Dans les pays en développement en général et en Afrique en particulier, la forme et l’intensité de l’épidémie du Sida sont étroitement liées à la pauvreté, à l’inégalité, à la destruction des structures sociales, au déracinement des personnes. Ces phénomènes sont souvent associés à la violence et aux conflits. Il devient actuellement indispensable de prendre en compte l’épidémie du Sida comme un des problèmes majeurs que l’on doit traiter dans une situation de crise civile, de guerre et d’urgence. Dans des situations d’urgence, la question du Sida est souvent éclipsée derrière des problèmes à court terme plus pressant et plus visibles. Or les crises aiguës ou larvées peuvent créer des conditions accélérer de propagation du VIH-SIDA et engager ainsi l’avenir sanitaire de toute une région. Il faut donc favoriser une prise de conscience de l’importance de la question du Sida dans des situations de conflits armés.
L’épidémie du Sida progresse selon les lignes de faille des sociétés. Elle se développe là où l’accès à l’information, à la prévention, l’indépendance économique et le respect des droits de l’homme ne sont pas garantis pour tous. Pour lutter contre l’avancée de l’épidémie, il est nécessaire que la structure sociale connaisse une relative stabilité, et que la société, en particulier l’Etat, ait la capacité de faire fonctionner les institutions garantes des droits individuels. Or beaucoup de pays africains sont confrontés actuellement à de nombreuses situations de crise. Conflits internationaux, guerres civiles, crises politiques, économiques et sociales remettent en question le fonctionnement des institutions. Une typologie de ces crises pourrait être définie en fonction de leurs causes, leur durée et leur limitation ou pas à une population concernée, les déplacements de populations provoqués ou l’assistance qu’elles suscitent de la part des organisations humanitaires. A chacune de ces situations correspond un certain niveau de capacité à mettre en place des mesures de lutte contre l’épidémie du Sida.
Ce sont souvent des conflits ou des crises politiques au niveau national ou international qui créent des situations d’urgence. C’est le cas du Burundi depuis 1993, du Rwanda en 1994, et dans les années précédentes du Libéria, de l’Angola ou du Mozambique qui ont connu des guerres civiles sanglantes. La Région des Grands Lacs compte à elle seule plus de 90 pour cent des 10 millions de réfugiés se trouvant sur le sol africain. Le Rwanda bat le record avec 7.450.000 réfugiés selon les données du Haut Commissariat aux Refugiés ( HCR ).
Ces crises politiques ont d’abord pour effet de remettre en cause la stabilité de la structure économique et sociale. La vie quotidienne est alors dominée par l’insécurité et la violence. Les stratégies de survie visent d’abord à assurer la sécurité, l’approvisionnement en nourriture et les soins pour les blessés. La crise provoque des déplacements des populations qui se réfugient dans des zones où elles se sentent plus en sécurité. Le plus souvent, elles sont confinées, rassemblées dans des camps de réfugiés. Le niveau de risque concernant la transmission des MST et du Sida est alors élevé du fait de la fréquence des violences sexuelles en temps de guerre. La disparition des liens matrimoniaux consécutives aux décès, aux séparations poussent souvent les femmes notamment les veuves à se prostituer pour entretenir leur famille ou pour obtenir une protection dans une ambiance de violence généralisée. Le bouleversement de la structure sociale préexistante provoque une remise en cause de l’autorité familiale sur les jeunes en matière de sexualité, ce qui peut contribuer au risque. La fréquence des blessures qui nécessitent des transfusions dans un contexte de sous-équipement médical augmente également le risque de transmission du VIH. Les déplacements des populations créent enfin des brassages entre des groupes aux taux de séro-prévalence différents, ce qui bouleverse la dynamique épidémiologique.
Après la phase d’équipement des camps, les réfugiés disposent de temps, leurs besoins élémentaires étant couverts en grandes parties par les organismes d’assistance, ils sont alors prêts à remettre en place une organisation sociale, à participer à l’installation des services, et sont réceptifs à des actions d’information. Cependant la question du Sida ne représente pas un problème prioritaire pour les réfugiés d’abord soucieux de regrouper leurs familles, d’assurer le quotidien et de prévoir leur retour.
Par ailleurs , les populations civiles déplacées ou réfugiées sont très vite exposées à une stigmatisation et à une discrimination de la part des communautés et autorités locales en raison de leur statut, de leur origine ethnique ou de leur appartenance politique ou religieuse. Les enquêtes sur des problèmes de santé tels que le Sida peuvent accentuer cette discrimination en fournissant des arguments servant à justifier des mesures de répression à leur égard par les pouvoirs militaires ou politiques locaux. Dans un environnement où la confidentialité est difficile à assurer, les groupes d’action humanitaires hésitent à enquêter sur des questions se rapportant à la sexualité et au Sida risquant de porter préjudice aux personnes concernées.
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, Afrique
Il y a donc nécessité de comprendre le rôle que les conflits exercent sur la transmission du Sida et de savoir que la mise en oeuvre d’actions préventives doit tenir compte à la fois des comportements sexuels à risque et de l’influence que les stress physiques psychologiques et matériels engendrés par le conflit peut avoir sur ces comportements.
L’Afrique a trouvé l’énergie et la ténacité suffisantes pour surmonter les calamités naturelles, les agressions et les bouleversements sociaux qui ont marqués son histoire. L’Afrique pourra-t-elle maîtriser la pandémie du Sida ? De quelle manière et selon quelle échéance ?
Livre
Réseau Société d'Afrique et Sida, Urgence, Précarité et lutte contre le Sida en Afrique#, L'Harmattan, 1997
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