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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

L’école publique de Depnou à Bangwa, Province de l’Ouest, Cameroun

Un exemple de partenariat pouvoir public - population au Cameroun

Collince Bertrand TCHAPJOUO

02 / 2000

Jusqu’en 1979, la création et la construction des écoles primaires publiques étaient du domaine des pouvoirs publics au Cameroun. En réalité, il suffisait à la population d’une région donnée de formuler à l’attention du gouvernement quelques doléances relatives à l’éducation des jeunes pour que suite favorable lui soit accordée. Dans ce cas, le gouvernement débloquait les fonds nécessaires à la construction de l’institution.

En 1980, commence la longue période de crise. Avec la baisse de ses capacités financières, consécutive au plan d’ajustement structurel imposé par les bailleurs de fonds internationaux (Fonds Monétaire International, Banque Mondiale), l’Etat n’est plus en mesure de répondre aux demandes sociales. C’est à partir de cette période que l’Etat teste un nouveau système de gestion qui associe la participation des populations, en demandant notamment aux bénéficiaires de contribuer aux financements et à la réalisation de certains projets. C’est le cas de l’école publique de DEPNOU où les populations ont contribué à la construction des salles de classe et à la prise en charge de certains enseignants.

En effet, en 1976, les parents se plaignaient du fait que l’école publique de KAMNA (l’une des deux écoles qui existent dans ce village) soit très éloignée pour les jeunes enfants qui sont obligés de parcourir 10 km tous les jours à pied. Il faut signaler qu’entre 1976 et 1980, bon nombre d’enfants ont cessé d’aller à l’école. En 1976, devant cette situation qui empirait, les chefs de quartiers DOUKONG et DEPNOU se rendirent chez le chef supérieur du village Bangoua, et lui firent part du problème. Ce dernier convoqua en début d’année 1977, une réunion avec les populations, les chefs de quartiers et les élites concernées. En général, ces élites sont des hommes d’affaires, commerçants, hauts fonctionnaires de l’administration ressortissants du village mais résidant dans les grandes villes du pays (Douala, Yaoundé, Bafoussam). A la sortie de la concertation, un procès verbal contenant les doléances et signé du chef supérieur devait être remis aux autorités. Chaque élite devait utiliser ses relations pour faire avancer le dossier.

En 1980, après deux années de négociation entretenue par le chef et les élites extérieures du village auprès de la délégation d’arrondissement de l’éducation nationale de Bangangté représentant les autorités de l’Etat, ce dernier donna une suite favorable au dossier. Mais les populations fourniraient le site, construiraient les salles de classes, recruteraient et payeraient les enseignants temporaires. L’Etat quant à lui allait dans un premier temps s’occuper d’un enseignant affecté comme directeur.

Informé de l’évolution des choses, le chef supérieur convoqua une nouvelle réunion. Elle regroupa les élites, les chefs des quartiers et les populations. A la suite de la concertation, un plan de travail fut publié :

  • Les associations d’hommes devaient creuser et entasser les pierres sur le site de la construction ;

  • Les femmes, fabriquer les briques de terres à raison de 20 briques par personne ;

  • Quant aux maçons, ils se chargeaient d’élever les fondations et les murs. Les charpentiers et les menuisiers s’occupaient de la finition ainsi que des ouvertures ;

  • Enfin, les élites ont pris en main l’achat des matériaux de construction ainsi que le salaire des enseignants vacataires pendant que l’Etat, représenté par le délégué d’arrondissement de l’éducation nationale se chargeait d’y affecter dès l’ouverture un directeur et deux instituteurs bien formés.

A la sortie de cette concertation, une question restait en suspens : le site supposé abriter l’école n’était pas trouvé. Il fallut encore attendre près d’un an pour voir aboutir les tractations secrètes entre le chef supérieur, les chefs de quartiers et de sous quartiers, les élites d’une part et les propriétaires terriens d’autre part. Au bout du compte trois d’entre eux ont accepté de mettre chacun à la disposition de la communauté une portion de leur terre.

En 1981, c’est l’ouverture officielle du chantier dont les travaux seront à terme au mois de juin. L’école ouvrit officiellement ses portes en août avec l’arrivée du directeur qui aussitôt recruta deux enseignants vacataires pris en charge par l’association des parents d’élèves appuyée par l’association nationale des élites Bangoua. A ce jour, l’école fonctionne avec six maîtres. Quatre sont pris en charge par le gouvernement.

Mots-clés

école, enseignement primaire, autoconstruction, participation communautaire, Etat et société civile, financement, financement de l’éducation


, Cameroun, Bangwa, Cameroun Province de l’Ouest, Depnou

dossier

Pour un partenariat entre habitants et collectivités locales en Afrique

Expériences de démocratie participative

Commentaire

Cette expérience, contrairement à ce que pensent bon nombre des gouvernants dans les pays du sud, est une preuve que les populations peuvent se prendre en charge. C’est aussi une preuve que les populations sont capables d’initier un certain nombre de projets de développement, à condition que les modalités nécessaires à l’émergence d’un réel partenariat soit réunies. L’exemple de l’école publique de DEPNOU, loin d’être un modèle, n’en est qu’une illustration.

Notes

Fiche du dossier préparatoire au forum des habitants qui s’est tenu à Windhoek, Namibie (12-18 mai 2000) dans le cadre du sommet Africités.

Source

Entretien

Entretien avec Jonathan NONO, parent d’élève de l’école publique de DEPNOU. S/C BP 17 BANGANGTE.

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