Et si l’on racontait des histoires pour mieux gérer les projets ?
12 / 2000
"Et si l’on racontait des histoires pour mieux gérer les projets ? " Cette proposition est celle de Thierry Boudes, consultant de la société Difer-Conseil, cabinet qui utilise le récit comme instrument de pilotage des projets d’entreprises. Dans un article du Journal de l’Ecole de Paris (du management), intitulé "Du reporting au ’raconting’ dans la gestion de projet", l’auteur décrit cette méthode de management plutôt originale et ses applications dans l’entreprise.
Un projet, des récits
A l’origine, un projet est l’image d’une situation que l’on souhaite atteindre. Une fois conçu, le projet échappe à son ou ses concepteurs. Alors circulent, dans et hors de l’entreprise, des histoires qui tendent à décrire ce projet, d’un point de vue qui dépend étroitement de la situation du ’conteur’. Ses différents niveaux de récit sont :
L’histoire externe c’est à dire la chronique froide des événements, celle que l’on trouve dans les comptes-rendus et les planifications ;
L’histoire publiée, celle qui est racontée à l’extérieur, qui est posée - figée - sur les plaquettes et les documents de communication, celle qui doit convaincre les investisseurs ou les partenaires ;
L’histoire intime du projet, qui intègre tout ce qui se passe, bien ou mal, mais qui ne s’affiche pas sur la place publique ;
L’histoire perçue, celle que les gens extérieurs au projet racontent à son sujet.
Pour qu’un projet existe, il faut que les différents participants s’entendent sur une direction à prendre, qu’ils accordent leurs récits pour que leurs actions convergent vers un même objectif : la réussite du projet.
Comment construire un récit collectif qui donne un sens au projet et implique ses acteurs ?
De grands groupes (EDF, France Télécom, ANPE)mais aussi des PME font appel à Difer-Conseil pour faciliter l’expression d’un récit qui permet à leurs équipes d’adhérer au projet de l’entreprise.
A l’aide d’un logiciel et des conseils d’un consultant, les équipes de travail vont "mettre en récit le projet en suivant un cheminement structuré". Les personnes sont invitées à imaginer comme une histoire le projet auquel elles participent : l’objectif du projet devient une quête, son contexte un paysage, les participants des personnages, les incertitudes et les obstacles à sa réalisation un suspens et les échéances à respecter des épisodes.
Ensemble, et de façon ludique, les membres d’une même équipe vont construire une "histoire moyenne" : par votes, ils orientent leur histoire pour qu’elle devienne consensuelle et collective. Puis, le consultant travaille sur les écarts de représentations individuelles afin de pointer les dysfonctionnements (ou les incompréhensions)et trouver des solutions.
Les objectifs de l’élaboration d’une histoire commune, et de cet outil de management, sont :
De permettre aux acteurs d’un projet de prendre du recul sur leur travail afin de réfléchir de façon plus objective et d’agir en conséquence sur la démarche à suivre. Le récit crée une distance entre la personne et le projet qui lui permet de s’exprimer plus librement
De comprendre les représentations de chacun et les rapports de force afin de dissiper les tensions, les doutes et les malentendus. La confrontation d’idées divergentes et la construction d’un récit convergent permettent aux acteurs d’exprimer leurs désaccords tout en s’accordant sur l’essentiel, sur une voie de réussite pour le projet.
D’impliquer les acteurs dans le projet. Gérer un projet nécessite d’impliquer les membres d’une équipe dans sa mise en oeuvre. Pour cela, il est important qu’ils soient convaincus de sa pertinence et de sa faisabilité. Créer et partager un récit de la réussite du projet concourent à cet objectif.
Capitalisation de l’expérience ou stratégie de communication (interne et externe)?
Quels enseignements tirés de cette pratique de la gestion de projet ? Le ’raconting’ est-il un mode de démocratie participative d’entreprise ou une manipulation des représentations des salariés ? le récit est-il un instrument de capitalisation de l’expérience ou un outil de communication ?
Telles sont les questions débattues suite à l’intervention de Thierry Boudes. Les différents intervenants se sont finalement accordés sur la multi-fonctionnalité du raconting.
En terme de capitalisation d’expérience, le récit permet :
Avant le début du projet, de confronter les attentes et les représentations de chacun et de vérifier que tous les acteurs poursuivent le même objectif ;
Au cours du projet, de faire le point sur les avancées, d’ajuster ou réorienter le projet et de vérifier ou conforter le degré de convergence des acteurs ;
En fin de projet, de faire un bilan d’activité et de tirer des enseignements de l’expérience.
En terme de stratégie de communication, la construction d’un récit permet :
Au chef de projet "d’enrôler tous les acteurs dont il a besoin et de leur donner une fonction dans l’histoire qu’il construit"
Aux dirigeants, d’imposer la marche à suivre par l’obligation de ne retenir qu’un unique récit, qui peut être suggérer ou sélectionner par un animateur complice.
A l’entreprise de donner, à l’extérieur, une image cohérente et positive du projet.
Quoiqu’il en soit, la construction collective d’un récit peut transformer "un groupe en difficulté en une collectivité qui a un objectif merveilleux et à qui l’histoire indique comment elle va s’en sortir".
méthodologie, évaluation
, France
Contacts : Thierry Boudes est consultant à Difer-Conseil et fait des recherches sur la place du récit dans le pilotage des organisations. Il travaille avec Dominique Christian qui a publié "Compter, raconter ? La stratégie du récit", en 1999, aux éditions Maxima - L’Ecole de Paris du management est un carrefour d’échanges qui organise des débats pour étudier le fonctionnement et les innovations des institutions privées ou publiques.
Articles et dossiers
BOUDES, Thierry, Du reporting au 'raconting' dans la gestion de projet in. Le Journal de l'Ecole de Paris, 2000/05 (France)
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