujourd’hui utilisés par deux sortes de partenaires : d’un côté, ceux qui ont de l’argent pour faire juste ceci ou cela puis qui disparaissent ; de l’autre, ceux qui accompagnent dans la durée et assurent différentes tâches permettant la mise en oeuvre de programmes.
Plusieurs fois interviewé ces dernières années, M. Sara Diouf est un responsable paysan innovateur en matière de développement local et de concertation entre intervenants.
Voir les fiches DPH : 7.440; 7.501; 7.499; 7.201; 7.202.
Voir fiches GRAD tirées des interviews de Sara Diouf : n° 87 à 98 concernant Jig-Jam et n° 428 à 434 concernant la CAD (Comité de Coordination des Actions au Développement).
Entretien avec DIOUF, Sara réalisé en décembre 1997.
Entretien
GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org