Perceptions villageoises du projet : décalage entre la société civile et la population dans le village
01 / 1999
1)Présentation du programme :
Le programme de structuration rurale au Mono a démarré en Mai 1995. Il a été financé dans le cadre du 7ème Fond Européen de Développement (FED). Il fait suite au programme de développement rural intégré du 6ème FED. Le développement rural est l’un des trois axes principaux de la coopération dans le 7ème FED. Ce volet disparaît dans le 8ème FED ; l’appui au développement rural n’apparaissant plus qu’au titre des actions complémentaires.
Ce programme représente une synthèse entre d’une part, les recommandations de la mission d’évaluation (abandon des volets productifs et concentration sur la structuration du milieu)et d’autre part, la dynamique de décentralisation en cours au Bénin.
"L’objectif du programme est d’améliorer le niveau de vie des populations rurales du Mono par un appui institutionnel aux futures communes et une structuration du milieu qui s’articule autour de :
- la construction et la réhabilitation d’infrastructures hydrauliques (puits et mini réseaux),
- la réhabilitation de pistes rurales,
- l’aménagement de marchés, d’aires d’abattage et de magasins de stockage,
- la construction d’écoles.
Ces projets sont mis en oeuvre par différents opérateurs notamment l’AFVP pour le volet écoles et puits. Une Cellule d’Appui Technique a été mise en place afin d’assurer la supervision du programme, l’appui administratif, financier et techniques aux communes (qui devaient être mises en place pendant la durée du projet).
2)Perception du projet par les villageois :
C’est dans la cour de la maison de l’instituteur puis, de celle du vieux du village, président de l’association des parents d’élèves que je me suis entretenue avec ces deux personnages sur la construction d’écoles dans leur village. Le décalage entre ce cadre doux, calme, atemporel, le visage si malicieux du vieux, avec notre discussion s’est retrouvé dans le contenu de celle-ci.
Heureusement j’étais accompagnée par un béninois, qui sans le leur dire comprenait leur dialecte. Ainsi, nous avons pu mesurer la différence qui sépare le discours de ce que l’on nomme la société civile et la parole de la population.
Ainsi, pour l’instituteur il y avait besoin de salles de classe dans le village. "On s’était adressé au ministère, on avait cotisé pour réparer les salles. Puis, on a su (je n’ai pas pu savoir directement comment, mais j’ai constaté que le fils du vieux est enseignant à l’université nationale du Bénin et est certainement à l’origine de cette information)que l’AFVP venait mettre des écoles dans les villages. On a discuté avec eux, ils nous ont demandé si on connaissait un entrepreneur. Ils se sont mis à notre disposition pour toutes les informations que l’on voulait".
Mais, personne dans le village ne savait que l’AFVP intervenait dans le cadre de la coopération avec l’Europe. Certains dans des villages moins enclavés, ne connaissent pas l’Union Européenne mais le FED. "Le FED est là, c’est l’école là-bas".
L’instituteur n’a pas parlé en toute tranquillité, même si le fonctionnaire du ministère de l’éducation qui nous accompagnait a tenté de le rassurer et est même allé jusqu’à s’absenter afin que l’instituteur n’ait plus peur. Dans ce contexte, ce dernier tient à me dire que le dialogue et la cotisation pour récolter les 30% devant être financés par la population se sont faits tout à fait naturellement. "Nous sommes prêts à recommencer si d’autres venaient ".
Alors qu’une multitude d’enfants nous entourent, il ajoute qu’avec le projet beaucoup de nouveaux enfants sont venus à l’école surtout des filles. A tel point que les classes qui avaient été prévues pour 40 à 45 personnes se sont avérées dès le départ trop petites puisque pour chacune, les effectifs montent à 60. Cela a sensibilisé la population et les enfants, qui respectent plus ces salles de classes.
Quant au vieux il a été très heureux de me recevoir, m’assimilant au FED et donc à un projet à venir. Lorsque l’instituteur lui traduit mes questions il l’oriente dans les réponses à donner. Ainsi, il me confirme que la collaboration avec l’AFVP a généré des dynamiques dans le village et des relations avec les villages voisins également concernés. Alors que dans son dialecte il demandait ce que je voulais et disait qu’il ne savait pas.
école, coopération décentralisée, coopération UE ACP
, Bénin
Si l’on se limite à la parole de ce que l’on nomme société civile, à savoir, dans le cas précis de la coopération, la population organisée pour répondre aux interfaces, il est aisé d’être satisfait et d’évaluer positivement l’impact de la majorité des actions. Puisque la plupart de ces organisations ont été créées dans le cadre du projet évalué.
Ces organisations, ont bien compris le discours qui marche avec le blanc, celui qu’il veut entendre.
Plus difficile à entendre est la voix de la population brute cachée sous sa multitude, son éloignement et son attitude de contournement, d’évitement, à l’égard des actions du "blanc". Or, c’est lorsque ces personnes peuvent articuler en parole l’histoire, l’impact d’un projet de coopération que celui-ci a réussi en terme de développement participatif
[Fiche produite dans le cadre du débat public "Acteurs et processus de la coopération", appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]
Autre ; Entretien
Fiche basée sur les documents et entretiens suivants : rapport annuel 1997 de la coopération entre l'Union Européenne et la République du Bénin ; rapport d'activités 1997 de l'AFVP Bénin ; rencontres avec M. Y. Pelletier, délégué de l'AFVP Bénin, le 13/01/99 ; avec les populations, le 13/01/99.; (Lire aussi la fiche rédigée par Désiré H. Aihou sur ce même entretien, "Vision d'un chef traditionnel...").
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