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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

L’administration publique africaine malade de l’absentéisme

Opération de choc : le Président de la République fait des contrôles inopinés dans les services publics

Momar Lissa DIENG

02 / 2001

Plus de quarante années après les indépendances, l’administration publique en Afrique est à l’image de l’Etat : inarticulée à la société nationale et internationale. Impuissante devant les besoins exprimés par les citoyens, incapable de s’ajuster aux règles de modernité d’un contexte mondial de compétition pour l’efficacité et la qualité. Corruption, incompétence, clientélisme, ethnicisation, désorganisation, centralisation...la longue litanie des maux qui gangrènent l’administration publique en Afrique. Mais surtout l’administration africaine semble avoir opté pour l’absentéisme

Le mal est profond. Ici, le spectacle désolant des bureaux désertés par les employés partis régler la dépense quotidienne (DQ). Ailleurs, le chef de services est parti dans son village, animer un meeting du parti. Et on vous dira ’Monsieur, il faut revenir la semaine prochaine, votre dossier est toujours en signature’. A peine si la secrétaire lève les yeux sur vous (vous pourriez quand même patienter que son amie là-bas au bout du fil ait fini de lui raconter les derniers potins qui circulent dans le service!). Tous les remèdes jusqu’ici expérimentés ont été sans effets durables. Et pourtant, devant cette détérioration des services publics, beaucoup de mesures ont été tentées. D’abord, des Notes de services pour rappeler ou renforcer les sanctions encourues par les employés qui s’absentent sans justification: des campagnes de sensibilisation, l’aménagement du temps, par l’instauration de la journée continue. Las! Il a fallu se rendre à l’évidence que le mal doit être combattu par des mesures plus audacieuses. C’est sûrement la conclusion à laquelle est arrivé le président d’une république africaine, le Mali, Monsieur Alpha Konaré.

Il a profité du contexte de renouveau démocratique intervenu au Mali, au début des années 90, pour conduire un certain nombre de changements destinés à améliorer la gouvernance dans le pays. Au centre du diagnostic des problèmes de gouvernance, on trouve la déficience des services publics. Parmi les raisons invoquées, l’absentéisme constitue le principal facteur de déperdition de la qualité des services rendus. Il s’y ajoute que parmi tous les problèmes analysés, l’absentéisme apparaît comme financièrement le plus accessible, parce que relevant principalement, selon leur analyse, de considérations de discipline et d’organisation du contrôle. Le président, pour prendre le taureau par les cornes, décide, par une action qui frapperait les esprits, d’opérer des visites impromptues dans les administrations publiques. Il se pointe de très bonne heure dans des locaux administratifs, note les retardataires, les dysfonctionnements ainsi que la tenue générale du service. Il fait ensuite prendre des sanctions lorsque des manquements injustifiés sont avérés. La presse a longuement relayé ces opérations menées par le président et contribué à amplifier l’effet psychologique recherché: le sentiment que chaque agent peut être contrôlé à tout moment. Cette initiative a été positive et elle at même fait des émules, tel cet ancien Directeur général des douanes sénégalaises qui aussi, réagissant à l’aggravation de l’absentéisme dans ses services, a décidé d’aller contrôler lui-même. Il se présente tôt devant un poste des douanes, pointe lui-même les retardataires et les absents, prend des sanctions quand cela est nécessaire.

Mais aussi bien au Mali qu’au Sénégal, ces interventions de hauts responsables ont certes produit des résultats observables pendant un certain moment. Le temps que les agents s’ajustent au choc psychologique créé par ces visites impromptues et que le Grand Chef soit tiré par des activités plus attachées à sa fonction. Chassez le naturel, il revient au galop. Chacun a fini par reprendre son train-train habituel et le peuple, comme un vieux malade, continue de souffrir en silence de son administration malade.

Mots-clés

administration publique, service public, gestion publique, éthique du service public


, Mali, Sénégal

Commentaire

Ces expériences montrent le destin tragique d’initiatives audacieuses qui, malheureusement n’ont pas connu le soutien qu’elles auraient mérité. Isolées, au lieu d’être accompagnées de mesures institutionnelles moins spectaculaires, mais qui les auraient soutenues dans la durée, elles ont brûlé comme un fétu de paille : vives, certes, mais éphémères. Le relèvement de la fonction publique, le renforcement de la qualité des services publics, ne se règlent pas à coups de gadgets. Il faut un ensemble de mesures qui se soutiennent mutuellement. Celles-ci doivent aussi bien porter sur les devoirs de l’agent que sur ses droits; aussi bien sur l’environnement interne qu’externe des services concernés. Ce sont des problèmes complexes d’éducation, de perception, de ressources et de contingences politiques dont les solutions ne sauraient se suffire de l’intervention d’une seule personne, qu’elle que soit sa position dans la hiérarchie. Certes, l’autorité doit pouvoir donner une impulsion. Mais le mouvement ne peut être porté que par des groupes d’acteurs significatifs. Il y a un contrat social à redéfinir entre le fonctionnaire et l’usager du services public.

Notes

Entretien avec S.Kone, animateur national pour le Mali du réseau ’Dialogues sur la gouvernance en Afrique (décentralisation, intégration régionale)’

Entretien avec KONE,Sayon

Source

Entretien

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