Les stratégies de capitalisation doivent inclure un important travail de promotion, de valorisation et de formation de l’information produite
12 / 1999
Dans notre monde où les choses changent si vite, l’information devient autant un moyen de pouvoir au sens de ’ contrôle ’ qu’un outil de changement collectif. L’un des principes à la base de la gestion de l’Information Scientifique et Technique (IST)vient de la nature particulière de cette ’ denrée ’ : plus on la partage et plus on en a, plus on en donne et plus on en est riche. Il en va de même pour l’expérience ’ projet ’ ainsi que pour l’expérience ’ institutionnelle ’. C’est là que vient se brancher le concept du continuum évaluation - capitalisation - valorisation - formation.
Si l’on en revient en effet au principe de base ’ évaluer pour évoluer ’, on s’aperçoit que les rapports d’évaluation n’induisent que très rarement les effets souhaités. Parfois discutés, rarement partagés, et souvent rangés sur des étagères inaccessibles, ils participent peu aux changements techniques, managériaux ou institutionnels désirables ou désirés. Pire encore, ils deviennent souvent des enjeux de pouvoir interne. Bref, la capitalisation, si elle a lieu, tient plutôt de l’accumulation de preuves à charge dans un coffre à la banque qu’à celle du bas de laine, et encore moins à celle de la ressource à faire croître par la transaction avec d’autres.
L’enjeu est en effet double, une fois que l’on a passé le cap du coffre-fort. Il faut en effet à la fois accumuler l’information, la mettre sous une forme attrayante et la mettre à disposition, et enfin en faire le service après-vente. L’expérience du Groupe URD (Urgence-Réhabilitation-Développement)en la matière est pour cela intéressante.
- Une phase d’échanges : le fonctionnement en réseau d’une trentaine d’associations d’urgence et de développement, en liaison avec des universitaires, a permis d’identifier un certain nombre de plages de convergence et de sujets de contradiction. C’est là que le contenu a pris corps.
- Une phase de mise en forme : il s’est agi de mettre toute cette information et le contenu de ces débats sous une forme diffusable. Un travail collectif de plusieurs mois a permis la préparation d’un ouvrage ’ Entre urgence et développement : Pratiques humanitaires en question ’, sorti lors des Assises de la Coopération Internationale en octobre 1997.
- Une phase de promotion : Les étagères des éditions spécialisées sont encombrées d’ouvrages invendus. Il ne fallait pas que nous tombions dans ce piège. Une stratégie de communication s’est mise en place, basée sur l’annonce : Les Assises de la Coopération se sont ouvertes sur la présentation du livre, avec grande affiche en rétroprojecteur derrière la tribune officielle. Un travail au corps auprès de la presse spécialisée nous a valu des articles dans Croissance, Fraternitaire, ’ Les nouvelles de Sud ’, ’ La lettre VOICE ’, le bulletin du Relief and Rehabilitation Network anglais, etc.
- Une phase de service après-vente : Grâce aux nombreuses interventions du Groupe URD au sein des filières de formation diplômante ou non qui préparent les volontaires au départ, forment des spécialistes ou aident d’anciens volontaires à prendre un peu de distance par rapport à leur expérience (BIOFORCE, IFAID, HUMACOOP, DESS d’Aix en Provence, de la Sorbonne, etc.), l’ouvrage est régulièrement ressorti, vendu, débattu, acheté par des bibliothèques universitaires, etc.
- Une phase de promotion à l’international : Ultime étape de la valorisation de ce travail collectif d’évaluation et de capitalisation, la traduction en anglais et la sortie à l’automne 1999 d’une version anglaise. Pour celle-ci, le travail de promotion va reprendre, avec des sessions de présentation à Genève, Londres, New York, ainsi qu’une couverture dans la presse spécialisée.
Trois facteurs sont fondamentaux : le temps, les réseaux, la mobilisation d’un petit nombre de membres du ’ cercle des collègues convaincus ’.
- Le temps : D’autres tentatives de capitalisation pour valorisation sont tentées. On s’aperçoit vite que le facteur temps est fondamental. La préparation du travail de fond sur l’agriculture lancée par le GRET et la FPH en 1992 (sortie du premier draft en juillet 1992)n’a toujours pas abouti. Dès qu’un certain délai passe, il faut reprendre des parties importantes de l’écrit, car le terrain change vite. Pendant ce temps, les politiques agricoles se mettent en oeuvre, d’autres publient, et le livre risque de ne pas avoir l’impact qu’il aurait pu avoir. Il risque ainsi de ne jamais sortir du capital ’ bas de laine ’.
- Les réseaux : Les travaux de capitalisation n’ont de valeur opérationnelle dépassant l’individu ou la structure que s’ils sont portés par des réseaux dynamiques pour qui la diffusion est l’un des axes d’une stratégie intégrée, ’ évaluer pour évoluer ’. Combien de références sorties par le F3E n’ont pas dépassé l’ONG commanditaire ?
- Le cercle des collègues convaincus : Faire le service après-vente demande à la fois de croire dans la dynamique de partage, de croire que c’est au niveau de la formation que l’on fait passer les messages, et enfin d’être prêt à mouiller sa chemise, tant dans les grands colloques que dans les débats décentralisés.
Capitaliser pour capitaliser, éditer pour éditer, publier pour publier, tout cela ne fait pas nécessairement avancer les débats, à moins d’être une plume reconnue ou un spécialiste indiscuté. Les stratégies de capitalisation plus intimistes (publication d’une thèse ou d’un mémoire d’étudiant), d’états d’âmes ou de récits de voyage, n’ont sans doute comme résultats que de faire plaisir à leur auteur, en lui permettant de faire quelques cadeaux à ses proches.
F. Grunewald est Président du Groupe URD (Urgence-Réhabilitation-Développement).
Texte original
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