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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Le livre, outil de réduction des malentendus et de formation : des citoyens à l’interculturel

La Bibliothèque interculturelle pour le futur

Michel SAUQUET, Etienne GALLIAND, Catherine GUERNIER

01 / 2000

Des livres pour enrichir la compréhension entre les cultures

"Ce dont je rêverais, c’est que mes étudiants réalisent un jour une série de petits livres dans lesquels on verrait comment des Chinois et des Français parlent chacun de leur côté de thèmes universels comme la nature, la mort, la nuit, le rêve...". Ainsi s’exprimait, en 1995, Mme Yue Dai Yun, directrice de l’Institut de Littérature comparée de l’Université de Pékin, au cours d’une réunion avec des représentants de la Fondation Charles Léopold Mayer. C’est, entre autres choses, à partir de cette idée que furent organisées, à Nankin puis en région parisienne deux rencontres internationales au cours desquelles éditeurs, universitaires, romanciers, poètes et scientifiques de Chine et d’Occident échangèrent sur leur culture et sur le sens des mots, et mirent sur pied une série de projets éditoriaux. Parmi ceux-ci, la collection Proches Lointains éditée presque simultanément en France aux éditions Desclée de Brouwer et à Shanghai par l’un des dix plus importants éditeurs chinois. Avec les quatre premiers titres parus en septembre, le rêve de Mme Yue Dai Yun a pris forme s’est même enrichi : ce sont non seulement des auteurs chinois mais aussi des auteurs français qui s’expriment en leur nom propre sur les thèmes cités, et qui disent comment, dans leur civilisation respective d’autres en ont parlé, et quels mythes, quelles traditions évoquent la nature, la mort, la nuit, le rêve...

Autre expérience : en novembre 1999, la Fondation Charles Léopold Mayer a suscité à Johannesburg une réunion d’éditeurs et d’auteurs d’Inde, du Brésil, d’Europe et d’Afrique du Sud. Leur travail, longuement préparé depuis un an et demi : mettre la dernière main au lancement d’un processus de rédaction d’un ouvrage collectif sur les potentialités des modes de communication modernes (Internet, T.V...)ou plus traditionnels (radio rurale, théâtre populaire...)pour renforcer l’expression citoyenne et la capacité des plus démunis à agir sur la société. L’ouvrage, enrichi des points de vue de quatre cultures très différentes, sera publié en même temps en anglais à Delhi et à Johannesburg, en français à Bruxelles et en portugais à Petrópolis (Brésil).

Les objectifs de la Bibliothèque interculturelle

Ces deux exemples illustrent la démarche adoptée depuis quelques années à l’initiative de la Fondation Charles Léopold Mayer par l’équipe d’animation de la Bibliothèque Interculturelle pour le futur. Les trois objectifs de la Bibliothèque :

- explorer les possibilités du livre, et, plus généralement de l’écrit comme outil de dialogue entre les civilisations et de formation à l’interculturel

- stimuler la réflexion et l’innovation en matière de traduction et d’adaptation d’ouvrages d’un pays à l’autre

- favoriser la constitution d’un réseau international d’éditeurs engagés, désireux de donner à leurs activités éditoriales une dimension interculturelle accrue.

