Faut-il remplacer les Journaux officiels par des parajuristes pour véhiculer le droit en zones rurales au Bénin ?
04 / 2001
Comment le droit au développement proclamé par la Charte Africaine des droits de l’homme peut-il devenir effectif si le droit ne peut descendre dans les zones rurales en Afrique? C’est cette mission que se sont données deux associations béninoises : l’Association pour le développement des initiatives villageoises (ASSODIV)et l’Association des Femmes juristes du Bénin (AFJB)
L’ASSODIV créée officiellement le 12 septembre 1987 s’est très tôt préoccupée des problèmes rencontrés par les populations rurales dans leurs relations avec administration. Elle se constitue alors en avocat pour les populations afin de les aider dans leurs différentes démarches : obtention de pièce d’identité, de certificat de naissance, de mariage etc. De l’enthousiasme suscité par cette initiative est née l’idée de mettre en place un programme de services juridiques dont l’objectif principal est de former des parajuristes qui se mettent eux-mêmes à la disposition des populations déshéritées.
Quant à l’AFJB, créée en 1990 à Cotonou, elle s’est dès le début fixée pour objectif de participer à la vulgarisation du droit en général, et auprès des femmes et des enfants en particulier. C’est ainsi que depuis sa création, l’Association des femmes juristes du Bénin ’ a pris en charge une partie importante de la tâche de prise en compte du droit des femmes, en particulier l’accès à la justice ’.
Bénéficiant du support, et dans certains cas de l’aide, de la Commission Internationale des Juristes, l’ASSODIV et l’AFJB se sont pleinement investies dans la formation de parajuristes. Elles se servent de ces parajuristes comme un outil d’éducation populaire pour sensibiliser les populations les plus déshéritées, les gendarmes et policiers qui opèrent en milieu rurales, afin de les amener à mieux respecter les droits de l’homme.
Dans le domaine de la décentralisation les parajuristes sont devenus de véritables vecteurs d’informations reliant les sources officielles du droit aux populations de base auxquelles ils apportent des informations sur leurs droits et devoirs mentionnés dans les textes législatifs ou réglementaires. Puisque le parajuristes ’ est un agent communautaire, ainsi que le souligne un responsable d’ASSODIV, initié à la technique de facilitation et possédant des notions fondamentales de droit et de ses procédures, il est bien indiqué pour enseigner, dans son milieu naturel, le concept de décentralisation ’. Son rôle fondamental est d’apporter aux populations des zones rurales des informations nécessaires à la compréhension du concept de décentralisation, leur expliquer les textes qui régissent la notion et les modalités de mise en oeuvre de la décentralisation. C’est ce qui est convenu d’appeler ’ campagne de sensibilisation au Bénin ’. Le parajuriste, selon la stratégie de l’AFJB ’ doit aider les gens à éviter les pièges juridiques habituels dans leur vie quotidienne. Il ne s’agit pas de faire de chaque paysan un juriste confirmé ’ Le parajuriste reçoit une formation d’une quinzaine de jours susceptible de lui permettre de traduire certains concepts fondamentaux des lois de la décentralisation dans la langue locale. Son effort se limite donc en réalité à des explications de textes des lois de la décentralisation. ’ Il délivre son message à travers des conférence-débats, des séminaires, des entretiens, des causeries, des ’cliniques mobiles’ ’. Parfois des documents spéciaux, élaborés en langues locales, sont mis à la disposition des populations qui sont alphabétisées dans leur langue. Ainsi le défi des institutions de formation de parajursites du Bénin qui est ’ d’impliquer toutes les couches sociales de la population à la gestion de la chose publique ’ est sur le point d’être relevé. De là, comme le fait remarquer M. COSME, responsable des affaires juridiques de l’ASSODIV, ’nous avons engendré une nouvelle démarche dans la domestication du droit qui engendrera, espérons-le, l’appropriation de la décentralisation par les populations de base. Nous avons fortement conscience qu’à travers le programme de vulgarisation du droit par les parajuristes sont en train de développer des idées nouvelles. Les populations s’apprêtent à faire de la décentralisation leur affaire ’.
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Les organisations de parajuristes, qui se fixent pour objectifs de vulgariser le droit, parallèlement aux services de l’Etat ne sont pas encore répandues au Bénin. Les associations qui s’investissent dans ce domaine sont rares et manquent cruellement de moyens. Pourtant leur utilité dans nos pays d’Afrique ne peut être sérieusement contestée. Ce sont elles qui font descendre le droit dans les contrées les plus lointaines de nos pays ; là où les Journaux officiels n’ont encore jamais atteints ; et même si par extraordinaire ces journaux échouent dans l’une de ces régions leur utilité ne dépassera pas celle d’un emballage ordinaire. Alors quel sens peut-on donner aujourd’hui au postulat ’nul n’est censé ignorer la loi’ si aucun effort n’est déployé pour faire connaître ce droit à ses destinataires ? Faut-il rappeler que de nombreux auteurs ont déjà souligné que ’ l’image du ’refus du développement’ souvent collée à l’Afrique résulte de la méconnaissance qu’elle a des règles qui régissent le fonctionnement des institutions publiques ’. Les organisations de parajuristes offrent une alternative de vulgarisation du droit que nos Etats ont grand intérêt à adopter rapidement.
Fiche réalisée à partir de documents internes de ASSODIV et AFJB, des documents présentés à la Réunion des formateurs et des institutions de formation pour les services juridiques en zones rurales, 24 au 26 octobre 2000 à Cotonou et des entretiens réalisés par AIHOU Désiré avec différents responsable de ASSODV et AFJB.
Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…
(France)
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