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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Les clés d’un véritable partenariat

Yannick JADOT

01 / 1999

Lors de sa création en 1975, la Convention de Lomé se veut un projet politique novateur et ambitieux en matière de relations Nord/Sud, abordant les questions d’aide au développement et de commerce dans une perspective de partenariat. Ce partenariat se traduit par la négociation et la ratification d’un contrat entre pays "donateurs" et pays "récipiendaires" : la Convention de Lomé.

Malheureusement, la pratique de la coopération a souvent transformé le dialogue paritaire en un monologue du Nord sur le Sud. C’est encore largement le cas dans les propositions européennes et ACP de réforme de la Convention de Lomé, même si la question des droits de l’homme a pris une importance significative. En changeant quelque peu la forme, il s’agit toujours de pays riches aidant des pays pauvres. N’y aurait-il pas aussi des interdépendances entre l’Europe et les pays ACP qui justifieraient que ces deux groupes de pays fondent un nouveau partenariat sur des défis communs ? Les interdépendances négatives sont connues et couramment rappelées : les migrations ("aidez-nous sinon vous verrez arriver d’Afrique les boat people de la misère!"), les trafics de drogue, la criminalité, les conflits. D’autres interdépendances existent, liées à des questions globales qui touchent aujourd’hui pays du Nord et pays du Sud.

Prenons le cas de la mondialisation. La mondialisation a trouvé un cadre de discussion et de négociation des normes et des règles censées l’encadrer : l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Depuis 1947, l’objectif principal du GATT a été l’abaissement des barrières tarifaires. Ce processus est en voie d’achèvement. Du coup, le centre de gravité des négociations de l’OMC s’est déplacé des préoccupations strictement commerciales vers les autres éléments des politiques nationales qui interfèrent avec le commerce : les normes (de qualité, d’environnement, sanitaires et phytosanitaires)et les règles (sur l’investissement, les droits de propriété intellectuelle, le droit du travail, les marchés publics, etc.). Or ces domaines relevaient jusque là de la souveraineté nationale et des choix de société.

Au delà des marchandises, la libéralisation des échanges met dorénavant en concurrence des systèmes économiques, politiques, sociaux et culturels.- Et ces systèmes reposent sur des équilibres fragiles, dans les pays du Sud bien sûr, mais aussi dans les pays du Nord.- En fin de compte, l’OMC statue de plus en plus sur des aspects des politiques intérieures qui ne relèvent pas de son mandat.

Le paradoxe est qu’il y a aujourd’hui un relatif consensus pour souligner les défaillances du marché (entendu au sens de système de régulation)à l’égard des questions d’environnement, de pauvreté ou de sécurité alimentaire, mais que, faute d’instance de régulation internationale, c’est l’OMC qui construit une jurisprudence dans ces domaines. Et elle le fait sur la base du seul droit commercial.

Quel pays du Nord peut aujourd’hui affirmer que la dégradation de l’environnement, l’insécurité alimentaire, l’exclusion et la pauvreté sont l’apanage des seuls pays du Sud ? Ce sont évidemment des défis communs. Nombre de normes et de règles qui régissent progressivement les échanges sont difficiles à élaborer dans le cadre multilatéral, justement parce qu’elles touchent aux modes de régulation des sociétés. La Convention de Lomé pourrait devenir un lieu de discussion sur les modalités de régulation des échanges qui répondent à ces défis communs.

Prenons un autre cas, celui des ressources naturelles. Longtemps, la question de l’environnement est restée une question locale. On connaît mieux maintenant les impacts globaux des mauvaises pratiques dans le domaine de l’eau, de la fertilité des sols, de la biodiversité, du couvert végétal et de la forêt... Le climat est affecté par les modes de production et ces changements climatiques globaux font peser de lourdes menaces sur certaines régions du globe (désertification croissante, montée du niveau de la mer et risques pour certains Etats insulaires). La destruction de la biodiversité fait quand à elle peser des menaces sur la disponibilité de gènes qui pourraient s’avérer essentiel dans les domaines agricoles, pharmacologiques ou phytosanitaires. Or les pays ACP sont plutôt richement dotés, mais ont souvent des difficultés objectives à mettre en oeuvre des stratégies de croissance économique qui préservent le futur. Le dumping sur la ressource est même parfois une condition de l’insertion sur le marché international. Face au piétinements de ces débats dans les cadres multilatéraux, l’Europe et les ACP peuvent-ils développer des stratégies communes dans ces domaines ? Une action plus volontariste qui concernerait simultanément les pratiques et les politiques publiques dans ces deux groupes de pays serait-elle de nature à modifier le rapport de force dans la négociation internationale ? Pourquoi ne pas intégrer dans le cadre commercial de Lomé des dispositions propres à intégrer les questions sociales et environnementales sous forme d’incitations fortes et d’appuis indispensables à la mise aux normes des systèmes de production (transferts de savoir-faire et de technologie, développement du commerce équitable, ...)?

Enfin, puisque le partenariat consiste largement en un dialogue sur les politiques, il convient que ce dialogue soit réciproque et ne porte pas seulement sur les politiques du Sud. Les pays ACP pourraient légitimement demander aux pays européens d’améliorer la cohérence des positions qu’ils défendent dans la Convention de Lomé avec celles qu’ils défendent dans le cadre des institutions internationales (Banque mondiale, FMI, OMC, Nations unies, G8). Le dialogue Euro-ACP pourrait aussi intégrer les politiques européennes qui ont un impact sur les pays ACP, parfois contraire aux objectifs de coopération. Les cas où les exportations de produits agricoles européens subventionnés sont venus mettre en péril des filières de production ACP sont multiples (céréales, produits laitiers, viande bovine, tomate transformée, etc.). Pourtant l’Union européenne et les pays ACP ont probablement des points de convergence à développer sur les types d’agricultures qu’ils souhaitent défendre dans le cadre des prochaines négociations agricoles de l’OMC. Dans le domaine commercial, la proposition européenne, prônant la mise en place d’accords de libre-échange, ignore largement les réalités et les besoins économiques et sociaux des pays ACP.

Mots-clés

coopération UE ACP, convention de Lomé, mondialisation


, Europe, Pays ACP

Commentaire

Pour le moment, l’Union européenne ne veut pas faire du groupe ACP un partenaire dans l’élaboration et la négociation des modalités de régulation des questions globales. A-t-elle d’autres choix ?

Notes

[Fiche produite dans le cadre du débat public "Acteurs et processus de la coopération", appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]

Source

Document interne

SOLAGRAL

SOLAGRAL (Solidarité agricole et alimentaire) - n’existe plus

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