Une initiative locale autonome qui fait tâche d’huile
Benoît LECOMTE, Brigitte REY, Sara DIOUF
02 / 1998
Sara Diouf, Secrétaire Général de l’association locale Jig-Jam au Sénégal, témoigne :
"Au niveau du département, les actions de protection de l’environnement et de restauration se développent grâce à une participation de tout le monde. A chaque fois, nous avons essayé d’avoir une concertation élargie. Cela est parti de Jig-Jam. On a eu, à Fissel, l’initiative de prendre des mesures de préservation de l’environnement vu l’état de dégradation qui existait. Après cela, nous avons (dans un premier temps, avant de nous lancer plus loin)vu les conseillers ruraux, les chefs de village, même le préfet, les techniciens. Ensuite, nous avons invité l’ensemble des structures qui se trouvent dans notre zone à des rencontres de réflexion. Pour le moment, dans la zone où intervient Jig-Jam, on a vraiment pris des mesures et toutes les populations se sont engagées et pratiquent la réglementation de la coupe, les méthodes de protection des jeunes pousses, toutes les techniques de reboisement. Jig-Jam continue à appuyer : elle finance les rencontres, elle appuie les responsables des services techniques. Elle finance le gas-oil des motos, les indemnités, etc. Dans la zone où nous sommes, que ce soit le sous-préfet ou les autres associations ou les techniciens; tout le monde participe à la mise en oeuvre des programmes de Jig-Jam. Chacun a quelque chose à faire.
Cela peut sembler anormal qu’une association paysanne appuie un fonctionnaire pour qu’il fasse son travail. C’est que les positions ont changées. Dans le passé, la position des techniciens et des autorités, par rapport aux paysans, était celle-ci : eux devaient venir aider les paysans parce qu’ils en avaient les moyens. La politique de l’Etat leur permettait d’aller un peu partout. Mais actuellement, l’Etat s’est retiré. Qu’est-ce que nous avons alors ? Nous avons des techniciens qui sont bien formés mais qui ne sont pas équipés. Il leur manque de quoi acheter du carburant ou même ils ne touchent pas leur salaire régulièrement. Face à ces problèmes, nous, étant donné que ce sont des personnes-ressources vivant au milieu de nous, on s’efforce de les utiliser. Nous avons identifié des domaines dans lesquels ils peuvent nous être utiles. Au moins, en les utilisant nous les encourageons. C’est aussi parce que, devant le désengagement de l’Etat, les paysans s’organisent; ils ont la mission dans beaucoup de domaines de prendre le relais de cela et se mettre réellement à la gestion de leur patrimoine. Là où nous sommes, ce n’est plus l’Etat qui va venir nous dire : "Attention, il ne faut pas couper cet arbre-là". Il l’a fait pendant des années, il n’y a pas réussi. Ce sont les populations seules qui sont capables de protéger l’environnement. L’Etat l’a senti et s’est retiré. Les populations ont été jusqu’à se mettre dans des situations très fâcheuses (de destruction de leur environnement)et puis elles ont pris conscience; elles sont maintenant revenus à des acquis qui étaient déjà là, c’est-à-dire les organisations paysannes, pour essayer de s’organiser encore davantage pour sauvegarder l’environnement.
Je trouve qu’avec des politiques telles que la protection de l’environnement, nous sommes arrivés à "emballer" toute la région. Un "Réseau des paysans pour la protection de l’environnement" est né. Il regroupe l’ensemble des organisations paysannes de la région de Thiès. La preuve que c’est quelque chose qui attire beaucoup d’organisations, quelque-soit leur situation, est celle-ci : la cotisation annuelle est de 50.000 CFA et nous avons actuellement beaucoup de membres, même dans les régions voisines de Fatick et de Diourbel. L’initiative est sortie de Jig-Jam. C’est elle qui, à travers sa politique de protection et de restauration de l’environnement, est arrivée à convaincre l’ensemble des structures, l’ensemble des paysans. Ils se sont mobilisés autour de cette idée pour protéger la zone toute entière. Je pense que si nous étions restés là à attendre les techniciens, nous ne serions pas allés loin dans cette affaire. Et nous n’avons pas attendu un projet d’aide pour agir.
Nous sommes là-dedans depuis presque deux ans et jusqu’à présent ce sont les associations qui financent cela. L’Aide extérieure vient de se prononcer, il y a deux mois, pour appuyer. Mais, depuis l’animation jusqu’à la création du réseau et sa première assemblée générale, ce sont les associations qui ont financé avec leurs ressources propres".
Etat et société civile, organisation paysanne, reforestation, protection de l’environnement, désengagement de l’Etat, mobilisation de l’épargne
, Sénégal, Fissel
Un des dirigeants paysans promoteurs, en 1996, d’un "réseau régional des paysans pour la protection de l’environnement" explique comment cette action est née sur les terres déboisées des membres des groupements de la communauté rurale de Fissel, a fait tache d’huile sans recours aux apports d’aide extérieure et attire désormais des membres actifs au niveau de plusieurs régions du Sénégal.
Entretien réalisé en décembre 1997.
[Fiche produite dans le cadre du débat public "Acteurs et processus de la coopération", appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]
Entretien avec DIOUF, Sara
Entretien
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