10 / 1999
Le CNPS est un mouvement né des communautés dépendant de la pêche artisanale au Sénégal et regroupant des pêcheurs et des femmes tenantes des secteurs de la transformation et de la commercialisation du poisson.
Comme à l’accoutumée, les femmes ont été associées au moment de la naissance du CNPS car c’est une pratique courante de penser aux femmes pour toute initiative prise dans la pêche. Mais de l’intérieur elles ont révolutionné le CNPS en y développant un combat qui leur confère aujourd’hui des responsabilités qu’elles n’avaient pas au moment de son émergence. Elles ont dynamisé le mouvement en permettant une solution thématique en son sein. Le devoir du boycott des fonds provenant des compensations (contrepartie financière des accords)a été posé pour la première fois lors d’une réunion du bureau des femmes tenue à Hann en 1992. De même les enjeux liés au développement du tourisme et à l’occupation de la zone côtière sont inscrits progressivement dans les programmes d’action du CNPS grâce aux femmes. Ce qui peut se comprendre car elles sont exposées quotidiennement aux menaces d’un tourisme et d’une occupation accélérée du littoral les privant de terre indispensable non seulement pour leurs activités mais aussi pour leur habitat. Ce conflit entre le tourisme et la pêche expose en permanence ces femmes à des menaces de déguerpissement. Depuis 1987, date de création du CNPS jusqu’à nos jours, les femmes ont aussi largement contribué à la vie du mouvement par un militantisme et une ferme volonté à lutter contre leur asservissement.
Les femmes à travers leurs actions ont assuré au CNPS cette dynamique indispensable pour la pérennité d’un tel mouvement tout en menant en interne un combat pour accéder à des postes de responsabilité. Thématiquement, elles se sont détachées d’une démarche corporatiste purement économique en se focalisant de plus en plus sur des enjeux tels que la crise de la ressource dans ses rapports avec les accords de pêche, les problèmes du tourisme, le droit foncier etc. C’est une approche nouvelle qui sort de l’ordinaire malgré ses limites dans un contexte africain où le monde rural reste jusqu’à nos jours étroitement orienté vers des revendications d’ordre économique à très court terme.
Le débat sur le tourisme, les problèmes d’accès à la terre pour les communautés de pêcheurs et la participation active des femmes dans les accords ont aussi donné un cachet politique et par conséquent revendicatif au mouvement. Cet apport des femmes dans "l’auto-conscientisation " des communautés maritimes sur les vrais enjeux auxquels elles sont confrontées fut très déterminant dans le processus d’accès à des responsabilités au sein du CNPS.
Les problèmes vécus avec le tourisme ont dynamisé la mobilisation des femmes. L’enjeu des taxes appliquées au commerce est soulevé par les femmes pour la première fois à partir de 1990 avec l’appui d’ICSF, une étude fut menée, suivie d’un séminaire de restitution auquel furent conviés les agents de l’administration de pêches et des finances dans le village des pêcheurs de Kayar.
Si elles ont politisé le mouvement à travers leur demande, elles n’étaient pas pour autant impliquées dans le processus décisionnel. En effet, pendant plus de sept voire huit ans (de 1987 à 1994), elles conservaient encore leurs cellules féminines au niveau des villages et un bureau national des femmes.
A partir du congrès de 1994, elles ont demandé à être intégrées dans le bureau national du CNPS où siégeaient uniquement des pêcheurs. Ce qui fut fait lors de l’assemblée générale de l’année suivante.
A partir de là, elles ont commencé à prendre une part active dans les campagnes et les actions de lobbying à l’étranger. L’assemblée générale tenue au mois de septembre 1998 a vu une représentation féminine encore plus importante. Malgré leur entrée dans le bureau national, elles ont tenu à conserver les cellules féminines. Si les cellules les "ghettoisaient " dans une petite parcelle, il n’en est plus le cas dès leur élection au sein du bureau national. Au contraire les cellules féminines sont devenues une parcelle de pouvoir en plus dans la mesure où elles leur permettent de traiter de questions internes aux femmes mais aussi de préserver des réseaux à caractère socio-économique, résidus d’un mouvement qui les lie maintenant depuis plus de onze ans.
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, Sénégal
Aliou Sall est socio-anthropologue, spécialiste de la pêche. Il est aussi le secrétaire exécutif du Credetip.
Contact : CNPS=Collectif National des Pêcheurs Artisanaux du Sénégal, BP 3211 Dakar, Sénégal. Tel (221)832.11.74 / 821.94.62. Fax (221)832.11.75/821.94.63
Texte original
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