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Le double objectif du commerce équitable

Odile ALBERT

03 / 1998

«  Trade not aid ", du commerce pas de l’assistance : tel est le slogan lancé en 1964 à Genève par certains participants des pays du Sud lors de la Conférence de la CNUCED, Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement. Cette formule a été entendue par quelques personnes qui vont tenter de promouvoir un modèle alternatif de commerce reposant sur plus de justice dans les relations Nord-Sud.

Actuellement, le commerce équitable vise deux objectifs :

  • améliorer le sort de petits producteurs du Sud, marginalisés par manque de moyens financiers et d’expériences, en créant des débouchés pour commercialiser leurs produits agricoles ou artisanaux auprès de consommateurs du Nord, soucieux de participer à une meilleure solidarité Nord Sud ;

  • être un réseau de consommateurs en sensibilisant l’opinion publique aux injustices des règles du commerce international et en entreprenant des actions auprès des décideurs politiques et économiques.

Au Sud, améliorer le sort des producteurs défavorisés

Le commerce équitable repose sur des échanges contractuels entre producteurs du Sud et organisations de commerce équitable au Nord.

Les producteurs du Sud doivent être organisés en groupe avec une base participative. Ils doivent être motivés par l’amélioration des conditions de vie et de travail des membres de la communauté ainsi que par le développement de leur secteur de production et de leur région. Ils utilisent des moyens de production respectueux de la personne et protégeant l’environnement. Il faut aussi qu’ils produisent des articles commercialisables sur les marchés occidentaux, répondant aux normes de ces marchés, et qu’un suivi des quantités expédiées puisse être assuré. Enfin, ces organisations doivent avoir une politique de transparence de leurs activités.

Le statut juridique du groupement importe peu. Le plus souvent ce sont des producteurs qui appartiennent à des minorités ethniques ou des catégories sociales méprisées ; ou bien ils vivent sous des régimes politiques qui les oppriment ou dans des conditions climatiques particulièrement difficiles ; parfois ce sont des groupes d’handicapés ou de femmes isolées. Les produits fabriqués sont alimentaires : café, thé, épices, miel, confitures, jus de fruits… ou artisanaux : nappes, vêtements, poteries, objets en cuivre…

En échange, les réseaux de commerce équitable s’engagent auprès de leurs partenaires sur plusieurs points. D’abord, ils rémunèrent les partenaires à un juste prix, c’est-à-dire un prix qui permet de leur assurer, ainsi qu’à leur famille, un niveau de vie décent en adéquation au travail fourni. Le juste prix est l’élément primordial du commerce équitable. Il se trouve toujours plus élevé que celui du marché. Les organismes de commerce équitable s’efforcent également d’acheter avec le minimum d’intermédiaires. Ils acceptent de payer une partie des achats avant la livraison pour éviter l’endettement des producteurs auprès des usuriers locaux. De plus, ils s’engagent sur une relation commerciale durable afin d’obtenir un réel impact sur l’évolution des conditions de vie des producteurs. Ils peuvent également intervenir dans les projets d’amélioration de la production (aide aux investissements, conseils…). Enfin, ils peuvent aider à réaliser des projets sociaux ou de protection de l’environnement, élaborés par la coopérative ou le groupement de production (santé, alphabétisation, recherche de financement…).

Au Nord, être un mouvement de consommateurs

Une information précise est faite auprès des consommateurs. Le personnel des magasins de commerce équitable - ce sont largement des bénévoles - se charge d’expliquer la provenance des articles, les conditions de production, les objectifs du commerce équitable. La plupart des magasins organisent des soirées ou des journées d’information. Ils proposent parfois des petits déjeuners solidaires avec dégustation de produits équitables. De fréquents contacts sont établis avec la presse, la radio et la télévision. Les différents réseaux ont produit de nombreux documents explicatifs et pédagogiques sur les inégalités du commerce Nord-Sud, les conditions de travail des producteurs, les filières des produits. Des producteurs du Sud participent, de plus en plus souvent, aux rencontres et débats organisés par les organismes de commerce équitable ce qui permet un suivi accru de leurs activités et de leurs difficultés.

Depuis quelques années, les organismes de commerce équitable vont beaucoup plus loin en lançant des campagnes d’opinion de grande envergure, dénonçant certaines pratiques et revendiquant de nouvelles régulations. C’est ainsi que ce sont déroulées les campagnes portant sur les vêtements et les chaussures : Clean clothes, Made in dignity, Libère tes fringues, Soyez sport, Jouez le jeu. Ces campagnes, souvent menées conjointement avec d’autres partenaires de la société civile (syndicats, associations de consommateurs…), sont accompagnées de pétitions qui récoltent de nombreuses signatures. Elles ont permis d’établir des contacts avec des responsables du commerce de l’habillement et de proposer un code de conduite certifiant que les produits vendus sont fabriqués propres, c’est-à-dire dans des conditions de travail respectueuses de la dignité humaine.

Lors de débats ou de prises de décisions dans les instances politiques (nationales ou européennes)concernant le commerce international de certains produits (cacao, bananes…), les organismes de commerce équitable sont en mesure d’émettre les réserves nécessaires et de faire des propositions pour plus de justice dans les échanges internationaux.

Mots-clés

consommateur, groupe de pression, relations internationales, économie solidaire, changement économique, protection de l’environnement, commerce équitable, code de conduite des entreprises


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dossier

Pour un commerce équitable : expériences et propositions pour un renouvellement des pratiques commerciales entre les pays du Nord et ceux du Sud

Commentaire

Actuellement, le commerce équitable est en pleine expansion. En Europe, on dénombre 3 000 magasins, 50 000 bénévoles et un chiffre d’affaires de 1,3 milliard de FF. Dans les pays du Sud, on estime que ce commerce concerne 550 groupements de producteurs répartis dans 44 pays soit 800 000 travailleurs qui font vivre 5 millions de personnes.

Bien que ce marché reste très minoritaire, il ouvre cependant des brèches dans les pratiques commerciales entre pays du Nord et pays du Sud et démontre que d’autres pratiques peuvent exister pour plus de justice.

Source

Rapport

DE CENIVAL, Laure, SOLAGRAL, Commerce équitable, citoyenneté d’entreprise et des consommateurs, 1997/06, Commerce Equitable : Mémento 1995. - EFTA, octobre 1995, 127 p, La mode déshabillée : 12 questions sur l’emploi dans la confection textile, publié par Oxfam, Orcades, Déclaration de Berne, Artisans du Monde. - Orcades, 1998, 130 p.

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