Pour les Serbes, la province du Kosovo représente une entité non-négociable de l’Etat serbe (ou Yougoslave actuel), étant considérée comme le centre historique, culturel et spirituel de l’orthodoxie serbe, qu’on peut aisément comparer avec Jérusalem pour les chrétiens ou la Mecque pour les musulmans ; et même bien au-delà, comme le fait souligner Nikolaj Velimirovic, évêque de Prizren, qui affirmait en 1991: ’ Aucun des peuples chrétiens n’a eu dans son histoire ce que les Serbes ont au Kosovo’. Sur cette importante question du Kosovo, la position des milieux religieux, allant jusqu’aux sommets de la hiérarchie de l’église orthodoxe locale (le Patriarche Pavle), coïncide, sinon renforce le discours officiel des décideurs politiques de Belgrade, et surtout de M. Slobodan Milosevic.
Depuis 1989, et surtout en 1990, Slobodan Milosevic (avec, entre autres, le plein support de l’église orthodoxe serbe)avait supprimé toutes les restes d’autonomie que les musulmans albanais détenaient dans le cadre de cette province(1). On a supprimé l’intégralité des publications en langue albanaise, on a interdit l’enseignement en langue albanaise, on a congédié tout le personnel albanais des institutions, en les remplaçant par des Serbes, à tous les niveaux - médecins, infirmiers, avocats, professeurs, instituteurs ; on a encouragé un grand nombre de Serbes a s’y installer, surtout dans les grandes villes, en guise de ’colons’ (en grande partie des réfugiés affectés par la guerre entre la Croatie et la Bosnie), et qui ne sont pourtant pas restés là à cause du climat politico-militaire très tendu, mais la politique de Belgrade, ayant comme objectif une re-colonisation rapide des ’terres saintes’ demeure assez évidente pour tout observateur averti*. · tout cela viennent s’ajouter quotidiennement maintes et diverses brutalités, violences, perquisitions, tortures, viols, voir des crimes.
Les mesures politiques et administratives entreprises par la Serbie dans la province de Kosovo ont été présentées par M. Milosevic, dans son intention d’obtenir le consentement de l’Occident chrétien (s’érigeant depuis toujours en opposant déclaré de l’Islam et des musulmans), comme une réponse logique et nécessairement ’musclée’ à la ’conspiration islamique dans les Balkans’.
Confrontée à cette situation, la société musulmane du Kosovo s’est vue obligée d’affirmer son émancipation du régime centralisateur-autoritaire de Belgrade, s’auto-organisant de manière remarquable, à tous les niveaux: politique, administratif, institutionnel. Il existe aujourd’hui au Kosovo, à la suite d’élections considérées par les observateurs occidentaux comme démocratiques, des élus locaux, un gouvernement, un Parlement, un président (M. Ibrahim Rugova), qui ne sont sûrement pas reconnus par les autorités serbes, autorités qui font de ces mêmes instances indépendantistes la cible principale des actions répressives officielles et légitimes.
La solution adoptée par le président Ibrahim Rugova fut celle d’une résistance pacifique, mais active, en essayant de faire abstraction de l’occupant. Pour cette raison là, les responsables élus de la communauté albanaise se sont intéressés avant tout à l’organisation structurelle d’une remarquable société parallèle. Il s’agit là d’un système scolaire, avec des instituteurs et des professeurs payés par la communauté albanaise, un système de sécurité sociale, bénéficiant de dispensaires, d’hôpitaux, de docteurs et infirmiers, ou un système de protection sociale concernant les chômeurs: un grand nombre des musulmans mis à la porte par le patronat serbe (fonctionnaires et ouvriers)sont aidés, en fonction des possibilités, par la communauté albanaise. Dans ses rapports avec les autorités Serbes, Rugova avait adopté depuis le début de son mandat présidentiel, et même avant, dans sa qualité de leader politique de la communauté albanaise, une politique de refus de tout contact et de toute participation à la vie politique imposée par le pouvoir de Belgrade. En plus, jusqu’à l’explosion du conflit armé actuel, Rugova avait réussi à ne pas répondre à la violence par la violence, en agissant comme modérateur des mouvements radicaux armés, comme l’UCK - l’Armée de Libération du Kosovo. Pour cela, il sera considéré comme un ’Gandhi des Balkans’.
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Les déclarations et les actions récentes de l’Eglise orthodoxe serbe laissent toujours un goût amer, vu la grande incohérence, le manque de rigueur et d’équilibre de son discours, qui encourage la haine religieuse et l’épuration ethnique des musulmans Albanais au Kosovo, au lieu de soutenir les mesures prises pour une résolution pacifique et équitable du conflit. Que dire d’un chef suprême d’une Eglise chrétienne qui, tout en condamnant ’le communiste’ Milosevic pour ses actes meurtriers, bénit ouvertement les combattants allant lutter pour les saintes valeurs du pan-serbisme et du pan-othodoxisme dans les Balkans?
(1)En mars 1990, le Parlement serbe vote un vaste programme intitulé ’Programme pour la réalisation de la paix, de la liberté, de l’égalité des droits, de la démocratie et de la prospérité au Kosovo’, où sont adoptées en effet des mesures discriminatoires, visant à empêcher l’achat des terres par les Musulmans, à les chasser des administrations et des entreprises publiques, et à démanteler leurs institutions scolaires et culturelles. Il fut également créé à l’occasion un ’fonds de développement’ pour favoriser l’installation des Serbes et des Monténégrins au Kosovo.
Texte original
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