03 / 2001
Les enfant victimes de la guerre, en Afrique comme ailleurs, présentent souvent des ’symptômes de troubles psychologiques post-traumatiques’ selon l’appellation psychiatrique occidentale : suppression des sentiments et conduites d’évitement de situations qui pourraient rappeler des évènements traumatisants, insomnie, incapacité de se concentrer, cauchemars, léthargie, peur, comportement agressif, isolation sociale, manque d’espoir concernant le futur...
L’UNICEF, l’USAID et diverses organisations bénévoles privées, telles que Save the Children et Christian Children’s Fund ont développé ce qu’on a appelé des programmes psycho-sociaux, pour aider les enfants victimes de la guerre. Lors de la réalisation des premiers programmes au Mozambique et en Angola, les responsables communautaires, les guérisseurs traditionnels et les familles ont montré qu’ils possédaient de nombreuses connaissances en matière de traitement des ’ blessures sociales’ dues à la guerre. Leurs interventions sont en effet basées sur une appréhension autochtone de la manière dont la guerre affecte les esprits et les comportements des individus, ainsi que sur des croyances communes concernant la façon dont les forces spirituelles interviennent dans de tels cas.
Il existe des informations probantes provenant d’un peu partout en Afrique indiquant que l’assistance médicale moderne ou occidentale pour le traitement des troubles mentaux n’est pas particulièrement recherchée par les Africains, qui ont généralement recours aux techniques thérapeutiques locales. On sait aussi, par ailleurs, que pratiquement toutes les psychotérapies sont potentiellement efficaces lorsqu’elles s’insèrent dans les spécificités sociales et culturelles locales, dans les systèmes symboliques populaires.
Une recherche anthropologique effectuée au Mozambique et en Angola a révélé que les traumatismes liés à la guerre sont directement associés au pouvoir et à la colère des esprits des morts. L’impossiblité de funérailles appropriées en temps de guerre ne permet pas à ces esprits de trouver leur place dans le monde des ancêtres, ils sont donc considérés comme étant amers et potentiellement dangereux, non seulement pour ceux qui les ont tués mais aussi pour de simples passants.
Les individus qui ont fait la guerre, qui ont tué ou ont été témoins de tueries, sont considérés comme pouvant "contaminer" le corps social. Ainsi, les rituels de purification sont-ils essentiels pour leur réintégration au sein des communautés.
En 1994, lors de la réalisation du premier projet en Angola destiné à aider les enfants traumatisés par la guerre, on a découvert que les enfants, ex-combattants, victimes ou témoins, étaient déjà aidés par la psychotérapie autochtone des guérisseurs traditionnels, sous la forme de cérémonies rituelles de purification, auxquelles participent des membres de la famille ainsi que la communauté au sens large. Lors de ces rituels, l’enfant est purifié de la ’contamination’ de la guerre et de la mort, ainsi que du péché, du sentiment de culpabilité et du désir de vengeance de ceux qui furent tués (dans le cas des enfants-soldats).
Chaque groupe socio-linguistique possède son rituel propre, mais la conduite générale - le processus rituel de purification - est commune à tous. Il s’agit en général 1)de rompre le lien que l’enfant a avec le passé de la guerre en brûlant ses vêtements, par exemple 2)d’honorer les esprits des morts pour apaiser leur courroux 3)de purifier l’enfant en lui faisant boire et/ou se laver (avec)certaines infusions d’herbe, ou du sang du sacrifice.
Lorsque l’enfant est considéré purifié, la dernière phase du rituel consiste à le réintégrer dans sa communauté : les villageois célèbrent alors le ’retour’ de l’enfant par une cérémonie festive.
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, Afrique, Mozambique, Angola
Ces rituels possèdent l’apparence de ce que les anthropologues appellent ’rites de transition’. C’est-à-dire que l’enfant connait un changement symbolique de statut, passant de quelqu’un qui a existé dans un cadre caractérisé par la violation sanctionnée de la norme ou de suspension de la norme (ex : meurtres, guerres), à celui de quelqu’un qui doit à présent vivre dans un cadre défini par des normes sociales et des comportements pacifiques.
Jusqu’à ce que la transition soit complète, l’enfant est considéré comme étant dans un état dangereux, un marginal, à cheval entre deux situations, dans un état liminal, dans une position ambigue.
On rapporte que les symptômes manifestes des TSPT et d’autres troubles mentaux qui leur sont associés, disparaissent peu de temps aprés ces cérémonies; après quoi, la famille, les guérisseurs et les chefs locaux s’emploient à ce que des relations de confiance durables s’établissent entre l’enfant traumatisé, les membres de la famille et des adultes de bon caractère. Ces interventions rituelles ont aussi pour but le rétablissement de l’harmonie spirituelle, notamment entre l’enfant et l’esprit de ses ancêtres.
Il ne fait pas de doute que ces rituels sont essentiels pour traiter les aspects psychosociaux et émotionnels des problèmes vécus par ces enfants. Le fait est, cependant, qu’ils retournent dans un milieu appauvri, se battant pour la satisfaction de besoins essentiels de base, en l’absence, dans de nombreux cas, d’écoles, d’hopitaux, de possibilités de formation professionnelle ou d’opportunités d’emplois, ce qui leur permettrait d’envisager un futur meilleur. Ainsi, même si ces rituels sont importants, ils doivent être complétés par des programmes de développement communautaire.
Edward C. Green peut être contacté à : egreend@aol.com Alcinda Honwana peut être contactée à : honwana@beattie.uct.ac.za
Les Notes CA (sur les connaissances autochtones)sont des rapports périodiques sur les initiatives en matière de Connaissances Autochtones en Afrique subsaharienne. Elles sont publiées par le Centre pour la gestion de l’information et de la connaissance (Knowledge and Learning Center)de la Région Afrique, qui représente la Banque mondiale dans un partenariat établi avec des communautés, ONG, institutions du développement et des organisations multilatérales. Les opinions exprimées dans cet article sont celles des auteurs et ne devraient pas être attribuées au Groupe de la Banque mondiale ou à ses partenaires dans le cadre de cette initiative.
Rapport
GREEN, Edward C. Green, HONWANA, Alcinda, Utilisation de thérapeutiques autochtones pour soigner les enfants victimes de la guerre en Afrique, 1999/07, n°10
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