Jacques POULET MATHIS, Sylvie ROBERT
12 / 1999
J’ai, en tant que responsable du programme INO, suivi, voire vécu, quelques démarches de capitalisation.
Une première vise l’expérience des ONG impliquées dans des projets dits de technologies appropriées. La capitalisation s’est faite par des séminaires, appelés ’ rencontres de St Sabin ’, où, à partir du récit et de l’échange d’un certain nombre d’expériences, ces ONG ont essayé de dégager des constats et des questions communes, partagées.
En a résulté la prise de conscience du fait que l’enjeu essentiel, contrairement à ce que pensaient à l’origine les initiateurs de ces expériences, était peut-être moins la technique sur laquelle ils s’étaient beaucoup concentrés, mais, plus en aval, les questionnements pratiques pour que ces technologies, ces artefacts, ces dispositifs soient véritablement appropriés dans leur usage par les populations concernées, et que leur fabrication et leur diffusion soient appropriées par les acteurs économiques de ces régions, de ces populations. D’où une inflexion vers une mise dans le coup beaucoup plus active d’opérateurs économiques potentiels du développement techno-économique souhaité. Il s’agit donc des utilisateurs bien sûr, mais aussi des artisans, des commerçants, visant ainsi une meilleure prise en charge.
Il y a donc eu cet effort-là pour lequel, à la demande de nos partenaires (TECHNAP, des ONG techniques comparables anglaises, allemandes ou suisses), on a essayé de définir des règles, un espèce de cahier des charges minimal de projets techniques de développement qui leur soit commun, cahier des charges qui aurait été agréé par les instances de financement nationales ou européennes et qui, de ce fait, aurait été un critère de sélection des subventions publiques à ce type d’opération.
Donc on partait bien de l’expérience, de la confrontation des expériences, de la réflexion à partir de cette confrontation, débouchant sur ’ comment on peut avancer ’. Voici le premier cas qui, au fond, se déroulait à peu près correctement. Le cahier des charges a été établi mais n’a pas été retenu par le collectif de bailleurs, et je ne sais pas ce qu’il en est advenu depuis.
L’autre démarche visait plus explicitement et directement un travail de capitalisation, et elle a été décevante. Le partenaire, le GRET (Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques)nous proposait de capitaliser son expérience du rôle de la médiation dans le processus d’innovation. Il y a eu un travail fait par le GRET dans 4 ou 5 domaines, avec chaque fois la rédaction d’un rapport intéressant, de gros rapports : Habitat au Mexique, processus de médiation, développement technico-rural en Thaïlande, artisanat à l’île Maurice. Mais la ’ lecture transversale ’ de ces expériences n’a pu être faite.
Si le GRET n’a pas fait ce travail de synthèse, c’est peut-être aussi qu’ils n’avaient pas le temps de le faire. Moi-même j’aurais pu le faire à la limite, mais je ne voyais pas bien comment m’y prendre, je sentais mal ce qu’il y avait de commun dans tout ça. C’est peut-être une part de paresse, et une part dûe à la fracture entre des réalités, de tas d’expériences de terrain très différentes. Et plus les expériences sont diverses dans leur nature et leur organisation, plus il faut remonter haut dans le graphe.
Ce qui était caractéristique dans ce cas c’est que l’on a eu 4 ou 5 rapports, chacun étant très intéressant, fait chacun par la personne du GRET connaissant le mieux le sujet, mais personne n’était impliqué horizontalement.
L’expérience de l’Université Catholique de Lille
Nous avons pris contact avec les écoles d’ingénieurs de l’Université Catholique de Lille qui s’interrogeaient à l’époque sur les implications éthiques des choix techniques. Un processus de réflexion sur ce thème était engagé sur la base de séminaires. On a accompagné un processus qui continue et se développe, mais dont l’une des phases importantes est justement un travail de capitalisation qui est en cours de publication. Ce très bon document capitalise non seulement l’expérience de l’école d’ingénieurs de Lille, mais a également permis de faire le point des tentatives dans ce domaine, notamment aux Etats Unis. On a soutenu d’une part l’expérimentation elle-même pendant 3 ou 4 ans (séminaires), et on a finalement financé la capitalisation de cette expérience.
Parallèlement se développaient d’autres démarches, avec la constitution d’un ’ text book ’ sur le sujet, qui pouvait constituer des matériaux pour une démarche pédagogique dans les écoles d’ingénieurs. Ce text book a été publié. Le travail de capitalisation en cours de publication va être distribué gratuitement dans toutes les écoles d’ingénieurs francophones comme document d’appel, présentant une expérience et le text book. Nous nous sommes engagés dans le processus la 2 ou 3ème année. En fin de compte, nous avons financé un travail de capitalisation dès le départ. En fait, la subvention que l’on a donné n’a pas servi au départ, ou du moins n’a pas servi à capitaliser. Elle a servi à faire l’expérience. C’est original et relativement rare dans l’action de la FPH, car l’idée du débouché était de diffuser, non pas l’expérience, mais des matériaux didactiques pour que le produit construit à partir de cette expérience serve le plus largement possible dans la formation d’ingénieurs. Cette action toujours en cours a eu suffisamment d’intérêt pour que l’affaire soit reprise maintenant au niveau européen, avec un soutien entre autre de la Commission Européenne, pour l’élaboration d’un text book européen. Le processus se développe.
C’est idéal parce qu’il y a un produit concret, un ouvrage diffusé, vendu, et des écoles vont l’utiliser. Mais le but final est que les ingénieurs ou leurs enseignants soient différents.
L’expérience elle-même, sa capitalisation, étendue à d’autres expériences, permet de faire le point sur ce sujet.
J. Poulet-Mathis est l’ex-animateur du programme INO de la FPH ; ingénieur, il compte 35 ans d’expérience professionnelle dans les domaines du développement régional en France.
Entretien
FPH (Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme) - 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 43 14 75 75 - Fax 33 (0)1 43 14 75 99 - France - www.fph.ch - paris (@) fph.fr