l’expérience d’ASOCODE en Amérique Centrale.
03 / 1996
L’expérience d’ASOCODE (Asociación de Organizaciones Campesinas Centroamericanas para la Cooperación y el Desarrollo)en Amérique Centrale prend une dimension multiple et son succès auprès de la société civile des six pays concernés nous invite à réfléchir à la question centrale de la participation de la société civile dans une intégration régionale.
Cette association trouve son origine dans le contexte d’ajustement structurel et de globalisation des structures économiques qui marque les différents pays d’Amérique Centrale depuis les années 80. La diminution générale du revenu par habitant s’accompagne d’une détérioration générale des services sociaux et des infrastructures économiques. Les populations paysannes et indigènes, qui représentent 53% de la population de la région, se voient de plus en plus marginalisées, aussi bien sur le plan social qu’économique et politique. Le processus de paupérisation des petits producteurs agricoles est aggravé par les mesures politiques d’inspiration néolibérale : augmentation des prix des intrants et baisse des prix des produits agricoles accompagnent une volonté de bloquer les processus de réforme agraire et de retirer tout appui à la production dans la région. Parallèlement à la faillite des petits producteurs de grains, les grandes entreprises nationales et multinationales reçoivent des subventions pour l’offre de produits d’exportation non traditionnels. Cette nouvelle configuration du secteur agricole provoque une rapide détérioration des ressources naturelles renouvelables.
Le contexte global est marqué par une contradiction : des processus de développement économique et social excluants et une volonté politique de renforcer des dynamiques de concertation et de participation. C’est ainsi que se constitue la première Commission de Coordination Régionale du Mouvement Paysan Centre-américain (CCR), qui réunit 170 organisations paysannes porteuses d’expériences diverses. La recherche d’appuis extérieurs vise à renforcer le poids d’une société civile unie face aux gouvernements.
La stratégie d’ASOCODE s’appuie sur cinq points, à renforcer d’ici l’an 2000 :
1. Le patrimoine historique et culturel pour une reconversion productive des paysans ;
2. L’associativisme pour atteindre des processus d’accumulation compétitifs ;
3. La protection des ressources naturelles, condition d’un développement incluant et durable ;
4. L’inclusion de la femme et de la famille rurale dans la conception d’une économie compétitive et rentable ;
5. La logique de complémentarité régionale comme espace de concertation et d’intégration des sociétés centre-américaines.
D’ici l’an 2000, cinq types d’agendas sont mis en place : corporatif (organiser le mouvement et faciliter la communication entre les dirigeants et les bases), économique, politique (développer la capacité du secteur paysan pour peser dans la vie publique et le développement régional), social (code du travail, politiques salariales et droits de l’Homme)et de coopération et financement du mouvement. Sur le plan économique, de nombreux points devront être résolus :
1. La terre et la législation agraire : ce point concerne la défense de la propriété foncière des paysans, la démarcation et légalisation des terres, l’accès à la terre pour les paysans qui en ont peu ou pas du tout, l’administration des ressources naturelles renouvelables et les normes et qualité des intrants (semences et fertilisants). Ce thème sera traité à partir de trois programmes : le traitement du problème de la dette agraire et bancaire ; la législation agraire et le régime foncier ; la création de banques de terres pour les paysans et indigènes, afin de réguler le marché de la terre et éviter la spéculation.
2. Le crédit : la définition d’un système financier rural adapté aux besoins des paysans augmentera leur capacité de production et leur compétitivité.
3. La commercialisation : il faut affronter les mécanismes de spéculation mis en place par les intermédiaires commerciaux. A travers les organisations, divers systèmes de concentration peuvent être mis en place : information, concentration de l’offre puis création de bourses agro-pastorales nationales puis régionales (surtout pour les grains de base et les légumes frais). Une étude sur la libéralisation du commerce des produits agro-pastoraux des associations membres devra être réalisée.
4. Développement durable : la protection des ressources naturelles et humaines va de pair avec l’aménagement de l’espace.
5. Technologie : il faut une étude des technologies applicables et de leurs limitations au niveau national, régional et mondial.
6. Les axes de production : il faut développer les services à la production et la diversification de la production (production agricole et industrialisation). La production de grains de base est fondamentale pour les paysans et entre dans le concept stratégique de sécurité alimentaire de la région.
7. L’agro-industrie : son développement sera appuyé par un fonds de pré-investissement, considérant un portefeuille de projets avec des études de pré-factibilité pour accéder à des financements privés nationaux et étrangers.
8. Gestion d’entreprise : cet aspect constitue le plus grand défi pour les organisations paysannes : atteindre un niveau de gestion participative suffisamment efficace pour affronter les conditions historiquement adverses du marché. L’accès aux ressources nécessaires, avec une formation adéquate, pourra déboucher sur la création d’entreprises agro-industrielles.
9. L’intégration régionale : les organisations paysannes devront s’imposer en tant que forces politiques avec une capacité de négociation qui dépasse les thèmes liés à l’ouverture commerciale.
agriculture familiale, intervention de l’Etat, développement durable, mouvement social, intégration régionale, société civile, commercialisation, crédit rural, écosystème, souveraineté alimentaire, coopérative, agriculture paysanne, organisation paysanne, exportation agricole, ressources renouvelables
, Amérique Centrale
L’apparente unité historique des pays qui constituent l’Amérique Centrale ne doit pas masquer des disparités économiques, politiques et sociales. C’est pourquoi le lourd programme que se propose ASOCODE pour organiser le secteur paysan et indigène des différents pays passe d’abord par un travail à l’échelle nationale. Contribuer à la reconversion productive et à la valorisation de l’économie paysanne (majoritaire dans ces pays), passe par la considération de trois problématiques centrales étroitement liées : l’autosuffisance et la sécurité alimentaire, le développement des technologies et le renouvellement des ressources naturelles et, last but not least, la transition démocratique et la transformation du modèle d’accumulation. Vaste programme !
Colloque " Agriculture paysanne et question alimentaire ". Chantilly, 20-23 février 1996.
Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…
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