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Rwanda : Mémoire d’un génocide

Trente-neuf témoignages de survivants du drame rwandais

Pierre Yves GUIHENEUF

04 / 1999

Trente-neuf témoignages de survivants du génocide rwandais, illustrées de photographies de leurs auteurs : c’est là l’essentiel de ce livre. Ces hommes, ces femmes et ces enfants ont tous vu la mort de près et la plupart d’entre eux ont perdu l’essentiel de leur famille dans les quelques mois de folie meurtrière de l’année 1994. On ne sait pas ce qui, dans leurs existences dévastées, est le plus terrible : le souvenir des horreurs vécues ou le vide qu’il faut affronter après.

En avril, mai et juin 1994, les bandes armées de miliciens, issus du parti du président Habyarimana - mort peu de temps auparavant dans un accident d’avion provoqué par un attentat - entreprennent de pourchasser et tuer les Rwandais d’ethnie Tutsie et les Hutus qui s’opposent aux massacres. Les tueries concernent souvent plusieurs milliers de personnes, rassemblées dans des bâtiments collectifs - y compris des églises - avant d’être abattues sans distinction de sexe ou d’âge. Comme le souligne la sociologue Claudine Vidal dans son introduction, <avoir survécu relève d’un enchaînement de circonstances tellement exceptionnel que l’on en reste effaré. Certains résistent à d’abominables blessures, d’autres passent pour morts, cachés parmi les cadavres, jetés dans les latrines, épargnés au dernier moment par des assassins fatigués de tuer, sauvés par l’arrivée du Front patriotique rwandais, par les militaires français. Beaucoup échappent plusieurs fois à la mort>.

On devine, dans ces récits bouleversants, les composantes du génocide. Le recours à la machette a beau y être systématique, ces crimes n’ont rien d’impulsifs et ne peuvent pas se réduire à l’explosion spontanée d’une violence due à la fureur de gens cherchant à venger la mort de leur président. La préméditation, le caractère systématique des tueries, le repérage préliminaire des victimes, l’encadrement des tueurs et la planification de leurs actes par les corps organisés (armée, police, notables locaux...), les encouragements dont ils bénéficient de la part de certains médias comme la Radio des Mille Collines font de ce drame un acte délibéré de meurtre à grande échelle. Le nombre exact des victimes n’est pas connu, les estimations oscillent entre cinq cent mille et un millions de victimes, peut-être plus.

De 1990 à 1994, des autorités rwandaises liées à la mouvance présidentielle mirent en place une organisation capable de tuer à grande échelle, procédèrent à des massacres localisés et entamèrent une propagande destinée à préparer les esprits en assimilant les Tutsis de l’intérieur à des agresseurs. Puis, quelques heures après l’attentat contre l’avion présidentiel, ils lancent le carnage. Ce n’est pas pour assouvir des haines séculaires que les autorités incitèrent à ces boucheries, souligne l’introduction de cet ouvrage - mais pour raffermir un pouvoir contesté et affirmer une conception du racisme ethnique et de la pureté biologique étrangère à la culture traditionnelle, importée par des cadres politiques et militaires dotés d’une formation occidentale.

Le silence de la communauté internationale lors des événements qui parsemèrent les années 1990 à 1994, le renforcement de l’armée rwandaise grâce à l’aide de la France, puis l’abandon précipité du pays par toutes les représentations diplomatiques dès le début du mois d’avril, ne purent que conforter le dessein génocidaire. Mais le décorticage des mécanismes politiques qui présidèrent à l’organisation de ce crime collectif ne suffit pas. Comment expliquer que des voisins, des amis, parfois des membres de la famille des victimes se transforment en leurs assassins ? Comment expliquer que les bourreaux aient pu exécuter hommes, femmes et jusqu’aux nourrissons avec un tel cynisme ? Survenus presque au même moment, les événements de Yougoslavie nous rappellent qu’une telle barbarie a aussi pu se manifester en Europe. Le drame rwandais invite à un devoir de mémoire mais également à une réflexion sur les circonstances et les causes de la déshumanisation.

Mots-clés

génocide, crime contre l’humanité, conflit, conflit ethnique


, Rwanda

Commentaire

On pourra lire également la fiche rédigée à partir du livre d’André Sibomana "Gardons espoir pour le Rwanda" (Editions Desclée de Brouwer, 1997).

Source

Livre

BUHRER, Michel, Rwanda, mémoire d'un génocide, Le Cherche-Midi / Unesco, 1996 (France)

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