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L’engagement d’un comité inter-entreprises dans la solidarité internationale

L’exemple du CIE de la CANA

Martine HERVE

12 / 1997

Créée en 1932 par neuf agriculteurs d’Ancenis (44), la coopérative agricole la CANA a depuis connu une forte expansion. Aujourd’hui c’est un groupe de 80 agences des Pays de Loire employant environ 4400 salariés. Les comités d’entreprise du groupe se sont réunis pour former un C.I.E. (comité inter entreprise), au sein duquel existe la commission Echanges-Solidarités depuis 1986. L’objectif de cette commission est, par le biais de projets de développement, de sensibiliser les salariés du groupe CANA. La CANA ne se contente pas d’être un simple bailleur de fonds des ONG avec qui elle travaille. Ses membres ont souhaité être en relation avec des groupements paysans ou syndicaux du Sud et être considéré comme un véritable partenaire.

Le CIE, à majorité CFDT a développé au départ des actions au Sénégal en partenariat avec l’ONG Eau Vive et a élargi son champ à l’Amérique latine dès 1987. La commission est ainsi intervenue au niveau de trois projets, l’un au Nicaragua, un autre au Brésil et le dernier au Venezuela. Les origines, les partenaires sont divers, ainsi que les domaines d’actions.

Au Nicaragua : un laboratoire pour une station de semences de riz : Ce projet de grande ampleur a connu de nombreuses vicissitudes dues au contexte politique du pays. Mené avec la Fédération Générale Agricole (fédération des syndicats agricoles CFDT), ce projet n’était pas neutre politiquement. Lors du blocus américain, l’association des Travailleurs de la Campagne (ATC), syndicat de salariés agricoles nicaraguayens, avait pris contact avec la CFDT pour sortir de leur isolement. A la suite d’un voyage d’étude réalisé par l’ALICEA (association de liaison des CIE de l’agro-alimentaire)et de l’Institut Belleville, un projet de laboratoire pour des semences de riz naquit. Le but en était l’amélioration de la productivité de cet aliment de base dont la demande augmentait au Nicaragua. L’ATC devait en construire les bâtiments tandis que la CANA apportait son savoir-faire en matière de recherches sur les semences. Cependant en 1990, le bâtiment fut privatisé par les Contras et racheté par des Italiens en 1993. Ceux-ci exercèrent une forte pression sur les syndicats, poussant les membres actifs de l’ATC à démissionner. La plupart des techniciens formés dans le cadre du programme ne travaillent plus aujourd’hui dans cette ferme. Les motivations de ceux qui restent ont depuis beaucoup évolué. Le laboratoire a toutefois été inauguré en 1994 et baptisé laboratoire J. Delors. Il ne fonctionne à priori qu’à 25 % de ses capacités. Ce projet de semences a par ailleurs suscité des controverses, notamment sur ses incidences en matière d’indépendance économique. Comment seront payées les semences ? Est-ce que cela ne va pas au contraire entraîner plus de dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur ?

D’autres projets ont suivi, de moins grande envergure certes, mais peut être plus maîtrisables.

Au Brésil : des chantiers de jeunes : A la suite de contact avec l’Institut Belleville, la CANA a décidé de participer à un projet de chantiers de jeunes au Brésil. Les maîtres d’oeuvre de ces chantiers sont les associations AMAR (Acteur dans le Monde Agricole et Rural)en France et IDACO (Institut de Développement et d’Action Communautaire)au Brési1.

Depuis 1989, la commission Echanges-Solidarités, soutenue par la commission Jeunes de la CANA financent le voyage de trois à cinq de ses jeunes salariés ou d’enfants de salariés, dans le but de les sensibiliser aux problèmes des pays en développement, tout en les rapprochant du CIE. A leur retour, les jeunes bénéficiaires ont à rendre compte du chantier aux membres du CIE et doivent organiser le prochain départ. On constate une hausse de l’intérêt pour la coopération suscité par ces voyages. En contrepartie de ces chantiers, la CANA reçoit des groupes de Brésiliens qui s’initient aux mystères de la France et de son agriculture.

Au Venezuela : le soutien à un projet de coopératives agricoles : Le projet des marchés populaires "Ferias" mis au point par la CECOSESOLA (Centrale des Coopératives de l’Etat du Lara)vise à rapprocher les petits producteurs des montagnes et les consommateurs urbains, grâce à un système de commercialisation directe. Ce système assure aux premiers un revenu satisfaisant et aux seconds des prix à la consommation moins élevés. Ce projet exemplaire fut retenu dans le cadre du programme de coopération franco-vénézuelien INTERCOOPA. A l’instar du CICDA (Centre International de Coopération pour le Développement Agricole), le la CANA s’est engagée avec la Confédération Française des Coopératives agricoles (CFCA), dans une association basée sur les échanges d’expérience techniques et humains. Cela passe par l’organisation de séminaires, l’envoi de coopérants techniques et l’accueil de stagiaires. Les nombreuses entreprises constituant le groupe ont des capacités d’accueil de stagiaires et un important savoir-faire à partager. Les stagiaires vénézuliens ont ainsi l’occasion de voir l’éventail des activités de ce secteur. Ce rapprochement d’organismes et de professionnels est d’autant plus profitable qu’il s’inscrit dans la logique des coopératives agricoles.

Mots-clés

coopérative agricole, solidarité internationale, organisation syndicale, coopération Nord Sud


, France, Amérique Latine, Loire Atlantique

Commentaire

Le CIE de la CANA est précurseur par son engagement dans la solidarité internationale. Lors d’une rencontre entre comités d’entreprise, la CANA a reçu un trophée pour son action au Sénégal. A la suite de cette présentation, de nombreux CE ont souhaité suivre son exemple.

Le CIE a été dépassé par le projet du Nicaragua, mais il a effectué un réajustement profitable en s’impliquant dans des projets plus humains, d’échanges d’expériences et de savoirs. Par ailleurs, pour être de véritables partenaires et non de simples bailleurs de fonds, les membres de la commission Echanges-Solidarités se sont investis auprès des associations partenaires. Ainsi, un membre du CIE de la CANA siège au sein du conseil d’administration d’Eau Vive et un autre à celui du CICDA. Cela permet également d’être en relation directe avec les partenaires latino-américains qui ne manquent pas de visiter le groupe à leur venue en France.

Les responsables de la commission portent un intérêt particulier à la dynamique sociale mise en oeuvre par le partenaire éventuel. Selon eux, besoins et dynamiques sont deux composantes, deux facteurs de réussite d’un projet de développement. Cet engagement dans le cadre du milieu professionnel est propice à la réflexion sur nos méthodes et l’évolution de notre société en général. Ces partenaires de même nature ont beaucoup à échanger. Par exemple, l’imagination sociale de la CECOSESOLA, son dynamisme, les réflexions de l’économiste chilien Luiz Razetto sur le facteur C (élément d’intégration humaine, l’union solidaire, intervenant dans les logiques économiques)interpellent les partenaires français. Autant la CANA peut apporter un savoir faire technique, autant le mode d’organisation et de participation inventés par la CECOSESOLA prête à réflexion pour cette coopérative, qui a plutôt évolué comme un grand groupe industriel.

Notes

Contact : CIE de la CANA, Commission Echanges-Solidarités, BP 174 - 44155 Ancenis Cedex. Tel : 02 40 98 92 85. Fax : 02 40 83 19 65

Entretien avec les responsables de la commission Echangest-Solidarités du comité interentreprise de la CANA.

Source

Entretien

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CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - France - cedal (@) globenet.org

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