Depuis 1993, une relation particulière s’est mise en place entre des coopératives agricoles françaises et vénézuéliennes. Accompagné par une organisation de solidarité internationale, le Centre International de Coopération pour le Développement Agricole (CICDA), les producteurs de ces coopératives ont construit un processus d’échanges d’expériences, de personnes et de méthodes d’intervention. Il s’agit non seulement d’un accompagnement méthodologique à un mouvement vénézuélien dynamique, les ferias, mais aussi d’une ouverture réciproque aux réalités des uns et des autres.
Les ferias, ou marchés de consommation familiale, existent depuis une dizaine d’années dans la province nord-ouest du Venezuela (Etats de Lara et Portuguesa, leur centre principal étant la ville de Barquisimeto). Issues du mouvement coopératif, elles sont une réponse à la crise économique que connaît le pays dans le contexte de l’après-rente pétrolière. Les clients, venant principalement de milieux modestes, peuvent y acheter des produits alimentaires à des prix assez bas. L’originalité de ce mouvement est d’articuler des organisations de producteurs agricoles et des mouvements de consommation urbains. Les ferias parviennent à proposer des prix attractifs aux consommateurs en contournant les intermédiaires. Les organisations de producteurs intéressées s’engagent à leur vendre une certaine quantité de leur production. Et c’est aussi pour eux une garantie d’écouler en partie leurs produits. Le fonctionnement des marchés est simplifié au maximum : un prix unique des fruits et légumes frais au kilo est fixé dans chaque feria pour le consommateur, une moyenne pondérée des prix payés aux producteurs pour les différents produits sur la base de leur coût de revient et d’une certaine marge bénéficiaire. Le volume moyen vendu est d’environ 500 tonnes par semaine.
Après une visite de différents projets au Venezuela en 1991 par une de ses délégations, la Confédération Française des Coopératives Agricoles (CFCA)a contacté le CICDA pour appuyer le montage d’un projet de coopération et chercher par la suite les ressources financières nécessaires à son exécution. Conscientes de certaines difficultés rencontrées dans les domaines du financement des récoltes et des techniques agricoles, et éprouvant le besoin de s’ouvrir sur l’extérieur, les coopératives liées aux ferias sont en effet demandeuses de relations suivies avec des acteurs du Nord. Après l’envoi d’un premier volontaire par le CICDA, un projet baptisé Intercoopa a reçu des financements de l’Union Européenne et du Ministère français des Affaires Etrangères pour une période de trois ans (1994-1997). Elément important de la coopération franco-vénézuélienne, les échanges entre producteurs français et vénézuéliens, auxquels Intercoopa apporte une aide financière et technique. Les séjours de Vénézuéliens en France ont été l’occasion pour eux de s’initier à de nouvelles techniques agricoles. Les Français ont découvert à leur tour au Venezuela d’autres méthodes de travail et d’organisation. Intercoopa apporte une contribution aux fonds de financement des coopératives.
Intercoopa a également permis, dès le début de la coopération, l’envoi d’un coopérant du CICDA pour toute la durée du programme afin d’accompagner la réalisation des échanges, puis de deux volontaires pour deux ans. Leur présence sur le terrain est jugée indispensable par les partenaires français au développement d’un programme de coopération unissant des acteurs possédant chacun une expérience et des activités importantes, notamment pour leur connaissance réciproque. L’organisation des échanges entre producteurs a été appuyée du point de vue méthodologique avec l’aide des coopérants. Ceux-ci ont apporté des conseils aux marchés et aux producteurs pour la gestion et la fabrication de compost. Des réunions mensuelles au Venezuela permettent de faire régulièrement le point. Les réunions d’Intercoopa en France sont plus espacées, mais l’information circule aisément entre les groupes impliqués (coopératives, associations,...)et dans chacun des groupes.
Après une période de prise de contact et de réflexion de part et d’autre (1993-1994), la coopération des partenaires français avec les coopératives vénézuéliennes du mouvement des ferias a pris la forme d’un programme suivant des axes de coopération précis : échanges de producteurs, appui aux techniciens de coopérative et aide technique. Cependant la relation établie apparaît tout à fait vivante. Il ne s’agit pas d’une coopération de type classique où le partenaire du Nord apporte simplement son appui au partenaire du Sud, car les deux parties trouvent ici un intérêt commun à coopérer. La démarche des Vénézuéliens s’inscrit dans un effort d’ouverture. Les partenaires français pour leur part se sont intéressés à différents aspects du mouvement des ferias. Les méthodes de gestion des coopératives vénézuéliennes de producteurs agricoles ont attiré l’attention du CICDA, car celles-ci obtiennent un taux important de récupération des crédits de campagne (ou "fonds rotatifs" : il s’agit de crédits consentis aux producteurs avant les récoltes, leur permettant de faire face aux dépenses liées aux cultures)par des méthodes participatives.
Les participants français ont découvert un mouvement dynamique et original par ses modes d’organisation et la liaison qu’il établit entre producteurs agricoles et marchés urbains. En effet, l’organisation du mouvement des ferias ne comprend pas de structure administrative séparée ou permanente et elle est entièrement gérée par ses bénéficiaires (producteurs et consommateurs)de façon décentralisée. Il n’y a pas de répartition fixe des tâches et des responsabilités, mais une rotation. Les membres actifs d’une feria ont régulièrement des réunions de travail où l’on discute des activités et des problèmes de la feria, et où les décisions se prennent sur une base collective. Certains membres sont salariés par leur feria, les autres, plus nombreux, sont bénévoles. Dans un grand nombre de ferias de Barquisimeto, chaque membre est chaque année évalué personnellement par tous les autres en ce qui concerne son action, ses rapports humains...
Intercoopa avait inscrit dès le début un infléchissement progressif de l’appui financier français aux techniciens et aux fonds rotatifs pour parvenir peu à peu à l’autofinancement. Cependant, les échanges de producteurs continuent avec l’appui des coopératives auxquelles ils appartiennent. Une coopérante envoyée par le CICDA participe au plan de formation en comptabilité de la feria d’Aquarigua (Etat de Portuguesa). Une évaluation globale du programme Intercoopa, menée par le CICDA et des analystes extérieurs, a eu lieu et le CICDA a demandé que le financement d’Intercoopa soit prolongé pour une seconde phase (1997-1999). Cette expérience de coopération franco-vénézuélienne devrait donc connaître encore de nombreux développements.
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, Venezuela, France
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