L’Association Générale des Intervenants Retraités - AGIR abcd
Anne Sophie BOISGALLAIS, Lucien ALBRECHT
03 / 2000
L’association AGIR abcd a été créée en 1983. Il s’agit de l’Association Générale des Intervenants Retraités - actions de bénévoles pour la coopération et le développement - qui s’est lancée au moment où se développait la pratique de la pré-retraite, auquel se résignent difficilement nombre de professionnels.
L’idée des retraités qui adhèrent à cette association est de mettre leurs compétences à disposition de ceux qui en ont besoin, bénévolement. Rigoureusement tolérante et neutre dans ses interventions, AGIR abcd n’a aucune appartenance politique ou confessionnelle. Reconnue d’utilité publique, elle totalise aujourd’hui plus de 4 000 missions en France (représentant environ 115 000 journées), et 4 200 missions à l’étranger (représentant 250 000 journées d’intervention).
En France, les bénévoles d’AGIR font des actions de formation et de parrainage de jeunes, d’accompagnement de chômeurs et d’aide à la création d’entreprises. Dans les pays en développement, ils interviennent sur le terrain par de la formation et de l’assistance, ainsi qu’en matière de transfert de savoir-faire. Ils conçoivent et appuient aussi des projets de développement dans les domaines économiques, culturels et humanitaires. En fonction des besoins, ils peuvent travailler sur les projets entre un mois en un an.
Ses adhérents, qui appartiennent à toutes les catégories professionnelles et à tous les secteurs d’activités sont essentiellement ouvriers, agents techniques, artisans, professionnels de l’agriculture, de l’enseignement, de la santé, de l’assurance, de la banque, ingénieurs, cadres, gestionnaires…
L’association s’est dotée de structures décentralisées, les trois quarts de ses actifs étant en province. Plus de 90 délégations nouent ainsi des partenariats avec les acteurs de proximité, collectivités locales, administrations, associations, entreprises…
Les profils des retraités qui s’engagent à AGIR abcd ont beau être très variés, la plupart ont une véritable carrière de militants derrière eux, et trouvent par le biais du bénévolat la possibilité de mettre leurs compétences au service des plus démunis même lorsqu’ils ont quitté la vie active. Joseph Brevet, artisan menuisier, est de ceux-là. Militant à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), à l’Association des maisons familiales rurales (AFP), à l’association départementale d’accueil des travailleurs immigrés du Maine et Loire (ADATI), au mouvement des Chrétiens du monde rural (CMR), la retraite lui donne l’occasion d’approfondir encore sa fibre militante : fondateur d’un club de peinture et sculpture en milieu rural (60 adhérents)et « engager » à AGIR abcd dès sa retraite en 1991. Ce n’était pas ses 6 enfants et ses 17 petits-enfants qui allaient l’occuper à plein temps !
En 1992, Joseph est appelé pour une mission technique au Tchad pour assurer le fonctionnement de la menuiserie artisanale de l’évêché de Pala. Il doit assurer la formation de 10 ouvriers, ainsi que superviser la fabrication de mobilier pour des écoles et des dispensaires. Sa rencontre avec l’Afrique représente un choc pour lui : « J’ai rencontré des Africains mais aussi une culture parfois déroutante » confie-t-il au retour.
Après cet aperçu de l’Afrique chrétienne, il est envoyé en 1994 pour quatre mois au sud du Mali, donc en contexte musulman. Il doit épauler le groupement des artisans menuisiers pour les former à des techniques plus solides. Passer des clous à la technique des tenons et des mortaises ne va pas de soi, ni pour les stagiaires ni pour le formateur, qui doit apprendre à travailler dans la rue, au vu de tous. " Néanmoins, ça a marché, grâce peut-être au fait que, dès mon arrivée, j’ai accepté un nom musulman, explique Joseph. Ils trouvaient mon nom difficile à prononcer et m’ont appelé Karim Diallo, alors que je devenais dans le même temps parrain d’un petit Jojo, bizarrerie bien africaine ». En juillet 1999, une autre mission lui est proposée, cette fois au Cameroun, dans un village à 100 kilomètres au sud de Yaoundé, où un projet de maison familiale rurale et artisanale est prévu. C’est l’Afrique des forêts qui s’offre alors à Joseph, et il découvre ces sols qu’il faut défricher sans cesse car les racines empêchent la culture mécanique. Il entreprend la construction d’un bâtiment à ossature bois, avec des murs en briques cuites et une couverture en tuiles. Tous ces matériaux étant présents sur place, les principes de réalisation ayant été compris par les villageois, il faut ensuite leur laisser le temps pour la construction. »
Lorsque l’on sait que, dans certains villages, les enfants doivent faire 7 kilomètres à pied matin et soir pour être scolarisés, on se dit que la priorité des priorités est la construction de classes " explique Joseph.
Il est retourné au Mali à la fin de 1999, avec sa femme. Il a retrouvé son petit filleul et ses amis menuisiers, avec qui il devait cette fois-ci fabriquer du mobilier avec des vis. Il constate que la solidité des réalisations s’est affirmée même si, côté esthétique, c’est moins bien. Malgré l’absence d’électrification au village, le travail avance bien avec les dix ouvriers.
« Hélas, la quasi totalité de la population ne peut pas acquérir ces meubles. Les urgences sont la nourriture, l’école, la santé… » constate Joseph. « La grande leçon que je retiens de mon expérience dans les pays africains, c’est que ce que nous considérons comme des situations de pauvreté ne sont pas perçues là-bas de la même manière par les Africains. Leur manière de gérer le quotidien est porteuse de jovialité. Le stress, la vie trépidante, la dépression nerveuse sont de maux inconnus là-bas. Après tout, peut être les Africains détiennent-ils la clé d’une joie de vivre que nous avons perdue. »
valorisation de l’expérience, accompagnement social, coopération, choc culturel
, France, Paris
Comment transformer un savoir faire né d’une longue expérience professionnelle en un savoir être ? Il s’agit bien ici - dans le cadre de cette association - de proposer et d’aider ces jeunes retraités à construire un projet pour leur retraite, non orienté vers une réussite professionnelle mais vers le service des autres par l’intermédiaire du bénévolat : mettre des compétences à disposition de ceux qui en ont besoin chez nous ou à l’étranger. Chacun possède des savoir-faire souvent inexploités car non sollicités. C’est tout l’enjeu de l’éducation populaire de libérer ces potentialités pour que chacun trouve sa place dans la construction de la société et devienne citoyen du monde. Dans cet échange entre celui qui sait et celui qui veut apprendre -et dans le respect de la culture et du pays de chacun- se joue une donnée fondamentale du développement humain : celui qui sait donner aux autres reçoit tout autant sinon plus que ce dernier !
Entretien
Texte issu d’un témoignage de Joseph BREVET
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