Partir de l’expérience pour aboutir à l’action
Philippe AMOUROUX, Sylvie ROBERT
12 / 1999
Pour moi, la capitalisation d’expériences veut simplement dire aller chercher un capital dans son expérience. C’est comme un capital financier. Une expérience a une valeur comme une valeur économique, et le fait d’investir cette valeur est une démarche ’ capitaliste ’. Il s’agit de partir de l’expérience pour continuer son action. C’est un terme très générique, qui peut ensuite s’exprimer de manière très différente. La capitalisation est l’un des principes majeurs que la FPH appuie, avec le concept d’alliance. La capitalisation d’expériences me paraît recouvrir des choses assez différentes en fonction de l’objectif pour lequel on capitalise et des modalités que l’on utilise, ce qui dépend des motifs sous-jacents.
Il y a des gens qui font des capitalisations/bilans ; c’est ce que j’appellerais la capitalisation stricto sensu. Ensuite il y a toute une démarche d’échange d’expériences plutôt collective, pour, soit améliorer les pratiques, soit modifier les conditions cadres de l’action (administrative, juridique, fiscale, économique), c’est du lobbying. On sélectionne l’information qui nous paraît utile, on la met en commun, on l’analyse de façon transversale, puis on en tire des principes qui peuvent être aussi bien des principes d’amélioration des pratiques que des propositions politiques, et on en fait la promotion. On peut le rattacher au concept de capitalisation d’expérience mais dans un sens plus général. Le fait de faire émerger des principes d’action est déjà une démarche supplémentaire. Si ces principes d’action ne sont pas réinjectés dans l’organisation ou vers l’extérieur, ce n’est pas une démarche militante et politique qui va jusqu’au bout. Il faut faire la promotion des propositions. Nous sommes dans une phase d’apprentissage à ce niveau là.
Il ne faut pas pousser des démarches de type DPH et capitalisation en soi en tant qu’outil, en présupposant que l’outil amène le reste, ou que le fait d’utiliser l’outil implique une dynamique derrière, avec un objectif et des modalités Dans le cadre du programme ECO (1), il y a eu plusieurs centaines de fiches écrites comme ça : c’était la plus grande partie de l’activité, mais l’objectif des groupes était remis au lendemain : ’ affinons notre méthode, on verra bien ce qu’on en fait après ’. La logique du programme dans le soutien de ses partenaires est maintenant faite en sens inverse. Ce sont d’abord les objectifs, les points communs, les raisons d’être ensemble qui sont définis, et ensuite on voit comment on va puiser dans l’expérience. De fait on se sert moins de DPH parce que ce n’est bien souvent pas nécessaire. Les gens peuvent utiliser leur expérience directement pour faire du lobbying. Les fiches représentent beaucoup de temps passé, alors que l’on a du mal à se faire financer. Ce n’est pas forcément pertinent pour faire bouger les choses. Dans une dynamique de réseau, pour atteindre des objectifs, il est beaucoup plus important d’avoir une cohésion entre les gens, une mobilisation, un processus de concertation, et puis bien sûr on fait des documents écrits et des fiches mais on ne les mutualise pas forcément autour du globe. Il faut être réaliste, les gens ont leurs objectifs et c’est déjà un miracle d’arriver à les mettre ensemble. Leur dire qu’il faut qu’ils échangent avec d’autres qui sont ailleurs ne les motive pas forcément. Néanmoins il y a des gens qui sont convaincus qu’il est important de capitaliser par écrit l’expérience sous un format échangeable. C’est le cas du réseau français Epicéa et, au Sri Lanka, d’Inasia.
Nous avons aussi financé des capitalisations/publications sur des
méthodologie, valorisation de l’expérience
, France
Je pense que l’on a intérêt à bien définir les outils méthodologiques que nous utilisons et développons, et qu’il faut consacrer une politique à tous ces outils, dont l’un serait la capitalisation dans un sens assez strict et limité, un autre DPH, intégré alors dans un ensemble qui fait sens, mettant moins en avant l’outil à tout prix et plus ses objectifs, et un autre encore les alliances et leur développement.
(1)Le programme ’ ECO ’ de la FPH : ’ Une économie pour une société solidaire ’, vise à stimuler la capacité des exclus à entreprendre et à s’organiser dans leur cadre de vie. Par ailleurs ce programme a pour objectif de contribuer à transformer les politiques de lutte contre l’exclusion. l’auteur en est le responsable à la FPH.
Entretien
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