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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Compassion, ou complicité ? Fleurs et épines des pratiques de coopération

Redessiner l’objet de la coopération : le partenariat

Cândido GRZYBOWSKI

12 / 1998

Il faut souligner l’expérience de construction de réseaux de relation internationaux; ils sont une configuration prometteuse de la coopération, à cause des relations qu’ils créent entre les acteurs des différents pays. L’objectif de ces réseaux n’est pas l’intervention directe dans un endroit déterminé, sur une réalité spécifique, mais plutôt le renforcement des acteurs engagés dans leur propre action surtout dans l’arène internationale. Il s’agit de devenir des partenaires dans le domaine de la réflexion stratégique et de la formulation de propositions. Dans ces réseaux, il existe un problème crucial de financement, mais le "cercle" des partenaires, même s’il s’agit d’agences apportant des financements, ne se détermine pas d’après leur capacité financière.

Sont représentatives de ce mouvement trois expériences dans lesquelles IBASE est engagé :

  • Le réseau DAWN (Development of Alternatives with Women for a New aera)articule d’une manière très large des groupes et des mouvements de femmes. Il a été conçu dans les années 1990 avec l’objectif de leur donner plus de visibilité et de capacité de proposition dans le champ des grandes conférences internationales des Nations Unies.

  • L’initiative du "Social Watch" qui, aujourd’hui, rassemble des organisations non gouvernementales dans plus de quarante pays, est apparue après la Conférence pour le développement social, à Copenhague, en 1995. Elle cherche à activer les engagements sociaux pris par les gouvernements lors des conférences internationales, en produisant des indicateurs des engagements tenus dans chaque pays, en vue d’une action de pression politique. Ces deux réseaux ont fini par provoquer des dynamiques qui leur donnent une grande autonomie et leur permettent des initiatives diverses. Les apports de la coopération d’origine européenne leur sont indispensables, mais ils sont plus politiques que financiers. Même sans engagement tangible d’une agence de coopération, ces réseaux ont la possibilité de subsister, si leurs participants sont décidés à les garder vivants.

  • Un troisième exemple est celui de la construction du RIAD (Réseau Inter-Américain Agriculture et Démocratie), fondé en 1992 par des organisations de douze pays dont les Etats-Unis. Il s’agit d’une articulation entre des chercheurs, des techniciens, des responsables d’organisations paysannes et indigènes, ainsi que des membres d’ONG de divers pays du continent américain. Le RIAD travaille en partenariat très étroit avec l’APM (Agriculture Paysanne et Mondialisation), à l’origine programme de la FPH, aujourd’hui devenu réseau d’une portée mondiale. La FPH a eu le mérite de favoriser la constitution du RIAD. Mais les relations entre le RIAD et la Fondation n’ont pas été paisibles, à cause de l’asymétrie de pouvoir entre les participants et l’agence de financement.

Finalement, un compromis s’est dessiné et aujourd’hui le réseau possède une capacité de dialogue et d’intervention connue de tous.

Finalement, la coopération est-elle possible ? Nécessaire ? Ce ne sont pas seulement les groupes et organisations des pays "développés" qui doutent de la coopération, de sa signification et de son efficacité.

En premier lieu, elle a pris corps dans les "plates-formes". Dans le cas du Brésil, l’expérience la plus longue est la plate-forme appelée NOVIB, entre les partenaires de cette agence hollandaise et ses associés. Au cours de la deuxième moitié des années 1980, alors que les ressources de la coopération n’étaient pas aussi réduites qu’actuellement, NOVIB décida, à la suite du dialogue avec ses partenaires, d’aller plus loin que les simples relations bilatérales. NOVIB a donc été à l’origine de la réalisation de conférences internationales de consultation avec ses partenaires dans différentes régions du monde. Une série de conférences à la Haye, avec plus de quarante participants, a permis de mieux connaître et de mieux apprécier les différences, étant donné que les accords sont toujours difficiles. La méfiance était grande, ainsi que l’incertitude quant aux développements ultérieurs de l’initiative. Année après année, les partenaires se sont rencontrés dans une sorte d’atelier d’échanges et de construction de complicités, pas toujours avec succès. Des discussions à l’intérieur de la plate-forme NOVIB est née l’idée de création de l’ABONG (Association Brésilienne d’ONG). Aujourd’hui, d’autres agences maintiennent des plates-formes de discussion avec leur partenaires.

Entre Latino-Américains, un effort est fait actuellement en vue d’un dialogue multilatéral, rassemblant différentes organisations de plusieurs pays et des agences de coopération européennes. C’est une tâche difficile. Les organisations européennes sont prêtes à coopérer avec leurs vis-à-vis latino-américains, mais pas entre elles. Dans l’ensemble, les rencontres ont lieu encore entre partenaires et une agence de coopération déterminée, comme ce fut le cas encore lors du récent dialogue avec NOVIB, en novembre 1997, à Bogota.

Le plus innovateur des modes de dialogue, jusqu’à présent, fut le PAD (Processus d’Articulation et de Dialogue)entre des agences oecuméniques européennes et des entités partenaires du Brésil. Pour la première fois, ce dialogue ne se rapporte pas, tout d’abord et de manière préférentielle, aux relations directes entre les agences et leurs partenaires, mais donne priorité au débat d’idées et aux propositions qui unissent les parties en présence et les poussent à établir une coopération. Dans un tel échange, les possibilités d’une reconstruction de la coopération en tant que relation de solidarité internationale sont finalement présentes. Au lieu de discuter sur les problèmes internes des relations, on donne la priorité aux discussions sur " ce que nous sommes et ce que nous voulons faire en tant qu’acteurs ".

Mots-clés

coopération internationale, politique de coopération, solidarité internationale, réseau de citoyens


, Europe, France, Brésil

dossier

Gouverner les villes avec leurs habitants

Commentaire

A travers tous ces exemples, avec leurs difficultés, la coopération devient une question en elle-même. L’échange et le pacte entre partenaires n’ont plus lieu autour d’actions immédiates à développer ensemble, mais plutôt autour de la vision elle-même de la coopération internationale. Ainsi, la coopération n’est plus relation problématique et tendue, échange de maigres ressources, mais plutôt pure complicité autour d’objectifs communs en vue de la construction d’un monde solidaire et responsable.

Notes

IBASE, R.Vicente de Souza, 29 - Botagofo - 22251 Rio de Janeiro, RJ - Brésil.

Cândido Grzybowski est délégué général de IBASE (Institut brésilien d’analyses sociales et économiques), Rio de Janeiro.

Source

Articles et dossiers

GRZYBOWSKI, Cândido, Compassion, ou complicité ? Fleurs et épines des pratiques de coopération in. Economie et humanisme, 1998/04/ (France), 344, Lire également le dossier d'Economie et Humanisme, n° 346, septembre 1997, relatant les expériences de Développement Social Urbain conduites en coopération entre la communauté urbaine de Lyon et l'agglomération de Santiago.

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