04 / 1998
Dans un contexte de libéralisation du commerce mondial, la concurrence entre les travailleurs du Nord et du Sud s’accroît, les entreprises cherchant à s’implanter là où les coûts de production sont les moins élevés. La tendance est au nivellement par le bas des conditions de travail et des salaires, notamment dans le Tiers Monde. Aussi, lors des discussions de l’Uruguay round, l’introduction d’une clause sociale dans les régulations du commerce a été proposée par les pays industrialisés, afin de limiter une concurrence jugée déloyale et de freiner les délocalisations. Rejetée par les pays en développement, redoutant une nouvelle forme de protectionnisme, l’idée de cette clause n’a pas été reprise par l’Accord final du GATT de 1994.
La réflexion sur les liens entre commerce et droits des travailleurs n’en continue pas moins dans les enceintes internationales (cf. Sommet social de Copenhague, 1995), en particulier à l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation mondiale du commerce (OMC)et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Les droits fondamentaux de l’Homme au travail sont formalisés dans sept conventions de l’OIT sur :
- la prohibition du travail forcé, sous la forme de l’esclavage et du travail obligatoire ;
- la liberté d’association et de négociation collective, c’est-à-dire le droit des travailleurs d’adhérer aux syndicats de leur choix et de négocier librement leurs conditions de travail avec leurs employeurs ;
- l’âge minimum d’accès à l’emploi. Dans le cas du travail des enfants, une nouvelle convention doit être adoptée en 1999, pour en éliminer les formes les plus abusives (servitude pour dettes, travail mettant en danger la sécurité et la santé des enfants);
- la non-discrimination, c’est-à-dire le droit de tous les travailleurs, hommes et femmes, au même respect et au même traitement.
Ces normes sociales, expression de principes que l’on s’attend à voir respecter par tous les pays, peuvent avoir un impact direct sur l’amélioration des conditions de travail et constituer la base pour l’établissement d’autres normes susceptibles de contribuer au développement social. L’OCDE en reconnaît l’importance particulière, de même que les membres de l’OMC, qui se sont engagés à les respecter, à Singapour en 1996.
En 1996, l’OIT s’est intéressée aux conséquences de la mondialisation de l’économie sur le respect des normes du travail. Un rapport issu d’une consultation des partenaires sociaux de ses Etats membres, montre que le volume de l’emploi dans le monde s’est plutôt accru entre 1985 et 1995. Par contre, la mondialisation ne semble pas avoir eu d’effet majeur sur l’exercice de la liberté syndicale, ni sur les taux d’accident du travail. Le document aborde aussi l’évolution des législations nationales sur la promotion des exportations et les investissements étrangers. Enfin, concernant la capacité des pays à ratifier et appliquer les conventions de l’OIT, la libéralisation des échanges paraît avoir eu un impact négatif, du fait notamment des contraintes liées à la mise en ouvre des programmes d’ajustement structurel et à la nécessité d’attirer les investissements étrangers.
De son côté, dans une étude de 1996, l’OCDE conclut que le respect des normes sociales est compatible avec le développement économique et l’expansion des échanges. Les pays du Tiers Monde n’ont donc pas à craindre d’effets négatifs sur leurs performances économiques, leur compétitivité sur le marché international ou sur le flux d’investissements étrangers. Au contraire, le respect des normes du travail atténuerait les pressions protectionnistes et jouerait en faveur du libre-échange. Pour les pays industrialisés, l’étude conclut que le commerce avec le Sud, où la main-d’ouvre est bon marché, n’y est pas une cause significative de l’accroissement du chômage ou de l’augmentation des salaires.
Le rôle central de l’OIT est reconnu par l’OCDE et l’OMC, prêtes à apporter leur soutien pour en renforcer l’efficacité. En 1995, une campagne a été lancée par le Directeur général du BIT (Bureau international de travail)pour promouvoir les conventions du travail considérées comme fondamentales. Elle a permis d’enregistrer 29 nouvelles ratifications. L’Organisation envisage par ailleurs de renforcer le contrôle de l’application des conventions, en rendant possible l’examen des plaintes contre des Etats n’ayant pas ratifié les textes concernés. Toutefois, elle écarte toute perspective de clause sociale prévoyant un mécanisme de sanctions commerciales.
Dans son rapport de 1996, l’Organisation présente quatre types de mesures évoquées par les partenaires sociaux (principalement les travailleurs)pour promouvoir le respect des normes du travail : les codes de conduites pour les entreprises et les industries ; la mise au point d’un système d’étiquetage ; le boycott des produits importés ; l’application extra-territoriale des législations nationales.
Enfin, une déclaration de principe tripartite de l’OIT vise à promouvoir le respect d’une politique sociale par les entreprises multinationales. Bien qu’il s’agisse d’un instrument non-contraignant, une procédure d’examen des litiges est prévue.
L’OMC refuse de débattre de la question des normes sociales. Toutefois, à la Conférence ministérielle de Singapour, les Etats industrialisés ont affirmé leur volonté d’écarter toute tentation protectionniste (pour rassurer leurs partenaires du Sud), et de favoriser une approche positive et incitative des normes du travail, notamment dans le cadre d’une collaboration accrue entre l’OMC et l’OIT. A cette fin, ils se sont engagés à :
- ne pas remettre en cause les avantages comparatifs des pays à faible coûts de main-d’oeuvre ;
- ne pas prendre de sanctions commerciales en cas de violation des normes sociales.
L’OCDE envisage d’utiliser le code de conduite qu’elle a adopté en 1976 pour promouvoir la clause sociale dans le système multilatéral. Ce code volontaire est proposé aux entreprises multinationales afin d’encourager leur contribution au progrès économique et social, et résoudre les difficultés soulevées par leurs opérations.
Le débat international sur la clause sociale n’a pas permis jusqu’à présent de dégager un consensus sur la nature du lien entre commerce et normes du travail, du fait notamment de la craintes des sanctions commerciales. L’aspect négatif et punitif de cette clause a été trop souvent mis en avant, sans que les mérites d’une approche positive et incitative n’aient été approfondis. Par ailleurs, la clause sociale a surtout été examinée sous l’angle de la politique économique et commerciale, ou des droits de l’Homme, alors qu’elle s’insère aussi dans la politique de développement.
commerce international, droits sociaux, protection de l’environnement, protection des ressources naturelles, droit international, commerce équitable, OIT, OMC
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Rapport
Commission Européenne, Synthèse des travaux réalisés dans l'OCDE, l'OIT et l'OMC sur le lien entre commerce international et normes sociales, 1997/06/02 (Belgique)
SOLAGRAL (Solidarité agricole et alimentaire) - n’existe plus