11 / 2000
Depuis dix ans partisans et adversaires d’une convention sur les forêts s’affrontent. Quelles menaces pèsent sur les forêts, que faut-il faire ? Impossible de s’entendre là-dessus !
Le problème
Il y a les pays qui veulent une Convention internationale sur les forêts, il y a ceux qui ne veulent pas en entendre parler. Dix ans après le début des négociations donc on se dispute toujours, et ce n’est pas fini. Lors du Sommet de la Terre à Rio certains pays du Sud, dont l’Inde, étaient hostiles à toute convention dans ce domaine parce qu’elle allait, estimaient-ils, imposer aux pays du Sud des modèles de conservation des zones forestières en vigueur dans les pays du Nord, alors que de par le monde les systèmes sont aussi nombreux et variés que les forêts elles-mêmes. Par la suite, la ligne de front est devenue plus floue. Les Etats-Unis sont passés dans l’opposition tandis que certains pays du Sud, dont la Malaisie, troisième exportateur mondial de bois, rejoignait le camp de ceux qui réclament une convention. Une chose est claire cependant : le Nord veut une convention qui protège ses intérêts dans le secteur du bois, pas nécessairement toutes les forêts de la planète. Le Canada et la Finlande réclament une définition internationale et uniforme du bois durable et du bois vert. Sur le marché international ce serait certainement un avantage compétitif de plus pour leur production nationale.
Les diplomates au bois
Le négoce du bois, en particulier des produits finis, est dominé par quelques pays du Nord, exportateurs ou importateurs. Leurs industriels sont intervenus auprès des pouvoirs publics pour que cette affaire de convention reste à l’ordre du jour des discussions internationales. C’est ainsi qu’ont été constitués, sous l’égide de la Commission du développement durable des Nations unies, des groupes de travail intergouvernementaux de haut niveau afin de dégager un consensus sur des politiques forestières à l’échelle mondiale.
- Au cours des négociations qui ont précédé le Sommet de la Terre à Rio, on reconnaissait pleinement la nécessité d’une convention qui faciliterait une bonne gestion des forêts. Comme on ne pouvait pas se mettre d’accord, on a créé, pour une durée de deux ans, un Groupe de travail intergouvernemental chargé d’étudier un certain nombre d’aspects pertinents, toujours dans la perspective d’une convention sur les forêts.
- En 1997 il a cédé la place à un Forum intergouvernemental sur les forêts, tout aussi préoccupé par l’élaboration d’une convention. Il a tenu trois réunions qui ont été dominées par des débats sur la foresterie durable et les produits forestiers verts. Cette équipe va incessamment présenter son rapport final à la Commission du développement durable.
- Les partisans de la convention voudraient un système de critères et d’indicateurs universels juridiquement contraignants pour bien définir la nature de la foresterie durable et du bois vert. Ils estiment qu’on pourra ainsi satisfaire aux exigences de l’Organisation mondiale du commerce en matière d’éco-certification sur la base d’un accord multilatéral.
Les enjeux
Le conflit est entre ceux qui veulent une politique forestière universelle et ceux qui pensent que les forêts représentent aussi des patrimoines communautaires qui doivent profiter aux populations locales.
- Si cette convention voit le jour, on verra s’opposer les pratiques des gens de la forêt (les populations locales)et les industriels forestiers avec leurs grandes plantations.
- Pour ceux qui sont hostiles à une convention internationale, il s’agit de faire obstacle à un système centralisé qui, à coup sûr, fixera les critères de la foresterie durable au mieux des intérêts marchands.
- Il faut que les pays du Sud s’entêtent afin que la participation des communautés locales fasse partie des critères de la foresterie durable dans le système normatif mondial envisagé. A l’heure actuelle, parmi les systèmes de certification ou d’indicateurs connus, aucun n’accorde aux pratiques gestionnaires des gens de la forêt la place qui leur revient.
« La Malaisie n’a pas envie de se rendre à Rio pour se faire sermonner et s’entendre dire comment il faut s’occuper chez soi de l’environnement et des populations indigènes ! »
Mahathir Mohammad, Premier ministre de la Malaisie avant Rio, lorsque son pays était contre le projet de convention sur les forêts.
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Le commerce international du bois est le quasi-monopole de quelques grands pays producteurs. A eux seuls les Etats-Unis et le Canada représentent le tiers des échanges. Mais les pays du Sud peuvent devenir des concurrents sérieux, pour des raisons climatiques essentiellement. La croissance d’une plantation brésilienne est en moyenne de 40 m3 par an et par hectare, contre 12-20 m3 aux Etats-Unis. C’est le Premier ministre suédois qui, en 1990, a proposé l’adoption d’une convention sur les forêts, défendue essentiellement depuis par le grand négoce du bois. Soucieux avant tout de maintenir et de développer des positions commerciales, les gros producteurs et transformateurs craignent que le lobby écologiste ne les prenne de vitesse en obtenant une réglementation restrictive qui gênerait leurs approvisionnements. La position de nombreux gouvernements a évolué suivant les besoins de l’environnement politique national ou international. Dans la filière du bois, les plus mal lotis sont évidemment les populations locales (vivant de la forêt et spectateurs de son exploitation)car leur poids politique est dérisoire. A exprimer leurs préoccupations il n’y a guère que les ethnologues, les écologistes sociaux (tels les gens du Centre for Science and Environment), les écologistes conservationnistes. A l’échelon international de bonnes fées se penchent sur l’avenir des 3 454 millions d’hectares d’espace forestier de la planète : Convention sur la biodiversité, CITES, Convention-Cadre sur les changements climatiques, Convention pour la lutte contre la désertification. Et depuis que dans le cadre du Protocole de Kyoto l’on parle de mécanisme de flexibilité, la forêt, promue puits à carbone, est devenue une très bonne carte à jouer pour échapper au devoir et à la nécessité de faire évoluer les technologies de l’énergie et, pire encore, un peu les modes de vie peut-être.
Le texte original est paru en anglais dans le bimensuel Down To Earth, publié par le Centre for Science and Environment, Tughlakabad Institutional area 41, New Delhi-110062, India - cse@cseindia.org - www.cseindia.org
G. Le Bihan traduit les articles de Down to Earth pour la revue Notre terre, vers un développement durable. Il a repris cet article sous forme de fiche DPH.
Articles et dossiers
Têtes de bois in. Notre Terre, vers un développement durable , 2000/07 (France), 4
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