De l’importance de l’initiateur d’une rencontre dans certains pays
03 / 1998
En 1993, la même réunion était à l’initiative de la FPH. En 1996, les réseaux et partenaires s’étaient structurés et avaient déjà plus l’habitude de travailler ensemble. La réunion de Yaoundé a été complètement organisée par le réseau APM Afrique.
La FPH a apporté son appui pour le déplacement des participants non-africains. Cela a été particulièrement compliqué : les autorités camerounaises n’ont pas du tout facilité les choses, tant à Paris qu’à Pékin (visa hors de prix..). Il était nécessaire qu’une autorité de tutelle, au Cameroun, chapeaute cette réunion, mais en apportant aussi tout son soutien à la venue des étrangers. Le Ministère de l’agriculture " patronnait " cette réunion internationale à laquelle venaient une quarantaine de personnes de plusieurs pays et continents. Le rôle de la Fondation comme facilitateur du déplacement des étrangers a été fondamental.
Nous avions pris la décision de réaliser cette réunion à Yaoundé pour des raisons politiques. Nous pensions qu’il était important de renforcer la parole africaine, de renforcer APM Afrique et de prendre la parole à partir d’un continent confronté fortement à cette question de la sécurité alimentaire, quelques semaines avant la réunion de Rome (sommet mondial de l’alimentation). Nous savions que nous risquions d’avoir quelques problèmes logistiques. Mais l’intérêt politique (au sens noble)nous semblait plus important.
Les conditions matérielles se sont un peu compliquées à cause de nos contraintes de traduction en trois langues. Il fallait trouver une salle adaptée avec du matériel. Le seul matériel transportable, celui de la Présidence, était en mauvais état. L’autre possibilité était de prendre une salle au Sheraton, très chère. La solution a donc été de louer une grande salle de réunion, avec estrade et matériel de traduction qui n’était pourtant pas adapté pour trois langues. Cela a donc posé des problèmes. Mais du fait de la composition du groupe, de l’intérêt des contributions et des discussions, cela s’est bien passé. Nous pensons en fait qu’il faudrait construire ou acheter un système simple de traduction avec fil et piles, comme ceux que certains partenaires japonais utilisent.
Un comité de préparation de cette réunion a fonctionné un peu par courrier électronique et par fax. Mais les choses se sont surtout préparées sur la base de la confiance réciproque déjà acquise. Nous avions prévu de proposer un texte avant la rencontre, sur le thème de la sécurité alimentaire. Nous n’avons pas eu le temps de le préparer et de le mettre en débat avant Yaoundé. Aussi a-t’il a fallu le préparer pendant les rencontres. Cela a été dur, car nous n’avions plus beaucoup de temps. Cela a obligé certains à travailler la nuit. Il n’a pas été évident de se mettre d’accord en travaillant en trois langues. Mais il y a avait une volonté majoritaire d’avoir un texte pour la prochaine réunion de consultation avec la FAO. Une déclaration de Yaoundé a donc été approuvée.
Sur le fond, cette réunion a été très positive. C’était la première fois que les différents réseaux se retrouvaient pour réfléchir ensemble. Le thème central a été celui de la sécurité alimentaire. Nous avions, quelques semaines avant Yaoundé, proposé de travailler sur les grandes questions qui mobilisaient les différents partenaires présents (agriculture durable, intégration régionale, Gatt et Omc, organisations paysannes et indigènes...). Mais chacun s’était mobilisé sur le thème de la sécurité alimentaire et désirait faire le point avant la réunion de consultation des ONG qui se tenait en octobre, et avant le sommet de l’alimentation de Rome. Il faut dire que différents pays et continents avaient été particulièrement mobilisés : APM Afrique avec tout un processus de collecte de contributions et une réunion préparatoire à Bamako, Le Riad avec une participation active au processus de consultation officielle en Amérique latine et l’élaboration de propositions. Le forum Peco avait aussi organisé une réunion sur ce thème en Pologne.
D’autres choses positives sont sorties de cette réunion : le projet d’éditer en plusieurs langues (5)un journal (Terre Citoyenne)pour le sommet de Rome. Ceci fut réalisé par la suite.
Un programme mobilisateur associant chercheurs, ONG et organisations paysannes et indigènes a pu être approfondi. La volonté des réseaux de travailler ensemble dans le cadre de chantiers internationaux a été affirmée. Les participants n’ont pas voulu structurer officiellement un réseau APM mondial. Les réseaux continentaux suffisaient. Cette réunion a été aussi un moment d’affirmation forte de l’existence du réseau APM Afrique. Au Cameroun, les médias ont couvert l’événement. Les conseillers du Ministre de l’agriculture, impressionnés par la qualité des apports et interventions, voulaient adhérer au réseau APM Afrique. Cette réunion additionnée au travail de ce réseau sur le thème de la sécurité alimentaire a poussé son secrétaire général à être désigné, quelques semaines plus tard, lors du sommet de Rome, comme porte parole de toutes les ONG et organisations populaires.
méthodologie, souveraineté alimentaire, intégration régionale, organisation paysanne
, Afrique, Cameroun, Yaoundé
Le choix de l’initiateur officiel d’une rencontre peut être tout à fait stratégique dans certains pays. On le voit bien dans cet exemple, la Fondation a eu un rôle de facilitateur non négligeable pour la circulation des personnes dans le pays, mais en même temps il fallait sur place une entité nationale officielle parmi les organisateurs. Le choix du lieu d’une rencontre n’est donc pas sans importance, comme celui des partenaires.
Attention par ailleurs à la qualité du travail préparatoire et à son impact sur celle de la rencontre : la confiance sans la rigueur ne peut, à elle seule, toujours porter les fruits espérés. Si un premier texte avait été préparé pour Yaoundé, cela n’aurait-il pas évité quelques nuits blanches ? Mais il est par ailleurs parfois risqué de préparer une ébauche pour une déclaration, avant même la rencontre, car l’appropriation de ce texte par les participants peut être plus difficile et politiquement mal vécue.
La présentation de cette rencontre met par ailleurs en relief combien il est important de bien choisir le moment avant de rassembler des personnes de plusieurs réseaux régionaux pour en constituer un plus large : la maturité des membres , la confiance mutuelle et la capacité à travailler collectivement et entre différentes cultures doivent être acquises.
On notera enfin l’importance de la logistique pour les aspects d’interprétation : une rencontre trilingue sans un système d’interprétation adapté, c’est une perte de temps assurée pendant son déroulement.
Récit d’expérience ; Texte original
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