L’écrit : un outil de dialogue entre les cultures

Le premier objectif correspond à une préoccupation croissante chez tous ceux qui s’inquiètent aujourd’hui des effets culturels de la mondialisation : paradoxalement, celle-ci génère de plus en plus de réactions de replis identitaires et de durcissements fondamentalistes. Ouvrir, par le livre des espaces de rencontre pour des points de vue de cultures différentes n’est certes pas le remède miracle pour conjurer ce type de péril, mais cela peut aider à sensibiliser et à former aux défis de l’interculturel des lecteurs qui, dans leur pays, sont en position de responsabilité. Une douzaine de chantiers éditoriaux sont ainsi lancés dans le cadre de la Bibliothèque interculturelle. Il s’agit d’abord d’ouvrages sur les termes mêmes du dialogue interculturel : collection " Proches lointains " citée plus haut, dictionnaire des mots-clés du dialogue entre la Chine, l’Occident et le Monde arabe - pour montrer ce qu’il y a, d’un continent à l’autre, derrière des mots que l’on pense à première vue identiques et facilement traduisibles - , dictionnaire comparatif des termes de l’histoire et des sciences sociales, réalisé entre auteurs et éditeurs de Russie, d’Europe occidentale et des Etats Unis... Il s’agit également d’ouvrages à plusieurs voix sur des enjeux importants pour le prochain siècle : l’eau (Australie, monde arabe, Europe), la construction de la paix (Europe et Amérique latine), la communication (déjà citée), la construction européenne, la démocratie... Dans tous les cas, les ouvrages sont publiés dans les langues des pays qui les ont élaborés ensemble.

Les traductions : des innovations à explorer

Le deuxième objectif de la Bibliothèque interculturelle est d’aider à la réflexion sur la manière dont les textes sont transmis, traduits, et adaptés d’un pays à l’autre. La traduction pure et simple, mot à mot, si rigoureuse et professionnelle qu’elle soit, apparaît de plus en plus mal adaptée aux besoins des lecteurs, au moins dans l’univers des sciences sociales. La traduction peut être pourtant un outil au service non seulement de la réception passive de textes mais aussi un outil pour générer de nouveaux textes. C’est ce qui se passe dans le cas de quelques expérimentations menées dans le cadre de la Bibliothèque interculturelle, autour de livres sur la gouvernance ou sur les défis de l’édition dans le Tiers-monde, où, d’un pays à l’autre, les textes sont parfois tellement enrichis de données et de réflexions locales que, finalement, on peut considérer le texte initial comme un simple catalyseur, une invitation à l’écriture. Dans les années qui viennent, l’équipe de la Bibliothèque proposera des lieux de réflexion critique sur ces questions et ne fera pas l’économie d’un débat sur l’utilisation croissante des logiciels de traduction automatique dans le monde.

La préparation d’une rencontre internationale interprofessionnelle

Enfin, la Bibliothèque a probablement vocation à être intégrée un jour dans un ensemble d’activités plus larges et plus complexes dans le domaine de l’écrit, au sein d’un réseau international d’éditeurs motivés par l’interculturel. D’ores et déjà, des outils sont en cours de constitution pour préparer cette structuration : site Web, rencontres, identification de professionnels, etc. Qui seront les partenaires qui viendront s’ajouter à terme à la quinzaine d’éditeurs qui travaillent déjà dans le cadre de la Bibliothèque ? Des éditeurs engagés, qui entendent publier avant tout des ouvrages ouvrant au débat et éveillant une conscience critique chez leurs lecteurs, et dotés d’un minimum d’autonomie financière et de performances commerciales (pour ne pas se cantonner aux milieux alternatifs et être certain d’une diffusion suffisante). Ce sont également des associations nationales d’éditeurs, et des représentants des professions connexes : bibliothécaires, libraires, diffuseurs, journalistes, etc. Une rencontre fondatrice réunira tous ces professionnels, à Alexandrie en 2001, proclamée par les Nations Unies Année internationale pour le dialogue entre les civilisations. A cette date, un certain nombre d’ateliers préparatoires auront été tenus (sur les traductions, sur la coopération éditoriale Nord Sud), et plusieurs des livres interculturels cités plus haut auront été édités dans une dizaine de pays.

Mots-clés

littérature, culture et développement, pluralisme culturel, dialogue interculturel


, France,

dossier

Se former à l’interculturel

Notes

Michel Sauquet, Catherine Guernier et Etienne Galliand sont tous trois auteurs de cette fiche et animateurs de la Bibliothèque interculturelle à la Fondation Charles Léopold Mayer.

Source

Texte original

FPH (Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme) - 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 43 14 75 75 - Fax 33 (0)1 43 14 75 99 - France - www.fph.ch - paris (@) fph.fr

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