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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Drogues : les fruits amers de la mondialisation

Jean Christophe LALLEMENT

09 / 1999

La restructuration des économies nationales selon les canons du néolibéralisme, combinée à la crise économique, a affaibli, tout particulièrement à l’Est et au Sud, les marchés internes ainsi que ceux liés à l’exportation. L’action du Fonds monétaire international (FMI)et de la Banque mondiale, censée stabiliser voire améliorer la situation, n’ont fait qu’aggraver la récession de l’économie légale et, par voie de conséquence, favoriser l’émergence d’un environnement propice aux productions et aux commerces illicites, puis l’expansion généralisée d’une "économie alternative" basée, entre autres, sur le commerce de la drogue et l’essor des activités illégales. Dans ce contexte, les auteurs cherchent à montrer les liens incontestables entre la dette du Sud, les exigences néfastes des Programmes d’ajustement structurel (PAS)et l’inexorable développement du commerce des stupéfiants avec son cortège de misère et de violences.

Qu’il s’agisse d’ambitions économiques, politiques ou financières, le néolibéralisme, dans sa brutalité, s’accommode particulièrement bien du trafic de drogue, allié assumé ou partenaire de l’ombre des acteurs licites des jeux du pouvoir. Le poids de la dette, les contraintes des PAS, menacent gravement les conditions d’existence du monde rural. Deux cent millions de pauvres en Amérique latine. Confronté à cette réalité, le paysan n’a pas beaucoup de choix. Pour la culture du pavot, le salaire journalier est cinq fois supérieur à la moyenne ; un hectare de café rapporte trois mille dollars tous les deux ans, la même surface cultivée en pavot, cinquante-quatre mille. Ainsi, l’illégalité devient condition de survie pour les économies marginales et permet de satisfaire les besoins essentiels d’une population précarisée par les lois du Marché. Ces mêmes paysans sont toutefois les cibles privilégiées de la répression qu’exercent sur le trafic de stupéfiants les nations développées, États-Unis en tête. Ainsi, la guerre à la drogue n’a réussi jusqu’à présent qu’à stimuler les prix à la consommation des stupéfiants et à diminuer les coûts de production, ce qui aurait tendance à étendre le marché de la drogue et amplifier les effets négatifs dans les pays consommateurs. C’est en fait l’illégalité de ce marché qui permet d’assurer sa fabuleuse rentabilité, ce qui oblige à se demander qui sont les bénéficiaires de la production, du trafic et de la consommation des stupéfiants. La logique de marché engendre une logique de pouvoir. La production de stupéfiant et sa distribution de masse ont permis aux narcotraficants une accumulation rapide de capitaux gigantesques. Leur insertion dans le marché international les a mis en contact avec d’autres groupes économiques. Une fois cette fortune légalisée, les narcotraficants peuvent se constituer en groupe de pouvoir, lequel reproduit les mêmes valeurs et comportements que ceux des classes dirigeantes. Devenus bailleurs de capitaux et acteurs privilégiés d’une société où la croissance repose sur l’initiative privée et la concurrence, ils choisissent la spéculation financière comme méthode de légitimation. Le phénomène économique de type court qui caractérise la production et la commercialisation des stupéfiants trouve ainsi pleinement sa place dans le contexte du Marché et du libre-échange. Cette logique, qui s’apparente à un cercle vicieux, aboutit à réprimer les paysans producteurs précaires et favoriser l’enrichissement et la reconnaissance sociale des capitalistes du narcotrafic.

Mots-clés

drogue, mondialisation, libre échange, trafiquant, lutte contre les trafics, production de drogue


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Source

Livre

PIRO, Patrick (dir.), Drogues, les fruits amers de la mondialisation, Charles Léopold Mayer, 1998 (France)

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